Ligue 2 : les dessous du surprenant début de saison du Stade Lavallois
Maintenu in extremis en Ligue 2 au printemps dernier, le Stade Lavallois poursuit son étonnante dynamique cette saison. Le club mayennais enchaîne les succès au point de se hisser au sommet du championnat après 9 journées. Peu importe la suite des événements, à commencer par ce déplacement compliqué à Bordeaux samedi, cette place de leader est le fruit d’un projet misé sur des piliers pas toujours simples à mettre en place dans le milieu du football : la stabilité, l’humain et le territoire.
On attendait Saint-Etienne, Bordeaux et peut-être même Troyes, relégué de Ligue 1 la saison passée, aux premières places du championnat. Il n’en est rien puisque c’est bien le surprenant Stade Lavallois qui occupe le fauteuil de leader de Ligue 2 après 9 journées, trois points devant Grenoble. Grâce notamment à une isolante réussite sur coups de pied arrêtés et une impénétrable force de caractère, les Tangos viennent d’enchaîner 5 victoires de suite avant leur déplacement chez les Girondins (ce samedi à 15h), puis la réception des Verts, bref les grosses écuries. L’opportunité de faire rugir à nouveau de plaisir un stade Francis-Le Basser qui fait le plein à chaque match, comme aux grandes heures du club mayennais. Clin d’œil de l’histoire d’ailleurs, le 28 septembre dernier, Laval a fêté les 40 ans de son plus bel exploit, la fameuse victoire face au Dynamo Kiev en Coupe UEFA.
Le passé est parfois source de problème pour renouer avec le succès. Cette fois le Michel Le Milinaire de 2023 se nomme Olivier Frapolli. En poste depuis 4 ans et demi, une longévité rare dans le foot actuel, l’entraîneur a déjà presque tout connu : des échecs en National, un départ quasi acté puis une montée en Ligue 2 et un maintien obtenu au forceps. Comme il y a 40 ans, le club mise sur la stabilité d’une vision, d’un staff et d’un groupe pour performer. La méthode entamée il y a deux ans et demi à l’arrivée du président Laurent Lairy fonctionne : améliorer les structures du club, créer une cellule datas dédiée au recrutement, se passer d’un directeur sportif pour resserrer l’équipe dirigeante autour d’un trio (Frapolli, José Ferreira, le conseiller du président, et Laurent Lairy), privilégier les contrats longs, trois ans généralement, et enfin mettre l’humain au cœur du projet.
«Je crois que certains clubs en Ligue 2 n’étaient pas prêts aussi vite que nous»
«On n’a pas eu trop de mal à recruter parce que les joueurs se sentent accueillis. On accueille les familles, les enfants, on a une vraie démarche sociale et sociétale, nous assure Lairy. C’est dans le projet et c’est apprécié par les joueurs. Dans tous les recrutements que j’ai faits, il n’y a pas eu de discussions très longues et toujours dans cette démarche à trois ans. J’applique le tiers sortant. Tous les ans, un tiers de l’effectif est renouvelé, peu ou prou en fonction des événements qui peuvent se passer.» Le club profite également des restructurations mises en place les mois précédents. Outre le recrutement bouclé dès le mois de juin, les tout nouveaux terrains d’entraînement pensés de manière écologique sont prêts dès l’été et l’équipe technique d’Olivier Frapolli est renforcée.
«J’ai doublé les membres du staff avec un préparateur physique en plus, un kiné, un entraîneur adjoint, énumère le dirigeant, qui a augmenté le budget du club d’environ 2,5 M€. Je crois que certains clubs en Ligue 2 n’étaient pas prêts aussi vite que nous entre les changements de présidence, les différentes attentes, etc. Ça nous a permis de performer assez vite. Dans le foot et dans la vie en générale, les affaires attirent les affaires, les bonnes énergies attirent les bonnes énergies. Tout ça s’enchaîne, s’emboîte.» Fin juin, le président lavallois fixe même un objectif presque fou, terminer entre la 1ère et la 9e place. «C’est ambitieux, mais je l’assume, parce qu’on s’en donne les moyens», se justifie-t-il alors. Beaucoup de monde pense à un coup de bluff mais aujourd’hui encore, il maintient. «Je ne dis pas qu’on va monter en Ligue 1 mais ce n’est pas le fruit du hasard.»
