Ligue 1

OL : comment Alexandre Lacazette est-il devenu le meilleur joueur de Ligue 1

À 23 ans, Alexandre Lacazette vient de réaliser la saison la plus aboutie de toute sa jeune carrière. Meilleur buteur de L1, élu meilleur joueur, auteur de son premier but en équipe de France et annoncé dans le viseur de nombreux grands clubs européens, l'attaquant a marqué l'exercice de son empreinte. Retour sur son éclosion au plus haut niveau.

Par Khaled Karouri
11 min.
Olympique Lyonnais Alexandre Lacazette @Maxppp

27 buts marqués. 5 passes décisives adressées. Le tout, en 33 matches de Ligue 1 disputés. Si les chiffres parlent d'eux-mêmes, alors difficile de ne pas s'enthousiasmer pour la saison réussie par Alexandre Lacazette. C'est simple, devant porter seul ou presque l'attaque de l'Olympique Lyonnais suite aux départs des Lisandro, Gomis, et autre Briand au fil des derniers mois, celui qui était il y a peu un talent du centre de formation rhodanien s'est imposé logiquement comme l'une des têtes de gondole de notre championnat. Mais comment celui qui, au début de sa carrière professionnelle, était réputé pour ne pas être capable de disputer un match dans son intégralité est devenu le pilier inamovible du club septuple champion de France ? Foot Mercato a mené l'enquête.

La suite après cette publicité

Lacazette, vraiment pas de foncier ?

C'est en effet la légende qui a accompagné tout le début de carrière de celui que d'aucuns surnomment aujourd'hui le Kid de Mermoz. Cantonné à un rôle de simple remplaçant en équipe de France jeunes (vainqueur de l'Euro U19 dans un rôle de supersub décisif), le Guadeloupéen a longtemps souffert d'une réputation de joueur incapable de tenir la distance sur 90 minutes. Partenaire du Lyonnais chez les Bleuets, Chris Mavinga se souvient : « C'est vrai qu'en équipe de France jeunes, c'était plus un joker de luxe qui faisait mal en entrant. Il faisait toujours de bonnes entrées ». Mais pourquoi Francis Smerecki et les éducateurs rhodaniens ne lui accordaient pas plus de crédit ? Ceci réside probablement dans une blessure qui n'avait jusqu'alors pas vraiment fuité.

Son frère Benoît raconte : « Il sortait d'une opération à l'épaule au moment de passer des équipes de jeunes à la CFA. En rattaquant la saison avec une épaule en délicatesse, ses statistiques étaient moins bonnes, et on l'a alors titillé sur ce point-là pour qu'il travaille un peu plus », révèle-t-il : « En le faisant jouer sur le couloir, on l'a étoffé du point de vue pulmonaire, au niveau de l'endurance. Il est sûr qu'à la base il n'aime pas faire du foncier, mais il n'était pas largué non plus. Cette légende est basée sur une mauvaise information, c'est simplement sa blessure qui l'a contrarié, mais il n'a pas lâché, n'a pas cherché d'excuses, et a travaillé », conclut-il.

La suite après cette publicité

Une rude concurrence à ses débuts en pro

Cette réputation de ne pas pouvoir aligner les rencontres dans leur intégralité a d'ailleurs pu jouer des tours à l'intéressé, qui devait composer avec ce qui à l'époque semblait constituer une concurrence des plus rudes. Faisant eux aussi office d'authentiques talents entre Rhône et Saône, Yannis Tafer ou Ishak Belfodil avaient les atouts pour faire douter Lacazette. Doutes qui ont pu miner son moral : « À un moment donné, il me disait que c'était compliqué à Lyon, il se posait beaucoup de questions, mais je lui disais de ne pas lâcher, et qu'il passerait tôt ou tard devant Yannis Tafer ou Belfodil. Je lui disais qu'il serait au sommet, depuis longtemps je lui disais qu'il avait tout pour être un grand joueur de l'OL, déjà à 18 ans », assure ainsi Mavinga.

Benoît Lacazette, avec le recul, concède néanmoins que son frère disposait de tous les atouts nécessaires pour se jouer de cette concurrence : « Les autres jeunes, comme Belfodil et Tafer, n'avaient pas le même profil. Belfodil était plus grand, plus technique, mais moins vif. Tafer était lui plus finisseur, et avait moins de choses dans sa palette, là où Alexandre pouvait jouer ailier gauche, droit, et en pointe, ce qui a facilité son intégration au groupe pro ». Une intégration face à des monstres sacrés tels que Lisandro ou Gomis, tout sauf simple : « À la base, c'était une question de hiérarchisation, il a progressé étape par étape car on lui a clairement expliqué que Lisandro et Bafé étaient devant lui, deux joueurs qui représentent beaucoup. Il a pu apprendre en les regardant, avec un profil physique similaire à Lisandro et l'expérience de Bafé en Ligue 1, ce n'était en fait pas un problème pour lui de commencer comme troisième attaquant, il a progressé de manière linéaire et constante pour être aujourd'hui indiscutable en pointe », savoure néanmoins le frère Lacazette.

