beIN Sport, un échec de rentabilité annoncé ?
La bataille fait rage sur le petit écran, Canal+ et beIN Sport étant en concurrence frontale pour détenir le maximum de droits de diffusion. Mais jusque-là, la stratégie mise en place par la nouvelle entité ne s'avère pas rentable.

Les temps changent ! C'est en 1984 que l'aventure championnat de France sur Canal+ démarre, avec à l'affiche un certain Monaco-Nantes. De l'eau a coulé sous les ponts depuis et, 28 ans plus tard, la donne a évolué. Ayant eu la main mise sur les droits TV de la Ligue 1 de nombreuses saisons durant, la chaîne cryptée a vu un nouvel acteur venir jouer les trouble-fêtes. Le groupe qatari Al Jazeera a mis les petits plats dans les grands en lançant les chaînes beIN Sport 1, beIN Sport 2, et beIN Sport Max, pour venir mettre un terme à la suprématie de C+. Un pari qui a porté ses fruits puisque, comme espéré, la nouvelle entité a su acquérir de nombreux droits sportifs (L1, Ligue des Champions, Liga, Bundesliga, Calcio, Euro, JO, Rugby etc) en attendant sans doute d'autres achats (F1, Premier League etc).
Des investissements colossaux donc, mais il faut bien mettre la main au porte-monnaie pour rattraper ce retard. Une problématique intervient alors : beIN Sport est-il un projet rentable ? Cette question, la banque de Financement et d’Investissement Natixis se l'est posée dans le cadre d'une note sur le marché de la télévision payante. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le constat est sans appel. Premier élément pointé du doigt, l'augmentation de plus en plus poussive du nombre d'abonnés : « Selon différentes sources de presse, beIN Sport aurait recruté environ 600 000 abonnés début septembre (contre 500 000 début août), ce qui laisse entrevoir un rythme de recrutement de l’ordre de 3 500 / jour et constitue un ralentissement par rapport aux premières semaines de commercialisation (10 000 / jour). Certes ce rythme de recrutement pourrait de nouveau augmenter en septembre, sous l’effet des premières affiches de la Ligue 1 et de la Ligue des champions, mais la tendance nous semble clairement moins favorable que durant l’été ».
Avec des droits TV qui ont coûté cher, un nombre d'abonnés insuffisant et un coût de l'abonnement à seulement 11 € par mois, le casse-tête est au rendez-vous : « Nous estimons le point mort des deux chaînes à environ 5 M d’abonnés. Ce qui est, selon nous, totalement inatteignable au regard des premières indications de marché. Alors que le groupe a multiplié les acquisitions de droits sportifs, son coût de grille devrait s’établir autour de 350 M€ (hors Premier
League et Formule 1, dont les droits seront attribués d’ici fin 2012). Sur cette base, nous estimons dorénavant les pertes cumulées d’ici 2016 à 1 360 M€. Le modèle commercial de la chaîne repose ainsi sur une équation infernale : un coût de grille important, des investissements marketing et commerciaux élevés (publicité, gratuité, pas d’engagements etc.) et un prix d’abonnement très bas ».
1,36 milliards d’euros de pertes sur cinq ans, voilà donc la tendance. Un chiffre qui a de quoi faire perdre le sourire. Mais alors, qui est le grand gagnant dans cette affaire ? Et bien c'est Canal+ qui fait la bonne affaire. Alors qu'on lui prédisait une chute vertigineuse de son nombre d'abonnés, le groupe fait plus que tenir son rang : « Ce qui valide notre scénario selon lequel l’essentiel des abonnés à Al Jazeera resteront abonnés à C+ (qui dispose des 2 principales affiches de L1 et de la principale affiche de Ligue des champions) », précise d'ailleurs Natixis. Mieux, Foot+ devrait même devenir beaucoup plus rentable, puisque les championnats étrangers désormais diffusés sont nettement moins chers que les matches de Ligue 1 jusque-là retransmis. Mais la bataille est loin d'être terminée, les droits de la Premier League devant être remis en jeu. Un nouveau round commence !
En savoir plus sur