Igor Lolo : « Nenê c’était costaud, Yaya Touré le plus fort »
Ancien international ivoirien (19 sélections), Igor Lolo, 37 ans et aujourd'hui retraité, s'est confié pour Foot Mercato sur son parcours riche en rencontres et en voyages. D'Abidjan à Rostov, en passant par Monaco, Krasnodar ou Donetsk, le latéral droit se souvient, entre anecdotes et souvenirs, sans oublier de nous toucher quelques mots de ses projets de reconversion. Entretien.
Foot Mercato : Igor, vous avez pris votre retraite en 2017. Que devenez-vous ?
Igor Lolo : après le foot, j'ai d'abord voulu me reposer et m'éloigner un peu de ça pour prendre du temps en famille. Mais je n'ai pas vraiment pu. Tu es sollicité en permanence.
FM : vous préparez donc une reconversion dans le milieu du football ?
IL : je vais intégrer le staff d’un club en Roumanie (Pandurii). On va voir. C'est un nouveau challenge. Très intéressant. C'est une autre partie de ma vie qui commence. Ce sera très enrichissant. On va essayer de se frotter à ça pour savoir comment cela se passe de l'autre côté. Je vais essayer d’apporter mon sérieux et mon expérience pour essayer de faire grandir cette équipe, c'est un challenge excitant. C'est bien pour démarrer.
FM : quels souvenirs gardez-vous de votre formation à l’ASEC sous les ordres de Jean-Marc Guillou ?
IL : il n'y avait pas meilleure formation. Un groupe presque parfait. On ne pensait que football. On se levait avec le sourire pour travailler. L'Académie nous a permis d'être grands dans le foot et même après. Kolo Touré, Didier Zokora, Arouna Dindane, Marco Né, Gilles Yapi Yapo, Siaka Tiéné et tant d’autres. On se rendait compte qu'on pouvait être l'avenir du foot ivoirien. On se voyait déjà en Europe, professionnels. Il fallait que des clubs viennent.
FM : le tremplin se fait finalement vers la Belgique, à Beveren, à l’hiver 2004.
IL : le coach Jean-Marc s'est servi de Beveren comme d'un tremplin pour pas mal d'entre nous. C'était un petit club, mais on s'amusait beaucoup, on ne se prenait pas la tête. On ne nous demandait pas des résultats même si nous on avait cette rigueur, cette gagne vu notre expérience de la Ligue des Champions africaine. Nous avions quand même atteint la finale de Coupe de Belgique, perdue contre Bruges.
FM : vous ne restez finalement que quelques mois et vous filez au Metalurg Donetsk, rejoindre Yaya Touré, dès l’été.
IL : Yaya est parti là-bas trois mois après mon arrivée à Beveren. Je l'ai retrouvé en Ukraine. J'ai signé mon premier gros contrat là-bas. Mais je regrette avec le recul. C'était une mauvaise expérience. Je me suis peut-être trop précipité. Si j'étais resté un an de plus à Beveren, j'aurais pu me retrouver directement en Ligue 1 ou dans un club huppé en Belgique. Je pense que ça m'a un peu retardé. La vie là-bas était agréable, mais, sportivement, je pense que ça m'a fait perdre deux ans.
FM : vous revenez en Belgique au bout d’une saison, au Germinal Beerschot Anvers. Après deux exercices pleins, vous signez à Genk où vous confirmez votre statut de valeur sûre du championnat belge. Puis, à l’été 2008, alors que vous devez vous engager avec l’AS Monaco, l’opération tombe à l’eau. Que s’est-il passé ?
IL : je suis à Monaco. Je viens pour signer mais on me dit que je dois faire un essai. Je trouve ça bizarre pour un international ivoirien qui sort de trois saisons pleines en Belgique. Je l'ai mal pris mais j'ai joué le jeu. Sur le dernier match amical, contre l'AS Roma, le président vient me voir dans les vestiaires pour me dire qu'on signait le contrat le lendemain, à 11h. Moi, je suis super content, d'autant que j'avais fait de bons entraînements, de bons matches. Le lendemain arrive, l'heure passe, j'appelle mon agent pour en savoir plus. Il me dit d'attendre, me parle d'un petit souci. J'ai su finalement que c'était un problème de sous.
Monaco, un sacrée histoire
FM : vous vous retrouvez donc à nouveau en Ukraine, à Dnipro. Une aventure qui tourne court (2 apparitions seulement).
IL : je ne signe pas à Monaco et je me retrouve à Dnipro en Ukraine. Mon coeur n'est pas là-bas. Je suis arrivé en septembre et j'ai résilié en octobre. Je ne voulais plus jouer, je leur ai dit de rompre mon contrat.