La suite après cette publicité

2014-2015 : l'année de l'explosion

En effet, les anciens canonniers rhodaniens partis, Lacazette avait pour mission d'animer à lui seul ou presque le secteur offensif lyonnais. Une mission qui, grâce aussi à Fekir, a été accomplie haut la main, même si ardue sur le papier : « C'est vrai qu'Alex a fait une très grande saison. Depuis le début de sa carrière chez les jeunes, ça a toujours été un buteur. Cette saison, il a encore franchi un cap en devenant le leader d'attaque de l'Olympique Lyonnais. Je pense qu'il le mérite amplement, il a toutes les qualités pour ce rôle, et je pense qu'il n'a pas fini de marquer des buts à l'avenir », annonce ainsi son équipier dans la capitale des Gaules, Rachid Ghezzal.

Benoît Lacazette va même plus loin, analysant aussi la saison de son petit frère d'un point de vue comportemental : « Au terme de cette saison, on peut dire qu'on est content et fier d'Alexandre. On savait qu'il pouvait faire mieux que l'an passé, encore fallait-il le réaliser. Son bilan est très satisfaisant en termes de buts, de convocations avec l'équipe de France, et même un but avec les Bleus. Et puis, il a gardé une bonne ligne de conduite sur le terrain comme en dehors, même s'il peut parfois être un peu chaud avec les arbitres pendant les matches (rires), mais il n'y a jamais eu de problèmes en termes d'image ». Pourtant, malgré ce concert de louanges, l'intéressé se montrait lui nettement moins enjoué à la sortie d'OL-Bordeaux, match qui restera comme son dernier de l'exercice : « Je suis content de ma saison, je suis conscient d’avoir fait quelque chose de bien donc je suis content de moi. Mais on peut toujours mieux faire ».

La suite après cette publicité

Lacazette, un vrai-faux timide ?

Dans son style caractéristique, plutôt renfermé au premier abord, le meilleur buteur de L1 refusait donc de savourer pleinement, conscient de pouvoir mieux faire encore, en dépit de statistiques tout à fait flatteuses. Une réponse et une attitude typique du canonnier rhodanien, qui apparaît souvent timide vu de l'extérieur, rarement le plus expansif : « En fait, tout dépend avec qui il est », corrige d'emblée son frère aîné : « Dans un contexte plus convivial avec la famille et les amis, il s'ouvre, il est taquin, il blague. Mais quand il y a plus de regards, quand il y a du public, des caméras, des journalistes, il est plus réservé car dans ce milieu tous les faits et gestes sont épiés. Il est plus maîtrisé dans ce genre de situation, il se laisse moins aller pour ne pas se faire avoir sur des détails. Mais dans la vie de tous les jours, c'est un bon vivant, ce n'est pas le genre de bonhomme qui n'a pas d'amis, qui ne fait rien de ses journées, ou qui va se coucher à 20h. Pas du tout, il profite de la vie, voit ses copains, fait des restaurants et des voyages, il vit tout à fait normalement, pas de soucis. Il profite, tant qu'il n' y a pas de débordements ! »

Refusant donc de se laisser pleinement aller au cours des soirées mondaines et autres opérations promotionnelles inhérentes à la vie d'un club de football professionnel, le numéro 10 de l'OL préfère rester plus en retrait, pour ne pas faire l'objet de ragots et autres rumeurs sur sa vie privée. Un choix assumé pour un joueur qui ne fait parler de lui que pour ses performances sur le pré. Mais rassurez-vous, ses amis dans le milieu du football apprécient le personnage : « C'est un bon pote, je suis toujours en contact avec lui, c'est vraiment un mec cool et bien. C'est un mec comme ça, un bon vivant contrairement à ce que les gens pensent. Il aime déconner dans la vie de tous les jours », assure ainsi Mavinga.

Le Trophée UNFP de meilleur joueur, une victoire méritée ?

