Entretien avec… Sidney Govou : « Que les journalistes se rendent compte qu’ils ont pu se tromper sur Evra »
Du haut de ses 34 ans, Sidney Govou a tout connu dans sa carrière. Des sept titres de champion de France avec l'Olympique Lyonnais au monde amateur à MDA Chasselay, en passant par les matches de Ligue des Champions et la Coupe du Monde 2006... L'ailier droit a un parcours des plus riches. Pour Foot Mercato, l'ancien international tricolore revient sur sa carrière, et évoque l'OL ainsi que l'équipe de France.
*Foot Mercato : Sidney, vous suivez cette Coupe du Monde en qualité de consultant pour Ma Chaîne Sport*. Comment se passe cette expérience ?
Sidney Govou :** Très, très bien. Pour l'instant, tout se passe pour le mieux, je me plais vraiment dans ce rôle.
**FM : Cette Coupe du Monde réserve quelques surprises, avec notamment l'élimination de l'Espagne dès les poules. Qu'avez-vous pensé de cette déroute de la Roja ?
SG :** Sans dire que c'était prévisible, je ne les voyais pas faire un grand Mondial, même si je pensais qu'ils sortiraient de leur poule. Au-delà de l'élimination, ils ont pris 7 buts en 2 matches, c'est assez lourd pour cette grande équipe d'Espagne. Voilà, le football a changé de camp. C'est malheureux pour eux, mais je préfère le football que leurs adversaires leur ont proposé à leur football.
**FM : Est-ce l'une des Coupes du Monde les plus passionnantes que vous ayez connu ?
SG :** Elle est passionnante, oui, parce qu'il y a beaucoup de buts, parce que les équipes jouent un football total. Forcément, derrière l'écran, un tel football ne peut qu'être passionnant.
**FM : On voit aussi une équipe de France plus que bien dans son Mondial. Que pensez-vous de la sélection tricolore ?
SG :** Je pense qu'ils se sont révélés, et qu'ils arrivent avec de la confiance. On ne savait pas trop ce qu'ils pouvaient faire, mais là, ils évoluent vraiment en équipe. À partir de là, en les voyant jouer en équipe, ils ne peuvent que nous faire plaisir.
**FM : La France peut-elle selon vous aller loin dans ce tournoi ?
SG :** Ça dépend ce qu'on entend par aller loin. Personnellement, je les vois faire un bon quart de finale. J'ai une interrogation, car ce sera difficile face à des équipes sud-américaines qui m'impressionnent vraiment, qui mettent de l'intensité. Mais tout est possible en football, la France a les qualités pour aller loin, mais je vois un quart de finale.
**FM : Vous qui avez évolué aux côtés de Karim Benzema, que pensez-vous de son évolution et de sa forme rayonnante ?
SG :** Karim fait partie de cette race de joueurs qui sont des tops joueurs mondiaux. Même quand ça allait moins bien en équipe de France, quand on a un joueur comme ça dans son équipe, on ne peut pas remettre en cause ses qualités. Qu'on critique le fait qu'il ne marque pas, c'est une chose. Mais remettre en cause ses qualités de joueur, non, je ne comprends pas. Il est un peu plus épanoui, il a peut-être mûri dans son jeu comme à l'extérieur, ce qui explique sa réussite.
**FM : En tant qu'ancien ailier de l'équipe de France, quel regard portez-vous sur Valbuena et Griezmann ?
SG :** On n'a pas du tout le même profil, mais ce sont des joueurs hyper importants dans l'animation offensive. Ils permutent tout le temps, ils sont tout le temps en mouvement. Ils sont très intelligents pour jouer à une touche de balle quand il le faut, pour dribbler quand il le faut. Un mec comme Mathieu est important car il provoque sans cesse, amène le danger tout proche de la surface de réparation adverse. C'est peut-être un joueur de ce genre qui a manqué à la Roja.
**FM : La non-sélection de Samir Nasri a fait jaser, d'aucuns le dépeignant comme un joueur ingérable. Vous qui l'avez côtoyé au plus près, qu'en est-il ?
SG :** Il était jeune, son cas est compliqué car il a fait une énorme saison en club. Mais force est de constater qu'en sélection, ces dernières années, il a régulièrement été absent des listes et ce, avec des sélectionneurs différents. Au bout d'un moment, il faut se poser les bonnes questions. Il ne s'agit pas de remettre en cause ses qualités de joueur, la vérité est peut-être ailleurs.
**FM : Ce mercredi, Patrice Evra s'est présenté en conférence de presse, plutôt taquin et de bonne humeur, aux antipodes de certaines de ses sorties médiatiques préalables. Que pensez-vous de son cas ?
SG :** Je trouve, comme il l'a lui-même dit, qu'il est égal à lui-même. Il n'a pas changé, après il faut peut-être que les journalistes réfléchissent plus. Ce qu'il fait aujourd'hui, il l'a fait avant, mais ça plait plus aujourd'hui. Peut-être qu'il n'avait pas à le faire avant, mais il n'a pas changé. Il serait bien que, peut-être, les journalistes se rendent compte qu'ils ont eux aussi pu se tromper à un moment donné, en le jetant en pâture, en le définissant comme le responsable de tous les maux.
**FM : Ce sujet Evra, vous l'avez évoqué il y a peu dans votre programme sur internet, La mi-temps de Sidney. Comment en êtes-vous arrivé à tenter cette nouvelle aventure ?
