La stratégie de la Jamaïque pour s’imposer dans le football mondial
Alors que la Coupe du Monde 2026 approche à grands pas, la Jamaïque continue sa stratégie de séduction des binationaux pour étoffer ses rangs. Avec l’arrivée prochaine de Mason Greenwood, la fédération espère bien donner des idées à de nouveaux joueurs.
Auteur d’un début de saison en fanfare du côté de l’Olympique de Marseille, Mason Greenwood va bientôt pouvoir regoûter aux joies du football international. Ce ne sera cependant pas avec l’Angleterre, son pays natal, avec lequel il avait connu sa première sélection le 5 septembre 2020, 12 minutes face à l’Islande dans le cadre de la Ligue des nations, mais peut-être bien avec la Jamaïque, dont son père est originaire. Une règle de la FIFA l’autorise aujourd’hui à changer sa nationalité sportive, puisqu’il avait moins de 21 ans lors de sa dernière sélection et ne compte pas plus de trois matches avec les Three Lions.
Considéré comme l’un des plus grands espoirs du football anglais, Mason Greenwood avait déjà reçu plusieurs avances de la part de la Fédération jamaïcaines au cours des dernières années, sans pour autant qu’il ne donne suite. Si son arrivée sur cette nouvelle feuille de match est en partie expliquée par sa situation personnelle, avec les accusations de viol et de violences conjugales dont il a fait l’objet, lui fermant la porte de l’Angleterre, elle révèle également aujourd’hui une stratégie bien plus vaste du petit pays des Caraïbes.
Des opérations séduction
Ce n’est, en effet, pas rare de voir la Fédération Jamaïcaine de Football (JFF) faire des appels du pied à ses binationaux. En 2021, pendant la campagne de qualification à la Coupe du Monde au Qatar, Michail Antonio ou encore Liam Moore avaient finalement décidé de rejoindre les Reggae Boyz. Plus récemment, Demarai Gray, ancien attaquant d’Everton, a aussi fait le choix de s’engager avec la Jamaïque. Souvent motivés par un manque de temps de jeu dans les grandes sélections européennes, les joueurs sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à franchir le cap. « L’importance des binationaux a été de plus en plus forte au cours de la dernière décennie. Leur rôle est aujourd’hui considérable dans le onze type », explique Daniel Blake, journaliste sportif au quotidien jamaïcain The Gleaner, à Foot Mercato.
Cette stratégie n’est effectivement pas nouvelle. Lors de la Coupe du Monde 1998 déjà, les Reggaes Boyz comptaient dans leur rang six joueurs issus de la communauté afro-caribéenne du Royaume-Uni. Parmi eux, le défenseur de Chelsea Franck Saintclair, le milieu de Wimbledon Robert Earle ou encore l’attaquant de Derby County Deon Burton. Malgré ces renforts en termes de recrutement, la Jamaïque n’avait pas réussi à se hisser au-delà de la phase de poule après trois défaites face à l’Argentine (5-0), à la Croatie (3-1) et au Japon (2-1). Ce fut, par ailleurs, la dernière fois que le pays réussit à se qualifier pour la plus prestigieuse des compétitions internationales. Pas de quoi décourager la fédération qui a continué ses efforts au fil des ans.
L’un des buts principaux de ce plan reste, en effet, d’élever le niveau de jeu de l’équipe nationale en recrutant des joueurs évoluant dans des championnats plus compétitifs. Beaucoup de binationaux jamaïcains jouent de nos jours dans des ligues européennes (Premier League, Championship…), ou américaines (MLS), ce qui leur permet d’apporter une expérience et un professionnalisme dont les joueurs locaux ne bénéficient pas toujours. Selon l’International Organization for Migration, «la diaspora jamaïcaine fait partie des plus importantes du monde» et est estimée «à plus de trois millions de personnes». Ce qui offre, de fait, un vivier plutôt conséquent à la JFF.
La Coupe du Monde 2026 comme objectif
Cette politique de recrutement a également pour objectif de pouvoir de nouveau fouler les terrains d’une Coupe du Monde. « Il est évident qu’une qualification à cette compétition reste l’objectif numéro 1 pour la fédération, indique Daniel Blake. C’est le summum pour la plupart des nations, en particulier pour les petits pays comme la Jamaïque qui n’ont pas les mêmes ressources que l’élite mondiale du football ». Pour pouvoir retrouver le fameux tournoi, la sélection mise aussi sur l’arrivée d’un nouveau sélectionneur : Steve McClaren. L’ancien coach de Middlesbrough et de Newcastle, fraîchement débarqué sur le banc du pays caribéen, aura pour principale tâche d’intégrer tous les nouveaux venus.
«Des joueurs comme Michail Antonio, Ethan Pinnock et Bobby Reid ont montré leurs qualités dans ce qui est sans doute le plus grand championnat du monde (la Premier League, ndlr), mais il ne suffit pas de les mettre sur le terrain et d’attendre qu’ils fassent de la magie. Il faut mettre en place un véritable système tactique et de l’alchimie entre eux. Il reste encore du travail à faire sur ce sujet», commente Daniel Blake. L’élargissement du nombre de sélections pour la prochaine édition de la compétition pourrait, de plus, bien faire les affaires du pays, souvent bloqué au dernier tour des éliminatoires. Pour rappel, en 2026, 6 à 8 places seront accordées à la zone de la CONCACAF, contre 4 seulement en 2022. De quoi laisser entrevoir un avenir footballistique radieux sous les tropiques.