FM : et là, Monaco vous rappelle…
IL : Monaco a vu que j'étais libre. Ils me rappellent. Je signe à l'hiver 2009 avec eux. Une situation un peu bizarre. Ça m'a reboosté, j'ai vite repris le rythme, avec les entraînements.
FM : quel bilan tirez-vous de votre aventure monégasque ?
IL : Monaco, ça reste un très bon souvenir. Mais la fin avec Guy Lacombe s'est très mal passée. Avec Ricardo, ça s'est très bien passé. Lacombe m'a un peu pourri. Sportivement, j'avais ma place. C'était une bataille professionnelle. Il avait sans doute un problème contre moi. Mais je l'obligeais sportivement à me faire jouer. On n'allait pas dîner ensemble (rires). Il a créé des problèmes à d'autres, Gosso, Nkoulou, Haruna... Mais jouer en Ligue 1, c'était un rêve de gamin. On voyait la L1 gamin en Côte d'Ivoire, c'était un objectif. Je me suis retrouvé dans un bon club comme Monaco par la grâce de Dieu et mon potentiel. C’est un championnat très dur. Mais un plaisir avec ces grands joueurs, ces stades. Si tu t'imposes en France, tu peux jouer partout.
FM : avez-vous été marqué par un joueur en particulier sur le Rocher ?
IL : Nenê c'était costaud. On se bagarrait à l'entraînement parfois. C'est le genre de joueur qui aime bien charrier, chambrer mais n'aime pas prendre de coups. Moi, je suis défenseur. Tes chevilles doivent sentir mes crampons. Ça ne lui plaisait pas. Donc on se prenait la tête parfois, mais c’est un bon mec. Techniquement, hors du commun. Il a une patte gauche, il peut mettre le ballon où il veut, c’est impressionnant.
FM : à l’été 2011, vous quittez la Principauté pour rejoindre le Kuban Krasnodar. Comment s’est passée cette étape de votre carrière en Russie ?
IL : c’était le jour et la nuit avec l’Ukraine. La Russie est un championnat de haut niveau, où les clubs et les supporters te donnent envie de jouer. La Ville de Krasnodar est magnifique, j’ai deux Ivoiriens sur place quand j’arrive, Lacina Traoré et Marco Né. Il a fallu s’imposer. Par mon sérieux et mon travail, j’ai su m’imposer dès le départ. Dan Petrescu, l’entraîneur, m’a même nommé capitaine. On a fait une très bonne saison, on termine 6e. L’année suivante, on termine 5e et on se qualifie pour l’Europe. Malheureusement, le club a aujourd’hui chuté et le FK Krasnodar a pris le dessus.
La belle aventure russe
FM : au sortir de votre deuxième saison, vous partez à Rostov.
IL : en fin de saison avec Kuban, je ne joue pas un match. Mon agent devient fou et insulte l’entraîneur. C’est moi qui en fais les frais. Je me retrouve sur la touche pendant deux mois. Alors en fin de saison, je décide de partir, je vais à Rostov. Pour ma première saison, on finit 7e et on remporte la Coupe de Russie contre le FK Krasnodar. La deuxième saison est un peu plus difficile, on termine tout de même dans les 10 premiers. Mon contrat se termine et je me blesse à deux mois de la fin de la saison. J’ai joué les deux derniers matches, mais je savais que c’était fini.
FM : avez-vous été confronté à des problèmes de racisme durant vos quatre saisons en Russie ?
IL : je n’ai jamais connu de problème de racisme là-bas. Après, dans certaines villes, où ils n’ont jamais vu de noirs, peut-être que ça arrive. Mais moi je n’ai jamais été touché. Au Spartak, les supporters font exprès de crier, c’est juste pour déstabiliser l’adversaire. Sinon, la vie est magnifique, tout s’est bien passé. Les villes étaient superbes, les stades aussi puisque la Coupe du Monde 2018 était en préparation. La vie est vraiment très agréable.
FM : on entend parfois parler d’affaires suspectes en Russie. Avez-vous une anecdote à nous raconter à ce sujet ?
IL : je n’ai pas souvenirs d’affaires louches. Je me souviens juste, qu’une fois, lorsque je jouais à Kuban, on devait jouer contre le Dinamo Moscou. Il y avait une réunion de joueurs à l’entraînement, je comprends que l’on devait cotiser, 500€ par joueur. J’ai demandé au traducteur pourquoi, on m’a répondu que c’était pour que le match se passe bien. Je n’ai pas très bien compris mais on m’a dit de ne pas insister. Evidemment, on a gagné ce match (1-0). Mais je ne sais pas où est parti l’argent... Une autre fois, on jouait contre le Lokomotiv. S’il nous battait, le Zenit passait 3e. Le Zenit a appelé notre président pour nous offrir une prime de 5 000$ par joueur pour nous motiver à battre le Lokomotiv. On avait gagné 1-0. On avait touché deux primes, celle du club et celle du Zenit ! C’était courant en fin de saison lorsque les places européennes se décidaient.