Laval surfe sur sa dynamique de fin de saison
Tout n’a pas été si rose pour en arriver là. En avril dernier, Laval a un pied et quatre orteils en National. Le club vient d’enchaîner 7 défaites consécutives par un but d’écart à chaque fois et son infirmerie est pleine à craquer. Le genre de situation dont ne sort pas indemne un entraîneur. L’électrochoc viendra pourtant de son maintien. «Contre vents et marées, j’ai maintenu et conforté Olivier Frapolli la saison dernière parce que j’avais confiance en lui, rejoue aujourd’hui le patron. Il travaillait, il n’y avait pas de fissure dans le vestiaire mais juste on était en mal de réussite. Ça allait basculer. On gagne ensemble et on se trompe ensemble. La responsabilité dans l’échec et la réussite elle est collective.» La décision est la bonne puisqu’avec 5 victoires sur les 7 derniers matchs, et ce fameux but inscrit à la 94e minute de la 38e journée à Amiens, le maintien est miraculeusement acquis.
Depuis, le mercato est passé par là. L’effectif (le plus vieux du championnat l’an dernier), qui avait permis la montée en Ligue 2 puis le maintien est rajeuni à l’image des signatures de Thibaut Vargas (23 ans), Sam Sanna (24 ans), Amin Cherni (21 ans) ou encore Titouan Thomas (21 ans) et le prêté (par Lens) Rémy Labeau Lascary (20 ans). Il y avait également besoin d’expérience à des postes clés. Les venues de Malik Tchoukounté (34 ans, ex Nîmes, Caen, Dunkerque) en attaque et de Mamadou Samassa (33 ans, ex Guingamp, Troyes et Sivasspor) dans le but vont dans ce sens. «Ca faisait partie des critères qu’Olivier (Frapolli) avait déterminés et il se trouve que ces joueurs nous convenaient en matière de savoir être», détaille le président Lairy, dont le projet repose aussi sur l’étiquette pastorale que l’on veut bien donnée à la Mayenne.
«Tout reste fragile bien sur car nous ne sommes pas un produit»
«On est un club très stable, dans une démarche que je qualifierais de papale catholique rurale, plaisante le fondateur de Protecthoms (entreprise spécialisée dans l’équipement et les vêtements professionnels, ndlr) à Château-Gontier. Le club a 120 ans, moi je suis là depuis 20 ans, les actionnaires sont stables. On défend un club patrimonial. Ça contribue à faire les choses dans le temps. Quand on s’adresse aux joueurs, ils savent de quoi on parle et ils ont le temps de se renseigner. Il y a des joueurs que ça n’intéresse pas ce projet. Mais comme ça, tout le monde sait à quoi s’en tenir. Je ne suis pas dans la demande mais dans l’offre. Une offre qui ne ressemble pas aux standards, qui est singulière et moi je cherche des joueurs qui recherchent ce type d’offre. Je prends les choses à l’envers. Je ne veux pas prendre et jeter, je veux accueillir et présenter. Je veux avoir quelque chose à apporter.»
Aujourd’hui, cette démarche sociale est récompensée. Le renouvellement de joueurs ne casse pas la dynamique du club, au contraire même. Sur une série de 8 victoires de suite à domicile, les Tangos ont réussi de sacrés coups de force en renversant Caen dans le temps additionnel, ou encore Guingamp et souvent sur coups de pied arrêtés. Il est évidemment trop tôt pour parler d’une potentielle montée mais la sérénité dégagée, l’alchimie, l’ambiance de groupe, en plus du scénario des matchs et d’un stade plein à chaque sortie laissent à penser que cette forme pourrait durer. «Tout reste fragile bien sur car nous ne sommes pas un produit, temporise Laurent Lairy. Ce n’est que de l’humain, et il faut être très attentif à ça mais toutes les parties prenantes au sein et autour du Stade Lavallois sont connectées. (…) On est bien organisé, on sait que nous ne sommes pas les favoris mais humainement on a quelque chose d’intéressant à exploiter.» Et avec un maintien déjà très bien parti, il n’est pas interdit de rêver.