On poursuit notre série sur les finales de légende de Ligue des champions avec l'affrontement entre la Juventus Turin et le Borussia Dortmund en 1997, au stade olympique de Munich.
Les parcours avant la finale
Exempté de tour préliminaire, car faisant partie des huits championnats les mieux classés à l’indice UEFA, le Borussia Dortmund s’est retrouvé dans le groupe B du tour principal qui réunissait 16 équipes dans 4 poules différentes (4 équipes par poule). Les Borussens ont fini deuxièmes de leur groupe avec le même nombre de points que l’Atletico Madrid (13), étant devancés uniquement au goalaverage. La Juventus Turin, tenante du titre, s’est quant à elle retrouvée dans le groupe C avec Manchester United, Fenerbahçe et le Rapid Vienne, et a fini largement en tête en battant deux fois Manchester United (1-0) et en ne concédant qu’un match nul contre Vienne pour cinq victoires.
En quarts de finale, le Borussia Dortmund a éliminé l’AJ Auxerre (3-1, 1-0) tandis que la Juve a dû batailler contre Rosenborg avec une victoire (2-0) au retour avec un but de Zidane alors que les deux équipes avaient fait un nul (1-1) à l’aller. En demies, la Juventus Turin retrouvait l'Ajax Amsterdam, pour un remake de la finale de C1 de l’année précédente. Après s’être imposés à Amsterdam à l’aller (2-1), les Turinois se sont baladés au retour (4-1) avec une véritable masterclass de Zinedine Zidane (1 but magnifique et 2 passes décisives), qui a sans doute réalisé son plus grand match avec les Bianconeri ce soir-là. De son côté, Dortmund s’est défait de Manchester United en réalisant deux solides prestations (1-0, 1-0) pour s’offrir le droit de disputer sa première finale de Ligue des champions au stade olympique de Munich face au tenant du titre.
Les plans de jeu
Réconforté par les six victoires consécutives de son équipe en Ligue des champions, Öttmar Hitzfeld, l’entraîneur du Borussia, a aligné son 3-5-2 qui lui a donné tant de satisfaction jusque-là. Le ballon d’Or 1996, Matthias Sammer composait la ligne de 3 défenseurs avec Kohler et Kree, deux très bons joueurs au duel. Les pistons Reuter et surtout Heinrich permettaient aux Borussens de bien exploiter la largeur tandis que le tandem Lambert-Paulo Sousa apportait à la fois maîtrise technique et bonne couverture défensive. Devant, on retrouvait un trio, avec Möller, en meneur de jeu, Riedle et Chapuisat. Tactiquement, les consignes étaient assez simples : défendre en bloc médian sans chercher à aller presser les défenseurs adverses. En attaque, pas de grosses prises de risque. Sammer, pourtant habitué à prêter main forte aux attaquants, n’a quasiment pas quitté sa ligne défensive du match. Pour se créer des occasions et alimenter le score, Dortmund a reposé principalement sur la qualité de son trio d’attaque (et le scénario du match leur donnera raison) mais il faut aussi noter l’importance du piston gauche Heinrich en phase offensive, dont l’habileté technique et le volume ont fait pencher le jeu des Borussens de son côté.
Du côté de Marcelo Lippi, la prise de risque a aussi été minime puisqu’il a mis en place son 4-3-1-2 habituel. Un dispositif plutôt “défensif” compte tenu du profil des joueurs alignés et en se privant d’un vrai talent offensif au coup d’envoi, Alessandro Del Piero. On retrouvait par exemple 4 défenseurs centraux de formation derrière avec deux arrières qui ne se sont quasiment pas projeté du match. Au milieu, il y avait cette ligne de 3 milieux défensifs avec des gros volumes de jeu (ce qui fait penser au dispositif d’Aimé Jacquet lors de la coupe du monde 1998), avec un duo Jugovic-Di Livio sur les côtés, qui avait la lourde tâche de couvrir toute une moitié de terrain tandis que Deschamps était chargé de colmater toutes les brèches.
Pour marquer et se créer des occasions, la Juventus reposait énormément sur la créativité de Zidane, qui a constamment été recherché par Deschamps en relais, mais aussi sur la qualité de finition de Vieri et Boksic. Un schéma offensif proche de celui de son adversaire.
Pour contrer les forces de Dortmund, les Bianconeri ont fait en sorte d’enfermer Dortmund sur le côté gauche en demandant à toute l'équipe de coulisser. Di Livio est souvent venu faire des prises à deux sur Heinrich, tandis que toute l’équipe coulissait du même côté pour réduire au maximum les espaces.
Avec ces deux schémas de jeu rigides, la rencontre a été fermée jusqu’aux deux buts de Riedle sur corner. Ce qui a poussé Lippi à effectuer des changements à la pause et de passer en 3-3-1-3 avec l’entrée d’un attaquant supplémentaire (Del Piero) à place d’un défenseur. Dans ce dispositif, la Juve a évolué plus haut sur le terrain. Ce qui a contribué à ce qu’elle récupère plus de ballons dans des zones dangereuses et qu’elle se crée plus d’occasions.
