Bundesliga

Schalke 04 : les raisons d'une crise surréaliste

Habituellement positionné dans le gratin du football allemand, Schalke 04 a bien décliné depuis quelques années. Désormais lanterne rouge, le club de Geselkirchen est de plus en plus menacé par le spectre de la relégation. Une crise dont les facteurs sont nombreux et dont les Knappen auront du mal à se relever.

Par Aurélien Macedo
9 min.
Benito Raman (Schalke 04) au sol @Maxppp

«Le football est un sport qui se joue à onze contre onze, et à la fin, c'est l'Allemagne qui gagne» voici ce qu'avait dit Gary Lineker après la victoire de la Mannschaft contre l'Angleterre en demi-finale de la Coupe du monde 1990. Si l'on devrait remettre cette formule au goût du jour dans le championnat allemand cela donnerait : «le football est un sport qui se joue à onze contre onze, et à la fin, c'est Schalke 04 qui perd.» Un triste constat pour les Knappen qui viennent de vivre une année 2020 calamiteuse... à en manger un pangolin. Pourtant réputé comme l'un des plus grands clubs outre-Rhin avec 7 Bundesliga, 5 Coupes d'Allemagne, 2 Coupes Intertoto et la Coupe UEFA 1997 dans son armoire à trophées, Schalke 04 est au plus mal. Derniers du championnat après 13 journées, les Königsblauen ne comptent que 4 points, n'ont toujours pas gagné le moindre match et ont encaissé 36 buts (2,77 buts encaissés par match en moyenne) pour 8 buts inscrits (0,62 but inscrit par match en moyenne).

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Des chiffres édifiants et bien loin de ce qu'on est en droit d'attendre de Schalke 04. Situé à six points du barragiste l'Arminia Bielefeld et à sept points de Cologne le premier non relégable, le club de la Ruhr n'est pas encore condamné, mais il se dirige doucement et sûrement vers un funeste destin. Celui se dessine néanmoins depuis un long moment. Pour retrouver une victoire de Schalke 04 en championnat, il faut remonter au premier match de l'année 2020, le 17 janvier et un succès 2-0 contre le Borussia Mönchengladbach. Depuis, c'est une série à en faire pâlir le Toulouse FC d'Antoine Kombouaré. Depuis sa seule victoire en Bundesliga en 2020, Schalke 04 a connu 30 matches de rang sans victoire, soit 10 matches nuls et 20 défaites pour 15 buts marqués et 73 buts encaissés. Mais comment on a bien pu en arriver là ?

Le contrecoup d'une mauvaise gestion

Quel est le point commun entre Leon Goretzka, Alexander Nübel, Max Meyer, Joël Matip et Sead Kolasinac ? Au-delà d'avoir tous porté le maillot de Schalke 04 avec brio depuis quelques années, ces joueurs sont tous partis librement au cours des dernières années alors que leur valeur marchande était au plus fort. Sans véritable fil conducteur pendant des années et confronté à des gros soucis financiers, Schalke 04 accuse actuellement des dettes à hauteur de 200 millions d'euros. Un désastre financier qui s'explique particulièrement avec une instabilité chronique en interne. Ainsi sur les dernières années, Horst Heldt, Christian Heidel et maintenant Jochen Schneider se sont succèdes en tant que directeurs sportifs et ont pris la porte dès que les mauvais résultats se sont fait ressentir.

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Une tendance assez similaire à celle que vivent d'autres gros clubs allemands en difficultés dernièrement comme le Hambourg SV ou le VfB Stuttgart. «À Schalke 04, l'atmosphère est toujours très difficile à cause des intérêts de presque tout le monde dans le club. De plus, les fans sont très exigeants, les médias sont durs. C'est la même chose au Hambourg SV et à Stuttgart. C'est un peu différent au Werder Brême. Ces clubs n'ont pas pris de bonnes décisions sportives, il y a beaucoup de gens différents dans l'administration et si quelque chose ne fonctionne pas, ils licencient l'entraîneur ou le directeur sportif. Ainsi c'est difficile de construire quelque chose pendant des années» ne manque pas de nous souligner notre confrère de Fussball Transfers Lukas Hörster.

