Ligue 1

PSG : le malaise Gonçalo Ramos pose question au Portugal

Courtisé par plusieurs grands d’Europe l’été dernier, Gonçalo Ramos a dit oui au PSG. Mais les premiers pas du buteur de 22 ans dans la capitale ne se passent pas comme prévu. Ce qui pose question et inquiète son pays, le Portugal.

14 min.
Gonçalo Ramos @Maxppp

Un rendez-vous manqué. Entre Gonçalo Ramos et le Paris Saint-Germain, l’histoire d’amour aurait pu débuter en 2022. En quête d’un renfort offensif, les pensionnaires du Parc des Princes avaient jeté leur dévolu sur le prometteur buteur de Benfica. Mais l’opération séduction n’avait pas abouti et le natif de Lisbonne était resté au sein de son club de cœur. L’an dernier, il a ainsi plus que jamais déployé ses ailes d’aigle pour marquer 22 buts et délivrer 3 passes décisives en 42 apparitions toutes compétitions confondues, dont 40 en tant que titulaire. Il a aussi réussi l’exploit d’être préféré à l’indéboulonnable Cristiano Ronaldo à la tête de l’attaque de l’équipe nationale lors de certaines rencontres du Mondial 2022.

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Pour toutes ces raisons, mais aussi parce que c’est un redoutable buteur, qui n’hésite pas à mouiller le maillot pour le collectif, il a de nouveau été dragué par Paris, qui cherchait un neuf de ce style. Malgré les approches d’autres écuries européennes, dont Manchester United et Chelsea, le joueur âgé de 22 ans a dit oui au club de la capitale le 7 août dernier. Il est ainsi arrivé sous la forme d’un prêt avec une option d’achat fixée à 80 M€, dont 15 de bonus. Mais celle-ci a été levée par le PSG dès le 22 novembre. Liées jusqu’en 2028, les deux parties se sont donc unies pour le meilleur et pour le pire. Et pour le moment, on ne peut pas dire que les premiers mois de ce mariage sont sans nuage.

Un premier gros transfert à digérer

Recruté pour mener l’attaque parisienne, Gonçalo Ramos a débuté 10 matches sur les 19 auxquels il a participé. Le temps pour lui d’inscrire 4 buts (0 assist). Volontaire, il se bat et ne rechigne pas à faire les efforts défensifs. En revanche, le joueur doit encore trouver des automatismes avec ses partenaires qui ont du mal à le trouver dans les petits espaces ou à profiter de son jeu de tête. On sent aussi qu’ils ne le cherchent pas forcément en priorité. De plus, il doit composer avec la concurrence de Kylian Mbappé, qui préfère pourtant évoluer sur le côté gauche, et de Randal Kolo Muani, acheté aussi cet été et qui évolue à son poste. Ce qui interroge Nélson Marques Feiteirona, journaliste qui suit Benfica pour A Bola.

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«Je comprends difficilement, mais le PSG nous a déjà habitués à des transactions étonnantes et, en vérité, Gonçalo est très bon, mais jeune et a besoin de s’affirmer sur la scène internationale. La concurrence à un niveau similaire est toujours importante pour l’entraîneur et le joueur.» Malgré tout, la gestion de Luis Enrique questionne Gary De Jesus, journaliste spécialiste du foot portugais. Avant le match de Coupe de France du PSG contre Revel, il nous a livré son analyse sur ce cas précis. *«Selon moi, sa situation à Paris est incompréhensible. Pour être honnête, j’ai du mal à comprendre ce que doit faire Gonçalo Ramos pour débuter un match, pour jouer tout simplement. Il faut savoir que le dernier match qu’il a joué en tant que titulaire (en L1) avec le PSG c’était le PSG-Monaco. C’est le match où on a vu l’attaque du PSG la plus cohérente depuis plusieurs mois.

La gestion particulière de Luis Enrique

Il poursuit : « j’ai du mal à comprendre. Il n’a pas joué parce qu’il a été malade, ça, c’est compréhensible. Mais depuis, il rentre deux minutes en fin de match. Parfois, il ne s’échauffe même pas. C’est très bizarre sa situation, d’autant que dans le jeu c’est celui qui est le plus compatible et qui offre un profil différent des autres en attaque. C’est un bon gars et un bon soldat. Quand il est en pointe, c’est celui qui va courir, créer les espaces pour les autres, qui va jouer en une touche de balle quand il le faut. Il va toujours jouer dans le sens du jeu et ça manque au PSG en attaque où des joueurs ont le ballon et ont du mal à le lâcher. Il peut faire du bien. C’est le profil qui pourrait le mieux s’adapter au schéma avec deux joueurs de côté, Ousmane Dembélé et Kylian Mbappé, qui pourraient rentrer dans l’axe quand lui crée des espaces.»

