Utilisé pour la première fois par Didier Deschamps lors du dernier match de l’équipe de France contre l’Albanie (2-0), le 3-5-2 devrait être de nouveau adopté contre la Suède et/ou la Croatie comme l’a indiqué le sélectionneur des Bleus. Quelle est la force de ce dispositif, qui favorise-t-il et est-il vraiment idoine pour l’équipe de France ? La réponse.
« Il ne s’agissait pas juste d’un one-shot. C’est une organisation de jeu (le 3-5-2) à laquelle je songeais depuis un moment déjà et je vous confirme qu’on va la revoir. Très vite, même. » Dans France Football, Didier Deschamps a été clair sur ses intentions d’installer de manière viable le 3-5-2 ou plus précisément le 3-4-1-2 compte tenu du positionnement d’Antoine Griezmann dans ce dispositif.
Le sélectionneur des Bleus a donc mis en place ce dispositif lors du dernier match des éliminatoires de l’Euro 2020 (désormais Euro 2021) contre l’Albanie, le 17 novembre 2019. Outre la victoire à Tirana (2-0), ce dispositif avait laissé entrevoir de très belles choses comme la bonne prestation de la défense à 3 composée de Raphaël Varane, Clément Lenglet et Presnel Kimpembe ainsi que le match complet d'Antoine Griezmann en véritable 10 derrière deux attaquants de surface, Olivier Giroud et Wissam Ben Yedder.
L’animation de ce 3-4-1-2 a vraisemblablement plu à Deschamps qui va l’utiliser de nouveau lors des prochains matches. Mais justement, comment bien animer un 3-4-1-2 et quels sont ses avantages et désavantages ?
Les atouts du 3-4-1-2
Le premier avantage du 3-4-1-2, c’est qu’il permet de densifier l’axe de la défense avec l’ajout d’un défenseur central. Sur phase défensive, cette sécurité supplémentaire peut donc permettre à l’un des centraux de sortir plus haut au niveau des milieux de terrain si besoin, puisqu’il sera couvert par deux défenseurs au minimum. Cela peut être particulièrement pertinent contre une équipe qui évolue, elle-même, avec un 10 dans un 3-5-2 ou un 4-3-3. D'ailleurs un 3-5-2 se transforme généralement en 5-3-2 en phase défensive. Ce qui a été le cas pour la France contre l'Albanie.
Avoir un défenseur central supplémentaire permet aussi de prendre un peu plus de risques au milieu de terrain, puisque les pertes de balle seront également mieux compensées et protégées par trois défenseurs centraux.
Un dispositif avec deux pistons permet aussi une occupation idéale de toute la largeur au milieu de terrain, comme nous l’avons déjà vu avec le RB Leipzig ou le Borussia Dortmund précédemment. L’ajout d’un 10 derrière deux attaquants permet également une menace constante devant le but adverse avec une limitation des décrochages des deux attaquants, au contraire du 10 qui peut se déplacer librement sur tout le terrain.
Avec un 10 derrière deux attaquants centraux, les combinaisons à 3 sont particulièrement intéressantes avec, par exemple, un attaquant qui va pouvoir jouer en appui/remise vers le 10, qui sera face au jeu depuis une position haute, tandis que l’autre attaquant peut prendre la profondeur. L’équipe de France possède justement ces trois profils dans son réservoir.
Sur phase défensive, ce dispositif permet une adaptation simple et rapide face à n’importe quel système adverse comme on l'a vu contre des dispositifs avec des 10. Ou les suivants.
Dernier avantage indéniable du 3-5-2, c’est qu’il permet aux défenseurs d’être, dans la majorité des cas, en supériorité numérique lors des sorties de balle depuis le gardien de but.
Cette sortie de balle à 3 en supériorité numérique permet donc à l'équipe de construire le jeu de manière plus maîtrisée, en misant sur des passes courtes, et à 7 joueurs d’être toujours placés haut sur le terrain pour faire progresser le ballon rapidement dans le camp adverse. Et cela sans déstructurer l'équipe en cas de perte de balle. Quand on sait à quel point Didier Deschamps est attaché à la notion d’équilibre, ce choix de faire jouer son équipe dans ce dispositif prend tout son sens puisqu’il coche plusieurs cases.
