Entretien avec… Luis Fernandez : « Cette équipe de France peut réaliser une grande Coupe du Monde »

Après une belle carrière de joueur et d'entraîneur qui l'a notamment mené au PSG, Luis Fernandez s'épanouit aujourd'hui dans une nouvelle vie dans les médias. C'est d'ailleurs sur les antennes de RMC et de BFMTV que l'animateur de "Luis Attaque", rendez-vous incontournable sur les ondes, vivra la Coupe du Monde 2014 au Brésil. Avec son franc-parler légendaire, l'ancien international tricolore a accepté de répondre aux questions de Foot Mercato au sujet de sa carrière, sa nouvelle vie mais aussi sur le PSG et les Bleus. Entretien.

Par La Rédaction FM
12 min.

Foot Mercato : Avec le recul, quel regard portez-vous sur votre carrière de joueur ?

La suite après cette publicité

Luis Fernandez : J'en suis fier. Quand je regarde tout ce que j'ai pu faire et réaliser en tant que joueur, je suis content. J'ai cette chance d'intégrer le centre de formation de Paris où il y a pas mal de concurrence. J'ai ensuite pu travailler pour pouvoir réussir à intégrer l'équipe première. Je n'ai pas à me plaindre. Je suis content d'avoir pu réussir ce que j'ai réussi. C'est une fierté surtout quand on vient d'un petit quartier comme les Minguettes (à Vénissieux, Ndlr) à l'époque.

FM : Quel est votre plus beau souvenir en tant que joueur et entraîneur ?

La suite après cette publicité

LF : En club, c'est le premier titre gagné par le Paris Saint-Germain en finale de la Coupe de France face à Saint-Etienne au Parc des Princes (en 1982, Ndlr). Ça peut être aussi la première fois que j'ai débuté en professionnel avec le Paris Saint-Germain. Mais bon, le premier titre avec le PSG, ça reste un bon et grand moment. En tant que joueur international avec l'Equipe de France, c'est peut-être un pénalty que j'ai tiré en 1986 face au Brésil lors de la Coupe du Monde au Mexique. En tant qu'entraîneur, j'en ai quelques-uns. J'ai des souvenirs à Paris. Je suis le seul entraîneur français à avoir gagné la Coupe d'Europe. Ça reste un souvenir qui ne s'oublie pas. Ensuite, avec l'Athletic Bilbao, j'ai quand même entraîné un club avec lequel j'ai eu l'occasion de finir deuxième du championnat et de jouer la Ligue des Champions. Et puis, il y a l'AS Cannes aussi. C'est là où j'ai commencé ma carrière d'entraîneur. Ce sont trois clubs auxquels je suis attaché.

FM : Vous avez entraîné pas mal de bons joueurs. Lequel vous a le plus marqué ?

La suite après cette publicité

LF : Il y en a beaucoup. À Paris, on peut dire que j'ai eu George Weah. C'était un joueur qui marquait beaucoup de buts. Il avait été Ballon d'Or. Mais Weah, c'est particulier. Il m’impressionnait parce que c'est un garçon qui était dans une saison exceptionnelle. Il était capable de réussir tout, de marquer des buts et de faire des efforts aussi. Pour Ronaldinho, il est vrai que quand il est arrivé la première année, il a été exceptionnel avec nous. Il a marqué des buts, fait des passes. À la fin de l'année, il a été champion du monde (en 2002, Ndlr). On peut raconter ce qu'on veut, je suis quand même content d'avoir contribué à son évolution et de l'avoir fait travailler avec mes adjoints.

FM : En tant que joueur et entraîneur, vous avez connu le PSG bien avant QSI. Que pensez-vous du projet parisien ?

La suite après cette publicité

LF : Je ne garde que de bons souvenirs du PSG. Il y a eu des décisions qui ont été prises, des gens qui sont passés, c'est un club qui a beaucoup bougé. Ce que j'apprécie dans la nouvelle politique, dans le nouveau projet, c'est que je n'ai pas l'impression qu'il soit beaucoup plus serein, beaucoup plus solide. Alors après, c'est sûr et certain que financièrement, ça à l'air d'être fort. Cela aide. Je trouve que ce PSG là est bien armé pour être champion chaque année et puis, par la même occasion, il est bien armé pour peut-être aller chercher la Ligue des Champions. C'est un PSG qui me plaît avec de grands joueurs. J'aime beaucoup Zlatan Ibrahimovic, Thiago Silva, Thiago Motta, Matuidi, Cavani. Ce sont de grands joueurs tout ça. Je trouve que c'est plaisant de les voir jouer. J'aime bien Laurent Blanc. Maintenant, il faut qu'on le laisse travailler et qu'on laisse travailler ce club. C'est un club qui attire tous les regards, et puis après il y a de la jalousie. Quand on a de l'argent, tout le monde se demande pourquoi. Les actionnaires et les nouveaux partenaires me plaisent beaucoup parce qu'ils font les choses bien. J'aime bien le président Nasser. C'est un président qui sait établir l'ordre de marche et c'est important.