Cette difficulté à avoir de la continuité et une ambiance saine tranche assez logiquement avec les équipes montantes des dernières saisons. «Bien sûr, un gros problème pour ces clubs historique, c'est que les clubs avec de l'argent comme Leipzig, Hoffenheim, Wolfsburg ou Leverkusen ont pris les premières places de ces grands clubs. Au-delà de l'argent, il y a une bonne ambiance de travail pour continuer à progresser» note Lukas Hörster. De moins en moins ambitieux sur le marché des transferts et de moins en moins cohérent dans ses choix au fil des années, Schalke 04 navigue à vue. 2020 semble être l'année où le bateau dérive et il ne faudra pas que 2021 soit celle où il échouera.

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Des résultats qui ont doucement décliné

Minés par les mauvais choix sportifs, les Knappen ont vu leur santé sportive décliner doucement. La situation a ainsi bien changé depuis la période 2009/2014 où le club était un habitué du podium derrière le Bayern Munich ou le Borussia Dortmund. En 2016/2017, les soucis vont débuter puisque le club vit un début de saison compliqué où il débutera dans la zone rouge avant d'être englué dans le ventre mou. Face à cette crise, Schalke 04 décide de remplacer à l'été Markus Weinzierl par le jeune Domenico Tedesco. Un choix payant puisqu'il va relancer totalement le club.

Si son style n'est pas le plus séduisant, le coach né à Rossano en Italie met en place une équipe très solide qui va s'imposer comme un beau dauphin du Bayern Munich lors de l'exercice 2017/2018. On pense alors que Schalke 04 est reparti pour se stabiliser dans le haut du tableau en Allemagne... Grosse erreur. L'exercice qui suit est un véritable cauchemar. Malgré des idées de jeu affirmées et de nombreux tests, Domenico Tedesco va totalement perdre la main et sera limogé en mars 2019. S'écroulant, Schalke 04 terminera quatorzième à cinq points du VfB Stuttgart le barragiste.

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L'histoire se répète encore lors de la saison 2019/2020. David Wagner arrive et les résultats sont plutôt intéressants avec une cinquième place à la mi-saison et un rang bien plus en adéquation avec celui de Schalke 04. Mais là encore tout s'écroule. Malgré quelques idées de jeu intéressantes, le jeu de cartes avait des fondations bien trop friables et il s'est envolé. Les Knappen terminent douzièmes alors qu'ils étaient en très bonne posture pour viseur l'Europe voire la Ligue des Champions à la mi-championnat. Si les observateurs ont été surpris par le début de saison brillant de Schalke 04, cette décrépitude des résultats a encore plus étonné. «Bien sûr, un tel effondrement était une surprise après une excellente première partie de saison. Beaucoup de gens ont également dit après ce bon départ que Schalke 04 était trop performant. Ce qui se passe maintenant est incroyable» constate Lukas Hörster.

Souviens toi l'été dernier

Malgré une série de 16 matches sans gagner, David Wagner survit à la fin de saison chaotique et reste à la tête du club. Une décision surprenante à laquelle sera accompagnée de la démission du président historique Clemens Tönnies. Même s'il n'était plus dans ses meilleures années, il est tout de même à l'origine des derniers gros trophées du club allemand. Soit, 3 Coupes d'Allemagne, deux Coupes Intertoto, une coupe de la Ligue Allemande et la demi-finale de la Ligue des Champions en 2011. La santé financière de son équipe et des déclarations polémiques (même racistes) sur les joueurs d'origine africaine auront finalement eu raison de lui.

