Management, tactique : que doit attendre l’OM de Roberto De Zerbi ?

Par Valentin Feuillette
7 min.
Roberto De Zerbi @Maxppp

Après l’annonce d’un accord officiel avec l’OM, le génie tactique italien Roberto De Zerbi débarque avec une philosophie de jeu moderne, offensif et divertissant qui a déjà fait saliver tous les supporters italiens et anglais. Présentation et décryptage.

C’est une véritable bombe qui s’est abattue sur l’actualité footballistique à la veille du début de l’Euro 2024 en Allemagne. Toujours à la recherche d’un entraîneur, l’Olympique de Marseille a surpris son monde en parvenant à attirer dans ses rangs l’entraîneur italien, Roberto De Zerbi (45 ans). En effet, le natif de Brescia est officiellement tombé d’accord avec le club marseillais. Un véritable tour de magie réalisé par le duo Pablo Longoria - Medhi Benatia qui a bouclé cette arrivée extraordinaire en 48 heures. Alors que Sérgio Conceição était pressenti depuis plusieurs semaines, c’est finalement De Zerbi, pourtant sur les tablettes de l’AC Milan, de Manchester United, de Liverpool, du FC Barcelone, de Chelsea ou encore du Bayern Munich, qui pose ses bagages sur la Canebière. Jeune coach et moderne réputé comme étant un fin tacticien, RDZ est l’un des entraîneurs les plus convoités dans cette grande valse des bancs. Sans qualification à une compétition européenne la saison prochaine, les Phocéens ont réalisé l’impossible en trouvant un accord avec Roberto De Zerbi qui avait pourtant refusé de grosses écuries en raison de prétentions salariales élevées et de compensations à payer à Brighton.

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Né à Brescia, dans le nord de l’Italie, Roberto De Zerbi a débuté sa carrière de joueur, à une heure et demie à l’ouest de sa ville natale, avec l’AC Milan. En fin de compte, il n’a pas réussi à percer sous le maillot des Rossoneri, étant prêté aux clubs de ligue inférieure tels que Monza, Padova et Avellino avant de rejoindre la Salernitana en 2001. Il a ensuite joué à Foggia, Arezzo, Catania et Napoli, avec qui il a fait ses débuts en Serie A. Milieu offensif, il a terminé sa carrière au CFR Cluj en Roumanie avant de revenir en Italie en 2013 pour un dernier passage à Trente. Au total, il a disputé près de 300 matches de championnat en tant que joueur avant de se reconvertir en jeune tacticien hors pair. Débutant sur le banc de l’US Darfo Boario en Serie D, Roberto De Zerbi a ensuite dirigé Foggia en Serie C, ratant la promotion aux barrages. Ses débuts en Serie A se font avec Palerme en 2016. Il n’a tenu que 12 semaines, soit plus longtemps que son successeur Eugenio Corini qui a démissionné après 56 jours. Puis il a rejoint le promu Benevento en octobre 2017 qui réalisait un terrible début de saison dans l’élite. Malgré un très solide style de jeu applaudi en Italie, il n’a pu éviter la relégation. Vient ensuite sa fameuse expérience à Sassuolo qui a duré trois saisons au cours desquelles les Neroverdi produisaient l’un des plus beaux jeux d’Italie, terminant à deux reprises 8ème au classement de Serie A. Et enfin l’épopée ukrainienne avec le Shakhtar Donestk et l’aventure anglaise à Brighton.

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Une tactique axée sur l’attaque

Malgré sa réputation, Roberto De Zerbi a toujours rejeté l’idée d’être un philosophe du jeu, avouant mélanger ses propres idées avec celles des entraîneurs qui l’inspirent, notamment Pep Guardiola et Marcelo Bielsa. Il est ainsi surtout connu pour un style de jeu offensif, quelle que soit l’opposition, ce qui demande une grande capacité d’adaptation et d’anticipation à ses joueurs. Ses équipes cherchent à jouer vite depuis l’arrière lorsque ses adversaires exercent un pressing haut. Mais ses joueurs sont plus posés et calmes en possession du ballon lorsqu’ils affrontent un bloc bas. Son objectif tactique est axé sur la recherche constante des espaces. Pour faire progresser le ballon, Roberto De Zerbi vise à créer des situations en supériorité numérique de 3 contre 2 et 2 contre 1. L’autre élément important dans le plan de jeu du tacticien italien est de contrôler le rythme du jeu : «Je dis toujours à mes joueurs de se rappeler de leur enfance, jouant sur des terrains de terre et de poussière, où le plaisir venait simplement de posséder le ballon. Cette joie doit perdurer, même au niveau professionnel. Il s’agit de contrôler le jeu, de progresser balle au pied. Peu importe si on perd parfois, tant que l’on ne renonce jamais à la beauté du jeu. Je ne critique jamais un joueur pour avoir échoué à faire ce que je lui ai demandé d’essayer. Ce qui m’irrite, c’est lorsqu’il échoue puis se dérobe à ses responsabilités», avait précisé l’entraîneur italien au sujet de sa méthode tactique. Ses équipes sont passées maîtres dans l’art de changer le tempo avec quelques passes rapides pour casser les lignes après une longue séquence de possession. Dans ces situations, les défenseurs centraux jouent un rôle prépondérant en restant immobiles avec le ballon pour écarter le jeu et jouer sur plusieurs zones.