FM: Le PSG veut franchir un palier au niveau européen. Quels joueurs, après David Luiz, le club doit-il recruter selon vous pour l'atteindre ?

LF : Je ne sais pas qui ils peuvent éventuellement recruter. Chaque année, chaque club a besoin d'avoir deux-trois têtes nouvelles, d'un peu plus de fraîcheur. Il faut apporter deux-trois petites retouches pour redonner un coup de peps. Je pense qu'ils ont une bonne équipe pour gagner le championnat. Mais il est vrai que s'ils veulent gagner la Ligue des Champions, il leur faut une ou deux recrues. Après, ce n'est pas à moi de m'avancer. Je pense que la Coupe du Monde va être importante aussi pour suivre les joueurs. Il y aura certainement des joueurs qui partiront après la Coupe du Monde. C'est pour ça que je pense que le PSG attendra le Mondial cette année.

FM : Du côté du rival phocéen, Marcelo Bielsa arrive sur le banc la saison prochaine. Quel est votre avis ?

LF: C'est une très bonne chose pour Marseille. C'est peut-être l'électrochoc qu'il leur fallait. Il va peut-être leur apporter une chose que jusqu'à présent ils n'avaient pas. C'est un entraîneur qui a cette compétence de savoir gérer, savoir mener à bien. Il a l'expérience. Il a travaillé avec Bilbao. En Argentine, ce n'est pas un entraîneur commode. C'est un entraîneur compliqué. Quand on est à Marseille, il faut ce genre d'entraîneur parce qu'il faut un homme avec du tempérament. En même temps, il a aussi un projet de jeu. Il sait faire jouer ses équipes. Maintenant, aux joueurs de se mettre au diapason. A eux de comprendre que c'est un entraîneur qui a réussi. On va voir si les joueurs sont capables d'adhérer au nouveau fonctionnement.

FM : Que pensez-vous du souhait de Zinedine Zidane d'entraîner la saison prochaine ?

LF: S'il le pense, s'il le désire, pourquoi pas. Il a déjà laissé entendre qu'il fallait qu'il se lance. Je pense qu'il s'est déjà lancé parce qu'il est sur le terrain, il est l'adjoint d'Ancelotti, un grand entraîneur. Il est en train de faire son expérience en tant qu'entraîneur adjoint. Zizou a besoin pour se lancer de le sentir en lui. C'est peut-être ce qui est en train de se passer (...) Il sera certainement jugé sur les résultats. On ne jugera plus Zidane le joueur. On va le juger sur les résultats parce que les gens seront dans l'attente. (...) Il a eu l'occasion de commencer sa carrière avec moi à Cannes lorsque j'étais joueur. Quelque soit sa décision, je la respecterai parce que j'aime beaucoup l'homme, j'aime beaucoup le personnage.

La France, un outsider qui peut surprendre

FM : Didier Deschamps a dévoilé sa liste de 23 la semaine dernière pour le Mondial au Brésil. Quel est votre avis là-dessus ?

LF : Je suis totalement d'accord avec lui. C'est une liste juste, logique et cohérente. Je pense que ce n'était pas un travail facile. Il l'a fait. Je pense que tout le monde est quasiment d'accord sur cette liste. Après il y a une ou deux absences où tout le monde peut avoir son avis. Mais le seul à décider, celui qui vit avec un groupe, qui travaille avec un groupe qu'il connaît bien, c'est le sélectionneur. On est tous des sélectionneurs. Mais c'est lui qui prend la décision. Maintenant, ce sont les compositions d'équipe et les hommes sur le terrain que l'on va pouvoir regarder. A eux de répondre présents. A eux de montrer qu'il y a du talent, de l'expérience et de la jeunesse. Il est temps de leur faire confiance et qu'ils nous emmènent le plus loin possible dans cette compétition.

FM : Vous parliez d'absence. Difficile de ne pas évoquer celle de Samir Nasri qui a beaucoup fait réagir. Est-ce compréhensible d'après vous ?

LF: Sur l'absence de cette année, on ne conteste pas les qualités de Samir. Mais il s'est fait attraper. Peut-être qu'il y a des choses qui se sont passées et qu'il s'est fait attraper la main dans le sac. (...) Je ne pense pas que ce soit ses performances. Je pense qu'il doit y avoir autre chose. Un joueur qui sort ou qui rentre, content pas content, pour moi ce n'est pas la seule raison. Après, il y a peut-être d'autres raisons. De l'extérieur, on ne peut pas tout maîtriser. En tant qu'entraîneur ou joueur que j'ai été, je sais très bien que dans un groupe il y a des choses qui se passent. On ne peut pas toujours tout sortir et tout dire à l'extérieur.

FM : Les Bleus peuvent-ils aller loin dans cette épreuve ?

