Pourquoi les clubs écossais n’arrivent plus à briller en Europe
Après plusieurs titres et épopées mythiques, les clubs de football écossais ne semblent plus en mesure de s’imposer en Coupe d’Europe. Des résultats compliqués, des budgets en berne : l’écart de niveau se creuse de plus en plus avec le reste du continent. Mais ces derniers peuvent encore espérer un autre avenir.
L’Écosse, perchée au nord du football européen, a longtemps été une place forte lors des grandes compétitions continentales de clubs. Mais aujourd’hui, ses formations peinent à exister sur la scène internationale, éclipsées par la puissance des autres grands championnats voisins. Rares sont les amateurs de ballon-rond à se souvenir de ce lointain âge d’or. Pourtant, si l’on rembobine un peu le fil de l’histoire, on retrouve une époque où les clubs écossais faisaient vibrer l’Europe.
Un grand passé européen
À une époque où le football britannique n’était pas encore entièrement polarisé autour de l’Angleterre, l’Écosse se distinguait comme une puissance compétitive. Portée par des équipes redoutables et des talents locaux éclatants, elle tenait tête aux plus grands clubs du continent. Le Celtic Glasgow a ainsi remporté la Coupe des clubs champions européens, renommée Ligue des champions à partir de 1967, devenant, pour la petite histoire, le premier club britannique à gagner cette compétition. Le club a également atteint la finale de la Coupe UEFA en 2003, où il a été battu par le FC Porto (2-3).
L’autre mastodonte du football écossais, le Rangers Glasgow, n’est pas en reste. Le club a par exemple, remporté la Coupe des vainqueurs de coupe en 1972. Plus récemment, la formation est parvenue en finale de la Coupe UEFA en 2008, où ils ont été défaits par le Zenit Saint-Pétersbourg (2-0). A noter aussi, une autre finale de l’Europa League 2022, perdue face à Francfort (1-1, tab 5-4).
Sous la direction du légendaire entraîneur de Manchester United, Sir Alex Ferguson, Aberdeen a de son côté également connu son âge d’or en gagnant la Coupe des vainqueurs de coupe en 1983, en battant le prestigieux Real Madrid 2-1, ainsi que la Supercoupe d’Europe la même année. Ce qui fait d’Aberdeen le dernier club écossais à avoir obtenu un trophée européen majeur.
Un écart avec les autres nations
Mais depuis le faste des années 60 à 80, et les quelques épopées des années 2000, l’armoire à trophée des clubs écossais ne se remplit plus beaucoup sur la scène continentale. « Le football a évolué très vite depuis le début du siècle. L’Écosse a fait partie de cette catégorie de championnat où il y a eu moins d’argent qui a été injecté, donc ça n’a pas vraiment aidé à son développement », constate Loïs Guzukian, journaliste et spécialiste du football écossais.
Un virage financier que les clubs ont mal anticipé. Ce qui a indubitablement affecté les championnats locaux. D’autant plus, que les rentrées d’argent ont également été en décalage avec les autres voisins européens. « Les droits télévisuels en Écosse ont, par exemple, toujours été compliqués. Cela n’a jamais été un championnat très bien diffusé, glisse Loïs Guzukian. Là où, les Pays-Bas, la Belgique, le Danemark, ont des diffusions qui sont un peu plus globales, l’Écosse n’a jamais eu le droit à ce traitement-là. Les montants n’ont jamais été exceptionnels, donc il y a aussi cette difficulté de grandir avec ce désavantage important ».
Une concurrence néfaste avec la Premier League
Si les relations entre les écossais et leurs voisins anglais ont été historiquement et politiquement compliquées, elles le sont aussi sportivement. Et les clubs écossais en ont pâti. « Il y a eu une période où énormément de jeunes joueurs prometteurs écossais quittaient le pays très tôt pour rejoindre des clubs anglais. Beaucoup d’entre eux n’ont rien accompli, notamment à cause de la féroce compétition, d’un manque de talent, de mental, ou encore de blessures arrivées au mauvais moment », explique un observateur du football européen. Les moyens des formations d’Ecosse, n’auront ainsi pas été suffisants face aux capacités économiques de la Premier League, la ligue la mieux valorisée du monde.
Une position qui semble avoir toutefois évolué ces derniers temps. « Les clubs sont un peu mieux structurés, et cela se ressent : il y a désormais moins cette volonté de "fuir le navire", indique Loïs Guzukian. Bien que l’Angleterre reste un concurrent redoutable, il faut reconnaître que certains jeunes joueurs écossais commencent à refuser des contrats anglais pour prioriser le développement dans leur club formateur ». C’est notamment le cas de James Wilson qui évolue au Heart of Midlothian, engagé cette année en Ligue Europa Conférence, qui avait choisi de rester avec son club de jeunesse malgré les convoitises de formations anglaises.
Preuve que le vent commence à tourner pour le foot écossais. « Les clubs ont investi dans de nouvelles installations d’entraînement. Aberdeen, Hibernian et Hearts ont tous déménagé dans de nouvelles bases ces dernières années, les Rangers et le Celtic également », illustre Alan Pattullo, journaliste pour The Scotsman, l’un des premiers quotidiens du pays. « Mais faut-il encore faire confiance et laisser jouer de jeunes joueurs écossais dans les équipes premières. Certaines équipes ont encore tendance à faire venir des joueurs étrangers qui ne sont pas nécessairement meilleurs, pour une solution rapide ni pour le long terme », relativise-t-il cependant.
Un tournant dans les années à venir ?
Alors le football écossais continuera-t-il à rester dans l’ombre de ses voisins ? Pour Alan Pattullo « la situation est loin d’être complètement sombre ». Le suiveur attentif du football local depuis plus de 25 ans, rappelle que « les Rangers sont passés très près de remporter le trophée de la Ligue Europa en 2022 contre l’Eintracht Francfort ».
La nouvelle formule des ligues européennes pourrait, de plus, être bénéfique à ces clubs. Pour rappel, cette réforme leur permet aujourd’hui d’augmenter leur générer plus de revenus et créer de nouvelles perspectives de croissance sur la scène continentale. Sur un plan sportif, le Celtic, après une déconfiture contre Dortmund (7-1), a largement remporté ses matchs contre Bratislava (5-1) et Leipzig (3-1). Le club est, pour l’heure, qualifié pour les seizièmes de finale du tournoi. De même que pour les Rangers et Hearts, tous deux également en lice pour la suite.
« Comme pour tout développement de championnat, il faut s’immiscer en Europe et faire des résultats constamment pour commencer à entrevoir le bout du tunnel. souligne Loïs Guzukian. Les supporters, les joueurs, les clubs, l’infrastructure globale du football écossais doivent comprendre que c’est un championnat qui peut être taillé pour l’Europe ». Reste à savoir si le pays des Highlands saura à nouveau s’affirmer dans le paysage du Vieux Continent.