FM : une fois votre parenthèse russe terminée, vous revenez en Belgique, à Westerlo. Un retour qui marque progressivement la fin de votre carrière, en 2016/17.
IL : quand j’arrive à Westerlo, je ne suis pas remis complètement. Je reviens petit à petit en forme aux entraînements. Pour reprendre le rythme, je joue avec la réserve, et là, je me tords le même genou, mon adversaire me tombe dessus et le genou tourne. Le ménisque était touché gravement. Je passe trois mois sur la touche. Je ne reviens pas à mon meilleur niveau. Je termine tout doucement pour résilier, c’est comme ça que j’ai arrêté ma carrière. J’aurais pu continuer 2-3 ans sans cette blessure.
La fin et les Éléphants
FM : vous décidez donc d’arrêter.
IL : c’était difficile, mais je ne pouvais pas faire autrement. Malgré la rééducation, j’avais mal, je souffrais à chaque fois. Je suis revenu mais je sentais toujours la douleur, je jouais à 50% alors que le club avait besoin de moi. Je voyais mes concurrents et je me disais « putain, je n’arrive pas à faire mieux que lui » alors qu’il était nul, mais j’étais trop limité physiquement. J’ai toujours un peu mal aujourd’hui, je n’ai plus d’appuis.
FM : la sélection de Côte d’Ivoire a aussi traversé votre carrière. Quel souvenir gardez-vous de ces belles années avec les Eléphants ?
IL : ce groupe était magnifique, tous ces cracks, Didier Drogba, Yaya, Kolo Touré, Kader Keita, Didier Zokora, Emmanuel Eboué, Salomon Kalou, Gervinho, Copa Barry, Cheick Tioté, Seydou Doumbia, Max Gradel. Il y avait trop de bons joueurs. On ne faisait que rigoler. A l’entraînement, c’était sérieux. En match, deux fois plus encore. Tu sens que les mecs se transforment quand les matches arrivent. Eboué nous permettait de nous décontracter. Il était magnifique. Si tu l’as dans ton groupe, tu seras toujours épanoui, il met l’ambiance dans le vestiaire, il fait tout pour détendre l’atmosphère. C’est un bon mec, un bonheur dans un groupe.
FM : un joueur vous a-t-il spécialement marqué en sélection ?
IL : il y avait beaucoup de joueurs incroyables, vraiment très talentueux. Tout le monde était fort. Il y avait des gros talents. Mais comme je l’ai toujours dit, Yaya quand tu le voyais jouer, tu prenais du plaisir. Tu as l’impression qu’avec son corps il ne peut pas faire certaines choses, mais attention, c’est un faux lent. Il était très fort. A Barcelone, il y avait du monde, mais il arrivait à se démarquer. Mais quand il arrive à City, il démontre à tout le monde qu’il est un joueur exceptionnel, il marque des buts magnifiques, pose le ballon quand il veut, alors que toute l’équipe s’appuie sur lui. Niveau foot, il est très fort, très intelligent.
FM : quel est votre pire souvenir avec l’équipe nationale ?
IL : j’ai joué les CAN 2012 et 2013, mais j’ai raté les Coupe du Monde 2010 et 2014. J’avais commencé en sélection en 2007. Je jouais pas mal de matches, je participais aux éliminatoires. Ça s’est compliqué en 2010, parce que je ne jouais plus beaucoup avec Monaco. Vu la concurrence en sélection, c’est vite devenu difficile. J’ai retrouvé l’équipe en 2009, c’était super. Guy Lacombe m’a pourri la vie à ce moment-là. Avec Guy Demel à Hambourg et Eboué à Arsenal, il fallait être titulaire pour être pris. Pour le Mondial 2014, avec Sabri Lamouchi, je fais des matches, ça se passe très bien. On fait la CAN 2013 ensemble. Puis, je me blesse et je manque un rassemblement. On ne me prend pas pour le match suivant non plus alors que j’étais remis. Finalement, je n’ai pas fait partie des 25 pour la préparation à la CAN. Je l’apprécie beaucoup, c’est un très bon entraîneur, mais d’un coup, il ne m’appelle plus. Je n’ai pas jugé bon de le blâmer. Je pense que la décision ne vient pas forcément de lui. C’est mon pire moment. Je rêvais de jouer une Coupe du Monde.
FM : quel regard portez-vous sur l’actuelle sélection ?
IL : il y a beaucoup de binationaux. Chacun vient un peu jouer sa partition. L’équipe nationale a besoin de plus de travail. Il faut trouver des très très bons éléments encore. La relève va arriver petit à petit, j’en suis convaincu.
En savoir plus sur