Un homme simple et un joueur décisif, qui a été récompensé par le Trophée UNFP du meilleur joueur de Ligue 1. Nommé aux côtés de Marco Verratti, Javier Pastore, et Zlatan Ibrahimovic, le Gone a eu gain de cause au détriment du trio d'enfer du Paris Saint-Germain, excusez du peu. Et si d'aucuns estimaient que Gufetto était le mieux placé pour l'emporter, c'est bien LA10 - comme le nom de la gamme de produits à son effigie vendue par l'OL - qui a eu le dernier mot. Logique absolue selon Chris Mavinga : « Aujourd'hui, il est le meilleur joueur de Ligue 1, il est logique qu'il ait ce trophée. Moi le premier, je ne pensais pas non plus que Lyon fasse une telle saison, et ils ont fait une très bonne saison, il est logique que lui reçoive le trophée. On va l'attendre au tournant l'année prochaine, mais le connaissant ça va le faire ».

Rien d'étonnant non plus si l'on en croit Benoît Lacazette : « On a pu voir qu'il était agréablement surpris. Il le souhaitait, mais au moment d'entendre son nom, on a senti une grande fierté et un grand soulagement », qui prévient néanmoins son petit frère : « Mais ça met une sorte de pression, car l'année prochaine il sera difficile de marquer autant de buts parce qu'il sera attendu de partout. Mais ça fait partie de son évolution, à lui trouver de nouvelles solutions pour répondre aux problèmes posés par ses adversaires ».

Quitter l'OL, passage obligatoire pour progresser ?

Cette saison réussie, la question de l'avenir de l'ancien Gone de Mermoz se pose. Lui le jeune espoir de l'OL doit-il continuer à progresser dans la capitale des Gaules ou doit-il au contraire tenter le défi d'un cador européen dès maintenant, alors même que Liverpool, le Paris Saint-Germain, Manchester City, le Bayern Munich, ou bien encore Chelsea sont annoncés comme intéressés ? « Il peut aller encore beaucoup plus loin. Il est à Lyon, dans un très bon club qui a fait une bonne saison. Mais s'il va dans un club encore plus grand avec des coéquipiers encore meilleurs, je pense qu'il peut encore franchir un palier. Je suis confiant pour lui, il peut aller au sommet. Je le lui dis encore, il peut faire une carrière comme Benzema. Quand tu marques autant de buts dans une saison avec l'OL, tu es armé pour côtoyer les plus grands, aujourd'hui Alexandre fait déjà partie des grands », avance ainsi Mavinga.

Côtoyant l'artilleur le plus prolifique de l'élite tricolore au quotidien au centre d'entraînement de Tola Vologe, Rachid Ghezzal n'est pas dupe non plus, et voit grand pour son partenaire de jeu : « Bien sûr qu'il peut aller encore plus loin, il n'y a déjà pas beaucoup de joueurs qui ont inscrit autant de buts que lui sur une saison, il est dans une sacrée catégorie. J'espère qu'il va pouvoir franchir un autre niveau en brillant aussi dans un grand club européen plus tard, comme l'a fait Karim (Benzema) avant lui », s'enflamme ainsi l'international algérien.

L'Euro 2016 comme titulaire indiscutable ?

Face à toutes ces louanges et à cet avenir doré qui se présente à lui, Lacazette semble donc voué au sommet, si l'on en croit ses proches et autres partenaires. De là à en faire un titulaire indiscutable chez les Bleus, pour un duo d'enfer 100% lyonnais en compagnie de Karim Benzema ? « Il doit continuer à travailler et continuer sur sa lancée. Il doit être conscient de ses qualités, et de ce qu'il doit encore accomplir pour devenir petit à petit titulaire indiscutable en équipe de France. C'est à lui d'obtenir la confiance du coach, un duo Benzema-Lacazette peut être intéressant. Ce sont deux joueurs qui aiment le ballon, et qui peuvent être compatibles, ce serait à essayer », espère ainsi Benoît Lacazette.

Pour Mavinga, ancien partenaire de l'attaquant en équipe de France jeunes, cette association semble même être une évidence : « En jeunes, je le voyais déjà comme un grand joueur en devenir. Tout ce qui lui arrive en ce moment ne m'étonne pas du tout. En équipe de France, on peut se poser la question car ça dépendra de la tactique. Mais pour moi, il est clair qu'une attaque Lacazette-Benzema doit être incontournable. Alexandre a très bien joué quand il a été avec deux attaquants et un dix, tout dépendra donc du schéma, mais avec Karim je pense qu'il n'y aura pas de problèmes de complémentarité ». À Didier Deschamps de trancher !

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité
Copié dans le presse-papier