Le film du match
Comme énoncé dans les plans de jeu, le début du match donne lieu à un ping pong défense/attaque peu spectaculaire entre les deux équipes même si Vieri, après un long dégagement de Peruzzi, se crée une énorme occasion d’ouvrir le score mais sa reprise instantanée du gauche tape le filet extérieur de Klos (6e). Pour couper les transitions offensives de Dortmund, les milieux défensifs et défenseurs bianconeri n’hésitent pas à faire des grosses fautes (les fameuses fautes tactiques pour couper les contre-attaques). Porrini est d'ailleurs sanctionné d’un carton jaune sur l’une de ces fautes (19e). Alors que la demi-heure de jeu se rapproche, Dortmund arrive enfin à trouver de la largeur et de la profondeur grâce à une belle ouverture de Paulo Sousa vers Heinrich qui gratte un corner. Möller se charge de le frapper et le ballon est repoussé aléatoirement par Peruzzi vers Lambert qui centre directement en demi-volée vers le deuxième poteau. Puisque le bloc turinois était en train de remonter après le dégagement des poings de Peruzzi, Riedle se retrouve seul dans la surface et effectue un contrôle de la poitrine orientée avant d’enchaîner un tir puissant du gauche pour ouvrir le score (1-0, 29e). C’est le début d’un terrible temps faible pour la Juve qui concède un nouveau corner après une énième récupération de Paulo Sousa. C’est encore Möller qui tape le corner et qui trouve cette fois directement la tête de Riedle, qui coupe parfaitement la trajectoire du ballon. (2-0, 34e). Marcelo Lippi grimace.
Juste avant la pause, Zidane est servi par Deschamps, à l’entrée de la surface, il élimine Möller sur son contrôle puis rentre vers l’intérieur avant de déclencher un tir à ras-de-terre qui vient taper le poteau droit de Klos (42e). Dans la minute suivante, Vieri pense marquer mais son but est refusé à cause d’un contrôle du bras, qui semblait toutefois involontaire. Dans les arrêts de jeu de la première période, Boksic décroche, élimine et s’appuie sur Vieri qui réalise une feinte de corps dos au but avant de se retourner et tenter un tir qui passe juste à côté du but de Klos. Pour tenter d’inverser le scénario du match, Del Piero entre à la place de Porrini et la Juventus évolue dans un système hybride, 4-3-3 en défense et 3-3-2-1 en attaque, rendu possible par l’intelligence tactique et le volume de jeu de Di Livio.
Pourtant, c’est Dortmund qui manque d’écoeurer les Turinois après la pause avec cette tête plongeante piquée de Riedle, qui passe juste à côté du but de Peruzzi après un nouveau coup franc chirurgical de Möller. Mais la Juventus Turin évolue plus haut sur le terrain et récupère plus de ballon. Deschamps décale Jugovic qui réalise une balle frappe tendue qui est détournée par Klos en corner (55e). 61e, Di Livio adresse un centre à Vieri qui arrive à se débrouiller pour contrôler la balle et tenter un lob qui tape la barre du but de Klos, malgré un marquage agressif de Kree.
La Juve pousse et se voit récompenser après un magnifique mouvement entre les 4 joueurs à vocation offensive. Boksic décroche sur l’aile gauche, il conserve le ballon malgré le marquage agressif de Kohler sur lui, avant de s’appuyer sur Zidane qui trouve Vieri devant lui. L’attaquant italien laisse passer le ballon entre ses jambes pour que Boksic, qui avait continué sur sa course, puisse s’amener la balle dans la surface de réparation. Le Croate y parvient et centre fort devant le but pour Del Piero , qui d’une magnifique “Madjer” réduit l’écart, (1-2, 64e). Le suspens est relancé. Complètement amorphes, Riedle et Chapuisat cèdent leur place à Herrlich (67e) et Ricken (70e). Le dernier cité va se signaler sur son premier ballon. Après une touche, Dortmund remporte la bataille du deuxième ballon et Möller lance Ricken dans la profondeur. Pour son premier ballon, le remplaçant allemand décide de tenter une frappe lobée vu que Peruzzi est avancé. La trajectoire est parfaite et le ballon finit au fond des filets (3-1, 71e). Lars Ricken, qui venait d’entrer en jeu 16 secondes plus tôt, jubile (4 buts en 9 matches) comme Hitzfeld, qui est porté en triomphe devant son banc de touche par ses joueurs et son staff après ce coaching gagnant. L’entrée en jeu de Nicolas Amoruso à la place de Vieri ne change rien au score. Le Borussia Dortmund tient le choc jusqu’au coup de sifflet finale de l’arbitre hongrois Sandor Puhl et remporte sa première Ligue des champions.
Au final, ce match fermé entre deux équipes qui se craignaient a basculé sur des phases de jeu arrêtés et Dortmund a fait preuve d’un réalisme redoutable. Lippi s’est-il trompé en se privant de Del Piero à l’entame de la rencontre ? Difficile de connaître la réponse tant les matches de ce niveau bascule sur des détails qui peuvent donner raison ou tort selon le résultat de la rencontre.
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