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Sa situation préoccupe aussi Nélson Marques Feiteirona. «Je m’attendais à ce qu’il ne soit pas facile pour lui de s’imposer, mais peut-être qu’il aurait pu avoir plus de temps de jeu, oui (…) Je ne pense pas (que son style de jeu ne convient pas au PSG, ndlr), car Gonçalo est très polyvalent. Au Benfica, il était un attaquant plus ou moins mobile et même un ailier et un milieu de terrain.» Marco Martins, qui est notamment correspondant pour Record, a un sentiment différent. «Je suis un peu partagé. Il a quand même eu des opportunités et il continuera d’en avoir. Face à Revel, il a été titulaire et il a réussi à marquer un but sur pénalty. Les échos des médias français par rapport au fait que Mbappé n’est pas très content d’avoir Gonçalo Ramos, que ce n’est pas l’avant-centre qu’il aurait préféré, que Kolo Muani préfère jouer avec ses potes devant, ça le met dans une situation inconfortable. Mais Mbappé pourra aussi se rendre compte que c’est l’unique pur 9 de cette équipe. Il a été façonné de cette manière-là même à Benfica. C’est lui qui essaye de jouer en pivot, pour utiliser un terme qui est souvent revenu l’année dernière. Pour moi, sa situation est compliquée. Des fois il joue, il entre, il est sur le banc. C’est aussi la gestion de Luis Enrique.»

Une situation alarmante

Il poursuit : «sur le terrain, je ne trouve pas qu’il y a encore beaucoup de liens avec les autres joueurs. Quand on voit le trio Mbappé-Kolo Muani-Dembélé, on sent qu’ils sont potes. On sent que le feeling passe. Avec Ramos, c’est un peu différent. En plus, c’est un joueur de surface. Il aime bien les centres, jouer en une-deux en entrée de surface. Ce n’est pas trop le cas avec Mbappé ou Dembélé qui repiquent vers l’intérieur pour frapper. Il n’y a pas énormément de centres. Même Kang-In Lee, Asensio, Kolo Muani, vont plus tenter le jeu individuel dans la surface ou près de la surface. Ils vont plus la jouer solo, on rentre sur un pied et on frappe, plutôt que le jeu de centre où Ramos est bon de la tête. Il est plus complet que ça mais je trouve qu’il peut être aussi un bon renard des surfaces. On ne lui donnera peut-être pas l’opportunité dans cette équipe où il n’y a pas vraiment de centreurs. Il y a des centres mais ce n’est pas une équipe qui va centrer beaucoup plus que ça. A Benfica, il y avait des centreurs ou des une-deux en utilisant Ramos en pivot. Il faisait beaucoup ça avec João Mario ou Rafa Silva, qui avaient des stats de folie. Lui aussi marquait beaucoup parce qu’ils lui rendaient avec des centres millimétrés.»

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Titularisé en Coupe de France face à Revel, Gonçalo Ramos, qui a marqué un but, ne s’imaginait certainement pas vivre une telle situation à Paris. Remplaçant le plus souvent ces derniers temps, il est entré en jeu face à Newcastle et Metz. Il est aussi resté sur le banc tout le match lors des rencontres face au HAC (3 décembre), à Nantes (9 décembre) et plus récemment lors du Trophée des Champions face à Toulouse (4 janvier). Ce qui ne tracasse pas Marco Martins. «Inquiet ? Non. Gonçalo Ramos a déjà prouvé à Benfica, en Ligue des champions. Terminer meilleur buteur au Portugal, ce n’est pas si facile que ça. Marquer des buts en Ligue des champions, aussi. Il a déjà démontré dans un grand club européen où les joueurs sont habitués à jouer sous la pression. La pression est plus compliquée à Benfica qu’au PSG. Je ne suis pas inquiet car il pourra toujours rebondir si ça ne fonctionne pas au PSG. Il y aura toujours des prétendants, un peu à l’image de João Félix qui a toujours des clubs. Mais il a encore le temps pour s’imposer à Paris, être dans la rotation. »

