Le préparateur mental de Raphaël Varane dévoile les secrets des champions

À l’occasion de la sortie de son nouveau livre "Les 10 secrets du mental des champions", Anthony Mette, préparateur mental du tout frais retraité Raphaël Varane, a répondu à nos questions. L’occasion d’explorer les rouages de ces méthodes de plus en plus utilisées chez les sportifs de haut niveau.

Par Jordan Pardon
5 min.
Anthony Mette, le préparateur mental de Raphaël Varane @Maxppp

31 ans, «c’est tôt pour arrêter» diront certains, quand d’autres loueront la longévité d’un joueur lancé chez les pros à 17 ans, gêné par un genou récalcitrant, mais qui aura accompli des miracles en clopin-clopant encore plusieurs saisons. Sans un mental à fer forgé, Raphaël Varane aurait certainement dit stop plus tôt, mais ce choix d’arrêter après une dernière blessure au genou alors qu’il venait de rejoindre Côme, traduit une forme de courage, d’acceptation de la réalité, et une certaine présence d’esprit, car chez le champion du monde 2018, tout est très câblé. C’est ce que nous explique d’ailleurs Anthony Mette, préparateur mental de l’ex-Madrilène, auteur du livre «Les 10 secrets du mental des champions» (lien de la boutique ici) qui sort ce mercredi, et dont la préface est écrite… par Varane.

La suite après cette publicité

«Si j’ai senti qu’il était fait d’un métal particulier ? Totalement, explique-t-il. Sur le plan mental, il était monstrueux, et c’est en partie ce qui l’a fait percer si vite. Ses coachs l’avaient repéré très tôt. Ce qu’il y a de fascinant chez lui, c’est qu’il est quand même très discret socialement, parle doucement, s’expose très rarement dans les médias, est introverti… Sa parole est assez rare, mais quand il la prend, c’est réfléchi. Et surtout, ce qui marque, c’est sa capacité de travail et de remise en question.» Cette recherche constante de progression, Anthony Mette l’a d’ailleurs identifiée comme une qualité génétique et intrinsèque à tous les champions, comme il l’explique dans son dernier bouquin.

Les champions, des êtres «extraordinaires»

Conseiller de footballeurs, rugbymans, tennismans, et même sportifs automobiles, ce docteur en psychologie évoque aussi les failles chez ces individus presque irrationnels : les champions sont des êtres extraordinaires, mais pas vraiment équilibrés sur le plan psychologique, note-t-il. Ils ont des compétences très fortes, mais aussi très faibles, comme les artistes. En fait, ils n’ont pas une stabilité et une assise comme auront souvent des entrepreneurs, des grands patrons… De facto, ils ont des périodes de «down» dans leur carrière, et c’est inévitable. Généralement, ce vague à l’âme se repère assez vite puisqu’il intervient lors de moments de bascule : lors d’une naissance, d’un conflit personnel tel qu’un divorce, d’une mise à l’écart par le coach, mais aussi lorsque leur corps ne répond plus comme avant et qu’ils sont mis devant le fait accompli.

La suite après cette publicité

Car non, les sommes d’argent vertigineuses touchées par les sportifs, en l’espèce les footballeurs, ne les exonèrent pas de moments de blues. Et même parfois de baisse d’estime personnelle, comme l’explique Anthony Mette. «L’un des paradoxes chez ces champions sur le plan psychologique, c’est qu’ils ont, certes, une confiance en eux très forte, mais ce sont des joueurs qui ne s’aiment pas forcément. Certains joueurs très connus que j’ai suivis, étaient dingues parce qu’ils avaient une estime d’eux très faible, du fait de leur enfance, de leur éducation, de leur parcours de vie… Mais sur le terrain, ils étaient monstrueux.» Un niveau de performance atteint par cette émulation constante, et qui est justement évoquée par Anthony Mette dans son nouveau projet «Les 10 secrets du mental des champions». Il y aborde les séances de méditation, la pratique de l’imagerie mentale, l’auto-hypnose devant le miroir, et un tas d’autres exercices appréciés des footballeurs.

La préparation mentale, ou l’optimisation de la performance

Mais concrètement, qu’apporte cette préparation mentale, longtemps méprisée par les clubs et même les sportifs ? «En termes d’efficacité, ça va apporter plus de concentration, une meilleure gestion du stress, et une motivation beaucoup plus posée, équilibrée, expose Anthony Mette. Ca, ce sont des résultats immédiats. Et sur le long-terme, ça va apporter au sportif de la stabilité, une meilleure anticipation et préparation des saisons, une meilleure récupération physique et émotionnelle.» À l’image d’un sherpa (représentant personnel ndlr) pour un homme politique, ou d’un conseiller pour un grand patron, la mission du préparateur mental réside en sa capacité d’assurer un équilibre personnel et psychologique à son sportif.

La suite après cette publicité

Ces derniers mois, la nouvelle recrue marseillaise, Lilian Brassier, évoquait l’apport considérable de ce changement chez lui : «Le déclic, ça été la rencontre avec Thomas Sammut, le préparateur mental (de Brest), qui m’a beaucoup aidé. Ça m’a apporté de la stabilité, de la confiance. Tu te poses moins de questions, tu vas à l’essentiel, résumait-il. Je vais dire la vérité, je ne pensais pas en avoir besoin, j’étais même sceptique. Il y a tellement de choses en rapport avec le foot que tu ne t’imaginais pas, qui peuvent te mettre dans le confort sur le terrain et à l’entraînement», expliquait-il.

La santé mentale, un sujet qui tend à se «détaboutiser» dans les clubs

Souvent, préparation mentale rime avec santé mentale. Mais dans l’esprit collectif, les connotations sont différentes : «chez les clubs et les sportifs, travailler mentalement a longtemps été perçu comme un signe de «faiblesse», explique Anthony Mette. «On a dû changer les termes et parler de «préparation mentale», et non plus de «psychologie». On essaie d’avoir l’approche la plus conciliante et axée sur la performance, même s’il y a toujours en fond la question de la santé et du bien-être des sportifs.» Aujourd’hui, pour prendre l’exemple du football, il est de plus en plus fréquent de voir les clubs proposer un soutien psychologique en interne.

La suite après cette publicité

«En France, il y a un basculement, mais il est assez lent, observe Anthony Mette. J’ai 40 ans, j’ai fait mes études en Allemagne et en 2006, lors du Mondial de foot, la question de la santé mentale était déjà là. Avant la Coupe du monde 2010, le gardien de l’Allemagne, Robert Enke, s’était suicidé, et la fédération avait commencé à imposer à chaque club un psychologue par club.» Si aujourd’hui, de plus en plus de clubs français s’équipent en cellules psychologiques, les méthodes utilisées s’apparentent davantage à de la prévention, qu’à un réel suivi. Logistiquement, ce ne serait tout simplement pas possible pour un psychologue d’accompagner 25 à 30 joueurs de façon personnalisée. Mais au moins, les cris du cœur de nombreux sportifs tels que Naomi Osaka, Ysaora Thibus, ou encore Neymar, ont eu le mérite de faire bouger les lignes.

La suite après cette publicité

En savoir plus sur

La suite après cette publicité
Copié dans le presse-papier