SG :** C'est une histoire de connaissances, c'est un ami qui fait des publicités et ce genre de choses sur Lyon qui me l'a proposé. Il aime le foot, c'est un passionné de Lyon, il avait cette émission dans un coin de la tête et me voyait bien là-dedans. Moi, le concept me plaisait bien, car c'est du football, mais pas seulement. Je ne vais pas mentir, au début, je ne le sentais pas spécialement, mais j'ai accepté et pour le moment ça se passe plutôt bien. J'espère que ce sera mieux par la suite, l'idée c'est d'offrir une fenêtre aux acteurs du football pour parler de choses différentes.
**FM : Vous sentez-vous de plus en plus à l'aise dans ce rôle de présentateur ?
SG :** Comme tout le monde, j'apprends. Je ne suis pas né journaliste, comme je ne suis pas né footballeur. Dans la vie, il faut apprendre. Je progresse, c'est une certitude. Je prends de plus en plus de plaisir, je vis les choses assez simplement. Ce qu'on m'a proposé me plait, donc je continue. Après, ce n'est pas mon corps de métier initial, mais j'aime ce que je fais en tant que consultant ou en tant que présentateur.
**FM : Le journalisme, est-ce un domaine dans lequel vous vous voyez vraiment à l'avenir ?
SG :** J'ai une histoire spéciale. J'ai commencé le football tardivement, je suis arrivé à l'OL à 18 ans, ce qui est très rare actuellement. Pendant toute ma carrière, on m'a collé l'image du mec qui n'aimait pas le foot, qui ne regardait pas de matches. Je n'ai pas lutté contre, car c'était une vérité. Mais à l'arrivée, j'ai quinze ans de carrière, sept titres de champion, j'ai été international. Dans la vie, tout peut donc arriver. Donc si je me plais dans ce corps de métier, je travaillerai là-dedans.
**FM : Forcément, qui dit Sidney Govou dit aussi Olympique Lyonnais. Que pensez-vous de la saison qu'ont connu les Gones ?
SG :** Je suis admiratif. Vu le nombre de matches et leur effectif, on ne peut qu'être admiratif de la qualité de jeu qu'ils ont proposé tout au long de la saison, surtout en deuxième partie. Mais, d'un autre côté, on a connu un grand OL qu'on aimerait voir durer toute la vie, et on sent que là le club ne progresse plus spécialement au niveau quantitatif et qualitatif. Il faut même le dire, le club régresse un petit peu. Mais ce que j'aime dans ce club, c'est que les dirigeants ont l'intelligence de changer de politique pour rebondir dans quelques années.
**FM : Que pensez-vous de l'éclosion des joueurs tels que Grenier, Umtiti, Gonalons, et Lacazette ?
SG :** Je mettrais Gonalons et Grenier à part, car j'ai joué avec eux. Ils ont donc connu la Ligue des Champions, l'OL gagneur. Les autres sont arrivés un peu plus tard, mais ce qui est bien c'est que l'OL continue toujours de fournir des joueurs de qualité. Le club peut s'appuyer sur la formation, et ça c'est quelque chose de très important.
**FM : Estimez-vous l'OL encore capable de se qualifier pour une Coupe d'Europe, comme ce fut le cas lors de l'exercice écoulé, dans les saisons à venir ?
SG :** Pour être honnête, vraiment, je ne pense pas. Vous ne pouvez pas perdre un Bafétimbi Gomis qui marque 15 buts par saison, un Jimmy Briand, un Clément Grenier ou un Maxime Gonalons, sans pouvoir les remplacer et prétendre aux mêmes objectifs. Il faut être clair dans ce que le club veut faire, il n'y a pas de honte à dire qu'il va y avoir une période creuse pendant une ou deux années. Aujourd'hui, je ne pense pas que l'OL soit capable de réitérer le même parcours que la saison dernière, qui est pour moi exceptionnel.
**FM : Vous avez joué dans le grand OL qui a marché sur la Ligue 1. Comment jugez-vous la domination qui est aujourd’hui celle du PSG ?
SG :** Qui ne se verrait pas au PSG en tant que joueur de foot, tout le monde rêve de jouer avec de grands joueurs. La différence, c'est que l'OL s'est construit. Lyon est passé par la seconde division, a longtemps joué dans le ventre mou de la première division, puis le podium, la deuxième place, la Coupe de la Ligue, avant de gagner le titre et d'en remporter sept de suite au total. L'histoire est différente, parce que le club s'est construit et a obtenu des fonds grâce aux performances sur le terrain. Paris, on sait que ça ne vient pas forcément du terrain à la base, mais selon moi ce n'est pas une mauvaise chose non plus. C'est différent, Paris a la chance d'avoir des investisseurs, c'est une bonne chose pour le foot français.
**FM : Enfin, ces dernières semaines, les noms de Juninho et de Cris ont été évoqués pour intégrer le staff de l'OL. Vous, cette possibilité peut-elle vous intéresser à l'avenir ?
SG :** Je ne sais pas ce que je ferai, mais je pense que je passerai mes diplômes d'entraîneur. Je ne peux pas m'avancer, mais si je dois faire quelque chose, c'est uniquement parce que je suis compétent. Je ne veux pas qu'on me mette à une place juste pour mon nom. Je veux être à un endroit parce que je suis compétent dans ce qu'on me demande de faire. C'est mon caractère, je suis comme ça.
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