Certains sont inquiets pour lui

Gary De Jesus n’est pas du même avis. «Je suis inquiet pour lui sportivement parce que c’est un joueur qui a besoin de jouer, qui est jeune et qui sortait d’une grosse saison. Une saison révélation, où il était très bon avec Benfica et où il avait été appelé en équipe nationale portugaise. Il a mis Cristiano Ronaldo sur le banc. Il a mis un triplé pour sa première titularisation dans un Mondial avec le Portugal. Il était sur une pente ascendante. Son transfert aurait dû le propulser dans une autre dimension. Au final, ça le fait régresser un peu. On ne le voit plus. Pour lui, bien sûr, c’est un souci surtout qu’il n’y a pas forcément d’explications. Il n’a pas été extraordinaire, c’est une certitude, mais il n’a pas été plus mauvais que ceux qui jouent aujourd’hui. J’ai peur qu’il perde confiance et qu’il ne comprenne pas sa situation.»

Hier, L’Equipe a d’ailleurs annoncé que Luis Enrique n’est pas un grand fan de Gonçalo Ramos, comme de RKM d’ailleurs. Un gros problème pour Nélson Marques Feiteirona. «Ils sont tous les deux très bons et jeunes. Si l’entraîneur a des doutes ou ne leur fait pas confiance, il y a un problème : soit il n’a pas donné le feu vert, soit il a été mal conseillé. Ce que je pense, c’est qu’aujourd’hui ou plus tard, ce sont deux joueurs de haut niveau. Et j’espère que le PSG saura en tirer parti.» Pour le moment, tout cela ne semble pas impacter le joueur, qui a un caractère de battant. À l’avenir, si la situation venait à perdurer, la donne pourrait changer pour le client de Jorge Mendes, qui doit déjà avoir des appels pour lui. Mais il est encore lié au PSG pour 4 ans et demi, s’il va au bout de son bail. Malgré tout, cinq mois après sa signature, on peut se demander si rejoindre Paris était le meilleur choix.

Le PSG, un bon choix ?

C’est une bonne question et personne ne sera d’accord, avoue le correspondant de Record avant d’ajouter : «le PSG, sans l’arrivée de Kolo Muani, j’aurais dit excellent choix car il aurait été la référence en attaque, il aurait été obligé d’être titulaire, de jouer même s’il y aurait pu y avoir quelques changements (…) Avec Kolo Muani, sachant que c’est un proche, qu’il s’entend bien avec Mbappé, c’est un peu plus compliqué. Sur le fond, c’est toujours un bon choix. Les Portugais passés par le PSG ont souvent eu du succès. Il y a eu Pauleta avec lequel il s’est sûrement entretenu. Sur le fond, rejoindre Paris n’était pas un mauvais choix car ils n’avaient pas de pur n°9. Pour moi, il continue d’y en avoir qu’un c’est Ramos. Mais le style de jeu n’est plus le même que les saisons précédentes et ils n’ont peut-être plus besoin d’un 9 fixe. Après Paris est une ville de Portugais. Il se sent un peu à la maison. On l’a déjà vu aller au consulat, dans des restaurants portugais. Il est chez lui.»

Gary De Jesus nous donne aussi son opinion sur le sujet. «Le PSG est l’un des plus grands clubs du monde et je ne pense pas qu’il le regrettera. Il pourrait juste se rendre compte que pour jouer davantage, il a besoin d’un autre club», admet le journaliste d’A Bola. «À la base, j’aurais dit oui, c’est un bon choix pour lui. Le PSG manquait cruellement d’un numéro 9, de quelqu’un qui fixe les défenses pour créer les espaces pour ses ailiers et que Mbappé puisse en profiter. On se rappelle de l’histoire du "pivot gang" l’année dernière. Pour moi, c’était une bonne idée. Ramos était l’attaquant, le bon soldat, qui allait faire le sale boulot pour que les autres brillent. C’est incompréhensible ce qu’il se passe. À la base, c’était un bon choix, mais vu ce qu’il se passe, je ne peux pas dire que c’est un bon choix pour lui. Mais je pense qu’il peut rebondir n’importe où.»