LF : J'espère qu'ils atteindront les 1/4 de finales ou les 1/2 finales. On ne sait jamais. Après l’Équipe de France est tellement surprenante...Elle peut réussir quelque chose de très grand. Cette Équipe de France est capable de réaliser un grand Mondial. (...) Ça commencera dès les stages. C'est là que le travail va commencer. Le groupe va se mettre ensemble au travail. Les joueurs doivent penser qu'ils partent ensemble pour une belle aventure. La pression vous savez...on n'est pas favori, on n'est pas favori. On le sera peut-être pour l'Euro 2016. Là, nous ne le sommes pas. L’Équipe de France est un outsider. A eux de créer la surprise. Je pense qu'il y a d'autres pays qui sont devant eux. A eux de montrer qu'ils sont capables pourquoi pas de réussir. Dans leur position, ils peuvent aller loin. Ils n'ont pas besoin de pression. Sortir de la poule, ce serait bien. Après, le but c'est d'aller en 1/8e, en 1/4... C'est de passer sans avoir de pression.

FM : Patrice Evra avait eu des propos assez durs envers vous. Avec le recul, qu'en pensez-vous ?

LF : Il ne devait pas être au mieux, il a fait une sortie. Il m'a appelé deux jours après pour s'excuser. On a discuté, on a échangé. On passe au-dessus. Comme je lui ai dit, moi je te juge sur le terrain. Je te juge sur le rectangle vert. Je ne parle pas de tes parents, de tes amis, de ta famille. En tant que joueur, j'ai eu à vivre des moments difficiles quand tu es mal jugé. Les critiques te concernant c'est dur à vivre. Je comprend. Moi je lui ai dit je te juge sur tes performances individuelles en Équipe de France. Mais je ne te juge pas en dehors. On a eu l'occasion de s'expliquer. C'est réglé.

FM : Vous serez sur les antennes de RMC/BFMTV durant le Mondial. Comment vous abordez votre nouvelle vie loin des terrains de football ?

LF : Je suis dans cette nouvelle vie depuis pas mal de temps. J'ai eu l'occasion de pouvoir faire de la radio en tant qu'entraîneur. En plus de la radio, aujourd'hui je suis aussi sur les antennes de beIN Sports. J'essaye de m'occuper au mieux. J'essaye d'avoir des analyses, des commentaires en ayant une certaine objectivité et légitimité. Le but c'est de transmettre ma passion et de la faire vivre aux auditeurs. Il y a des échanges. J'essaye d'être juste dans mes analyses, de penser à tous les clubs, de ne pas prendre position. "Luis Attaque" est une émission qui a pas mal de contenu pendant deux heures. Mais il faut que ce soit fait avec une certaine justesse, une certaine honnêteté intellectuelle. Je suis là pour défendre mon sport. Je vote pour que mon sport soit propre, honnête, clean. Je suis là pour dénoncer tout abus. Je ne cautionne pas la violence. Je suis là aussi pour dire les choses que parfois certains n'osent pas dire aussi. A la télé comme à la radio, ce sont de bons moments.

FM : Pourra-t-on vous revoir un jour sur un banc ?

LF : Vous savez on parle toujours de "comeback". Je n'ai que 54 ans. C'est sûr quand je regarde parfois certaines choses qui peuvent se passer, des projets de jeu, des équipes qui peuvent jouer, ça peut donner envie. Il est sûr qu'il y en a beaucoup qui peuvent penser que c'est dur de gérer des personnages qui ont une très forte personnalité. Mais moi je pense que sur les 30 ans de carrière en tant que joueur et entraîneur, j'avais une particularité c'est que je pouvais tous les regarder droit dans les yeux, en ayant le "cul propre" comme on dit. Je suis bien avec ma façon d'être. Cela peut plaire comme ça peut déplaire. En tant qu'entraîneur, c'est sûr que Reims je n'ai pas pu les sauver ça s'est mal goupillé. Mais par rapport à mes passages à Cannes, à Paris, à Bilbao ou au Betis, partout où j'ai eu l'occasion d'aller j'ai quand même réussi. J'ai eu plus de victoires que de défaites. On a parfois un peu peur des personnes qui ont une trop forte personnalité. Ça dérange. Ce n'est pas grave. Après, si je peux reprendre ou revenir dans un club pas forcément en tant qu'entraîneur mais dans l'organigramme, travailler suivre le recrutement, conseiller un président, pourquoi pas ? Ce n'est pas pour me déplaire. Je pense qu'il y a des choses à faire dans le football. A aménager, à réaménager et à revoir. Quand tu vois comment ça part en vrille par rapport à des jeunes dans ce monde, là il y a des choses à faire. Je pensais un jour créer une société pour conseiller les jeunes quand ils commencent à 13-14 ans parce que c'est là qu'il y a du travail à faire. Je ne suis pas un sauveur. Mais si je peux me rendre utile...

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité
Copié dans le presse-papier