Une page tournée et un contexte pas très serein pour travailler qui sera suivi d'un mercato compliqué. Perdant des éléments phares comme Weston McKennie (Juventus), Alexander Nübel (Bayern Munich) ou encore Daniel Caligiuri (Augsbourg), Schalke 04 réalise un mercato surprenant avec l'arrivée de joueurs qui faisaient office de doublures dans le club. Soit, Vedad Ibisevic (Hertha Berlin), Gonçalo Paciência (Eintracht Francfort) et Frederik Rönnow (Eintracht Francfort). Mark Uth, Nabil Bentaleb, Hamza Mendyl et Steven Skrzybski ont eux fait leur retour de prêt tandis que Nick Taitague et Can Bozdogan ont été promus en équipe première. Ce mercato loin d'être rassurant témoigne là encore d'une gestion chaotique. «Encore une fois, ils ont fait de très mauvaises décisions. Par exemple, ils n'ont fait aucune offre de prolongation à Caligiuri et maintenant ils n'ont plus de bon latéral droit» explique Lukas Hörster.

L'absence de logique dans le projet Schalke 04 ira encore plus loin, car après seulement deux matches et des défaites contre le Bayern Munich (8-0) et le Werder Brême (3-1), David Wagner est licencié. Un choix complètement surréaliste de le faire partir aussi vite alors qu'il aurait été plus judicieux de s'en séparer à l'issue de la saison dernière. «Personne n'a compris pourquoi ils ont gardé Wagner et l'ont renvoyé après 2 matchs de la nouvelle saison. Je pense qu'ils ne l'ont pas renvoyé immédiatement parce qu'ils ne voulaient pas payer d'argent. Schalke 04 est presque brisé financièrement» s'étonne aussi Lukas Hörster. Parti sur les mêmes bases que celles présentées début 2020, Schalke 04 est aujourd'hui au bord du gouffre.

Des raisons d'espérer ?

Derniers et n'ayant toujours pas gagné cette saison, les Königsblauen vont devoir vite réagir après la trêve hivernale. Mais là encore les motifs de satisfaction ne sont pas nombreux. «Vous devez être créatif pour trouver des motifs d'espoir. Peut-être un point, la plupart des joueurs ont également connu des jours meilleurs. Donc, presque tous ont prouvé qu'ils pouvaient jouer en Bundesliga. Fährmann était l'un des meilleurs gardiens de Bundesliga pendant des années, Kabak, Sané, Nastasic ont également fait de bons matchs dans le passé, Serdar est international allemand, Mascarell a bien joué à Francfort, Paciencia et Raman ont montré qu'il marquait des buts ailleurs» essaye de positiver Lukas Hörster. Néanmoins le mal est vraiment profond.

Ne pouvant pas vraiment se renforcer cet hiver faute de moyen, Schalke 04 dispose d'un groupe totalement abattu par les résultats négatifs qui s'enchaînent de semaine en semaine. Cette impuissance, Manuel Baum (le remplaçant de David Wagner) l'a connu. «Il a essayé différents styles et aucun d'entre eux n'a fonctionné» constate Lukas Hörster. Notre confrère évoque notamment le match nul 2-2 contre Augsbourg concédé le 13 décembre dans un contexte favorable. Menant 2-1 et se retrouvant à 11 contre 10, Schalke 04 se fera égaliser par Marco Richter dans le temps additionnel. «J'ai regardé le match et oui avec de la confiance, vous pliez le match contre Augsbourg réduit à 10. Schalke 04 a eu des occasions, mais s'est raté. Et dans le temps additionnel, les choses se sont mal passées.»

Dernièrement, Manuel Baum a été renvoyé et remplacé par l'intérimaire Huub Stevens. Le coach néerlandais a permis de gagner en Coupe d'Allemagne contre Ulm (3-1) avant de laisser sa place à Christian Gross qui devra inverser la tendance. Lukas Hörster pointe un point commun entre les derniers coachs qui ont échoué : «peut-être qu'un entraîneur au caractère fort aiderait. Ils ont essayé Weinzierl, Tedesco, Wagner et Baum. Tous sont des coachs très gentils. Peut-être que le prochain doit être un entraîneur qui soit plus respecté par le joueur.», Car oui, souci supplémentaire, les joueurs ont des gros problèmes de comportement. Amine Harit est souvent sanctionné et Vedad Ibisevic ainsi que Nabil Bentaleb ne joueront plus pour le club. La cerise sur le gâteau pour le club de Geselkirchen qui frise l'indigestion de problèmes. Le monument Schalke 04 est plus que jamais en péril.

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