Une mauvaise nouvelle avant l’Euro 2024

Il continue : «C’est dur de dire que c’est un bon choix parce qu’il ne joue pas. On aura peut-être des explications, peut-être qu’il n’est pas bien et que finalement c’est trop tôt pour dire que c’est un bon ou un mauvais choix. Si Luis Enrique ne veut pas de lui, qu’il le dise. On connaît le marché des n°9 en Europe. On sait que beaucoup de clubs recherchent un 9 compétent et Ramos pourrait en ravir plus d’un. Ça, c’est une certitude.» Mais nous n’en sommes pas encore là. Gonçalo Ramos a peut-être encore besoin d’un temps d’adaptation. Luis Enrique doit aussi trouver la meilleure façon de l’utiliser. Ce qui est sûr, c’est que le joueur ne connaît pas les mêmes problèmes en sélection où il a su répondre aux attentes très rapidement. Malgré tout, sa situation en club peut impacter sa situation avec le Portugal à quelques encablures de l’Euro 2024.

Gary De Jesus ne le croit pas. «Je pense qu’il ne débutera pas en tant que titulaire en raison de la présence de Cristiano Ronaldo et le fait que Martinez compte sur lui. Mais il fera partie de la rotation avec CR7, étant donné qu’il commence à se faire vieux. Je ne pense pas que ça change beaucoup de choses pour le sélectionneur le fait qu’il joue peu, car il n’y en a pas d’autres 9. Sa chance est que le Portugal a beaucoup d’ailiers, mais en pointe, il n’y a pas beaucoup de solutions ou les joueurs sont dans une mauvaise posture comme André Silva. Je ne le vois pas rater l’Euro par rapport à son faible temps de jeu au PSG. Par contre, je ne le vois pas du tout se battre avec Cristiano Ronaldo pour la titularisation. Le fait qu’il ne joue pas au PSG lui donne moins de force pour essayer de pousser CR7 sur le banc comme il l’a fait l’an dernier quand il était en train d’exploser avec Benfica.»

La presse portugaise en parle peu

Idem pour Marco Martins. «Il n’est aucunement en danger pour l’Euro 2024 parce qu’il n’y a pas d’autres n°9 du niveau de Gonçalo. Donc il sera là s’il n’est pas blessé. Il n’y pas d’autres 9 de sa qualité ou qui soient bien cotés, ou qui réussissent aussi bien que Ramos. Donc pas de soucis pour lui en sélection. Quand il vient, il marque. Et si ce n’est pas le cas, il aide à donner des buts à CR7 ou d’autres. S’il ne joue pas, on comprend parce qu’il y a Cristiano Ronaldo. Dans un schéma avec Leão et João Félix, celui qui prend la surface c’est Cristiano. Mais il peut y avoir un autre schéma avec Cristiano et Gonçalo et on densifie le milieu avec Leão, qui peut jouer à ce poste, Bruno Fernandes et Bernardo Silva. Il y a plusieurs schémas où il peut s’intégrer. Donc pas d’inquiétude pour lui.»

Nélson Marques Feiteirona n’est pas de cet avis : «je pense que oui, mais le contexte de l’équipe nationale est différent. Prenons l’exemple de João Félix.» Ce dernier avait été titulaire en sélection lors du Mondial au Qatar alors qu’il était placardisé à l’Atlético de Madrid. De quoi donner de l’espoir à Gonçalo Ramos, qui a encore quelques mois pour retrouver du temps de jeu régulièrement et montrer ses qualités. Au Portugal, les médias évoquent encore assez peu sa situation au PSG nous explique Marco Martins. «On n’en parle pas beaucoup au Portugal. On en parle quand il marque car c’est le joueur qui marque dans l’équipe de Mbappé, au PSG, où il y a Danilo, Vitinha, où Neymar et Messi mais aussi Pauleta sont passés…Le PSG au Portugal jouit d’une bonne cote. Pour Ramos, on en parle vraiment quand il marque et que c’est lui qui aide l’équipe du PSG. Quand il ne marque pas ou ne joue pas, on n’en parle pas. On donne juste le résultat. Mais globalement, il n’y a pas d’inquiétude dans la presse.» Parti pour passer un cap dans sa carrière, Gonçalo Ramos espère que son union avec Paris connaîtra des jours plus heureux en 2024.

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