« Pour moi, ce n’est pas un choix dicté par la volonté d’afficher plus de solidité défensive. Même si cela n’empêche pas d’en avoir davantage… J’y vois surtout un moyen d’offrir d’autres possibilités sur les côtés, une autre animation et un autre équilibre, en mettant Griezmann entre les lignes, derrière deux attaquants dans l’axe », a d’ailleurs précisé le sélectionneur dans France Football. Mais comme tous les dispositifs, le 3-5-2 n’est pas sans faille.
Les failles du 3-4-1-2
La première faille de ce dispositif est structurelle. Comme le 3-4-3, il s’agit d’une formation où seuls deux joueurs occupent véritablement les côtés, les pistons gauche et droit. Ces deux joueurs ont donc énormément de responsabilités et leurs compétences athlétiques, pour pouvoir répéter les courses offensives et défensives, ainsi que tactiques sont essentielles pour toujours équilibrer l’équipe.
Contre l’Albanie, Benjamin Mendy avait éprouvé des difficultés à bien couvrir l’espace dans son dos, que ce soit sur défense placée ou après une transition rapide attaque/défense. Heureusement, Presnel Kimpembe, l’axial gauche, a souvent bien colmaté ces brèches comme Corentin Tolisso. D’où l’importance d’un bonne maîtrise tactique de la part de l’intégralité des joueurs sur le terrain pour compenser les erreurs ou retards des partenaires.
Face à un 4-4-2 ou à un 4-3-3 ou à un 4-5-1, les pistons se retrouvent également forcément en infériorité numérique sur les flancs. En finale de la Ligue Europa, le FC Séville avait su profiter de cette faille grâce au dédoublement de Jesus Navas sur le côté droit pour égaliser contre l'Inter Milan d'Antonio Conte, qui évolue en 3-5-2.
En phase offensive, ce manque de présence à l’aile peut aussi être une faiblesse puisque le piston peut facilement être contrôlé par deux joueurs et manquer de solution. Contre l’Albanie, pour pallier ce problème, Antoine Griezmann a souvent décroché à droite pour prêter main forte à Léo Dubois et perturber la défense albanaise.
Pour revenir à la défense, ce dispositif demande une coordination parfaite des trois défenseurs centraux, ce qui nécessite généralement un certain temps d’adaptation. La charnière Varane-Lenglet-Kimpembe a rapidement trouvé ses repères. Ce qui ne fut pas le cas de celle alignée par Raymond Domenech, lors de son premier match à la tête des Bleus en août 2004 contre la Bosnie, dans un dispositif en 3-5-2. Ce soir-là, la mésentente entre l’axial gauche Abidal et l’axial Squillaci avait coûté un but à l’équipe de France.
Une aubaine pour Griezmann, Kimpembe et Upamecano ?
Heureusement pour lui, Didier Deschamps compte dans son réservoir des joueurs qui ont déjà ou qui évoluent régulièrement dans des dispositifs à 3 défenseurs centraux, et qui ont donc déjà des repères dans ce système. Le grand gagnant, si ce dispositif devenait celui de référence du sélectionneur français, c'est Dayot Upamecano. Auteur d’une saison pleine, le jeune défenseur du RB Leipzig a tapé dans l’oeil du grand public lors du quart de finale de Ligue des Champions contre l’Atletico de Madrid, où sa sérénité, ses projections balle aux pieds et sa capacité a remporter la quasi-totalité de ses duels face à Diego Costa ont impressionné.
« Upamecano est rapide, bon dans les duels, très fort athlétiquement, il évolue dans l’axe dans une défense à trois, mais il peut aussi jouer à quatre, et il n’a pas non plus de problèmes avec le ballon, même si parfois il prend un peu trop de risques », a d'ailleurs confié Didier Deschamps dans France Football. Un des autres gagnants de ce dispositif, c’est Presnel Kimpembe. Devancé par Samuel Umtiti puis par Clément Lenglet dans la hiérarchie des défenseurs centraux gauche dans une défense à 4, le Parisien semble être l’axial gauche idéal dans ce 3-5-2 sachant qu’il a déjà évolué à ce poste au PSG.
L’autre grand vainqueur de ce système, c’est Antoine Griezmann. Trimbalé à différentes positions la saison passée au FC Barcelone, Griezmann est mis dans les meilleures dispositions en équipe de France, comme l’a confirmé Deschamps en interview. Son rôle de 10 dans ce dispositif tactique correspond parfaitement à ses qualités de créateur et il l’a d’ailleurs démontré contre l’Albanie en inscrivant un but et en délivrant plusieurs caviars pour ses coéquipiers dont une passe décisive pour Tolisso (sur coup franc).