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Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si son équipe de Sassuolo a enregistré le taux de possession le plus élevé de Serie A en 2020/21 – lorsqu’elle a raté la qualification pour la Ligue Europa Conférence uniquement à la différence de buts – et la 3ème en 2019/20. Lors de la saison 2021/22 perturbée par la Guerre en Ukraine, le Shakhtar Donetsk de De Zerbi s’était également imposé en termes de possession du ballon. Il a utilisé une structure 4-2-3-1 lors de ses dernières expériences, à l’exception d’un 4-3-3 au début de la campagne 2019, peu de temps après avoir pris ses fonctions à Sassuolo. Le double pivot est une autre clef de sa préparation. Que ce soit sur les coups de pied arrêtés ou dans le jeu ouvert, Roberto De Zerbi place un double pivot en profondeur pour tenter d’attirer l’opposition en haut du terrain. Son équipe cherche alors à jouer court, encourageant davantage l’opposition à presser, avant de faire circuler le ballon autour de l’extérieur et cherchant généralement à trouver les arrières latéraux qui serrent les lignes de touche. Le gardien de but agit comme un troisième défenseur central pendant cette construction, permettant aux arrières latéraux de monter encore plus haut. Une fois que le ballon arrive sur les ailes, il est ensuite renvoyé vers l’avant-centre ou le numéro 10 dans l’axe, dont l’un sera venu vers le ballon. La position profonde occupée par le double pivot crée un espace au centre du terrain pour que l’avant-centre ou le 10 puisse recevoir le cuir.

L’accent sur le pressing défensif

Les équipes de Roberto De Zerbi attachent beaucoup d’importance à être agressif sans le ballon. Le positionnement central de nombreux joueurs, créant un avantage numérique au milieu de terrain, place de bonnes conditions dans les transitions défensives. Avoir de nombreux joueurs proches du ballon après avoir perdu la possession signifie que plusieurs joueurs peuvent s’efforcer de reprendre la possession rapidement. L’entraîneur italien demande souvent à ses joueurs d’adopter une posture défensive d’homme à homme pour faire pression vigoureusement sur l’opposition. Néanmoins, la plus grosse faiblesse de sa structure défensive est les risques pris sur plusieurs séquences, étant parfois très ouverts sur les contre-attaques adverses. Roberto De Zerbi aime avoir beaucoup de joueurs dans des positions centrales et offensives, ce qui aide ses équipes dans le contre-pressing. S’ils ne reprennent pas la possession lors de cette phase de transition, ils ouvrent souvent des opportunités de contre-attaques dangereuses. Bien qu’ils encouragent leurs équipes à défendre avec une presse agressive et intense, ses équipes concèdent ainsi beaucoup trop d’occasions.

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En 2019/20, Sassuolo avait le septième pire bilan défensif de Serie A malgré sa huitième place au classement, encaissant également le plus de buts de la tête de toute la ligue. Son football offensif rapporte des buts, mais cela entraîne trop d’occasions de l’autre côté du terrain. Les adversaires ont souvent réussi à avancer dans de larges zones, attaquant les espaces laissés par les latéraux qui étaient montés pour presser haut. Le génie tactique de Roberto De Zerbi n’est plus à prouver : il produit un football attractif, offensif et efficace, mais qui peut s’avérer très énergivore, méticuleux et complexe à assimiler. Nul doute que Pablo Longoria et Medhi Benatia devront lui donner des profils capables de travailler sur le long terme pour comprendre et performer dans un dispositif rigoureux et inflexible. À noter que le tacticien italien sait rentabiliser et maximiser le potentiel de ses joueurs. Des jeunes à développer comme Manuel Locatelli, Jérémie Boga, Giacomo Raspadori, Pervis Estupiñán, Moisés Caicedo ou encore Evan Ferguson, mais aussi des vétérans en quête de second souffle tels que Francesco Caputo, Gian Marco Ferrari, Giangiacomo Magnani, Danny Welbeck, James Milner et Pascal Groß peuvent en témoigner. Marseille a gagné un tacticien incroyable, mais à qui il faudra donner les armes pour déployer sa partition.

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