Léo Dubois, qui évolue déjà dans un 3-5-2 à Lyon et qui a été très bon contre l’Albanie, pourrait aussi en profiter pour gagner une place de titulaire dans ce dispositif puisque Pavard a plutôt évolué dans l’axe dans un 3-5-2 à Stuttgart.
Ce passage à deux attaquants est aussi forcément bénéfique pour les attaquants centraux de l’équipe : Martial, Ben Yedder, Giroud, puisqu'une place supplémentaire leur est accordée. Mbappé et sa capacité à prendre la profondeur devrait cependant être logiquement titulaire dans ce système mais devra confirmer pour le rester. Ce dispositif tactique a donc l’avantage de pouvoir redistribuer les cartes devant tandis que la concurrence sera très rude pour les postes de milieux défensifs/relayeurs derrière Pogba et Kanté, même si Adrien Rabiot, qui aime se projeter vers l'avant, pourrait avoir un avantage face à Camavinga, Tolisso ou même Aouar, qui possèdent également ce profil essentiel dans ce dispositif.
Les ailiers purs, perdants de ce dispositif
Comme on l’a vu précédemment, ce dispositif tactique n’accorde pas de place aux ailiers traditionnels comme Kingsley Coman ou Ousmane Dembélé. Ces deux joueurs pourraient donc payer le prix de ce choix tactique pris par Didier Deschamps, tout comme Kylian Mbappé, s’il ne parvient pas à être performant dans son rôle d’attaquant axial.
En difficulté contre l’Albanie, Benjamin Mendy pourrait payer ses errances défensives au profit d’un Ferland Mendy, auteur d’une très bonne saison au Real Madrid. Comme évoqué précédemment et malgré des prestations solides avec le Bayern Munich, Benjamin Pavard pourrait perdre sa place de titulaire dans ce dispositif puisqu’il évolue dans un entre-deux qui ne lui est pas favorable (derrière Varane dans la hiérarchie des axiaux droit et en concurrence avec un habitué du poste en piston droit). Même constat pour Lucas Hernandez au poste de piston gauche, qui pourrait être devancé par Ferland Mendy et Lucas Digne, qui a l’avantage d’avoir déjà joué piston gauche avec Everton.
Avec son départ en MLS et au vu de la concurrence à son poste, Blaise Matuidi a très peu de chance de postuler à une place de titulaire dans ce dispositif, et même à une place de remplaçant.
Le dispositif idéal contre les “petites” équipes ?
Toujours dans son interview dans le dernier France Football, Didier Deschamps prévenait qu’il n’allait pas uniquement se reposer sur le 3-5-2 lors des prochains matches et qu’il comptait encore sur le 4-4-2. Il a notamment déclaré dans FF: « la vérité d’un match n’est jamais celle du suivant et la demande n’est jamais identique non plus. Ce n’est pas parce qu’un système n’a pas fonctionné qu’il ne peut pas être bon une autre fois. Et si, au contraire, il a fonctionné, on peut encore l’améliorer. Les ajustements sont permanents. (...) Dans l’absolu, tous les systèmes sont bons, je n’en condamne aucun et je ne m’interdis rien. »
Depuis le début du mandat de Didier Deschamps en août 2012, l’équipe de France a souvent connu des difficultés pour proposer un jeu attrayant contre des équipes plus faibles sur le papier. Ce dispositif en 3-5-2 pourrait donc être une solution idéale pour ces matches, grâce à la présence constante de deux attaquants devant le but adverse, d’un 10 capable aussi de marquer beaucoup de buts, de milieux défensifs/relayeurs qui peuvent se projeter vers l’avant tout en y ajoutant une assise défensive, qui rassure en cas de pertes de balle et de contre-attaques adverses.
« Parfois, c’est bien de changer aussi et de surprendre les joueurs pour les maintenir en alerte et bousculer leurs habitudes, surtout si l’intention derrière est d’être plus efficace. Il n’y a rien de pire qu’une équipe qui ronronne et ne se remet pas en question », a conclu Didier Deschamps lors de son interview chez France Football. Il faut donc falloir s’habituer à voir les Bleus évoluer dans plusieurs systèmes et plus régulièrement en 3-5-2, qui semble être une option judicieuse pour permettre à l’équipe de continuer à gagner... et peut-être de mieux jouer.
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