On continue notre série sur les finales légendaires de la Ligue des champions avec la finale inédite de l'édition 2001-2002 qui opposait le Real Madrid au Bayer Leverkusen à Glasgow, avec le chef d'oeuvre de Zinedine Zidane.
Les parcours avant la finale
Depuis la saison 1999/2000, la Ligue des champions réunit 32 équipes. On retrouve désormais les troisièmes et quatrièmes des meilleurs championnats européens à l’indice UEFA dans cette compétition qui présente un nouveau format avec deux phases de groupes avant les quarts de finale.
Lors de la première phase de poules, le Real Madrid, qui a enregistré la venue de Zinedine Zidane lors du mercato de l’été 2001, est confronté à l’AS Rome, au Lokomotiv Moscou et à Anderlecht, et termine première de son groupe avec 13 points en remportant ses 4 premiers matches avant de concéder un nul contre l’AS Rome (1-1) et une défaite à Moscou (0-2). Les Madrilènes rencontrent le Sparta Prague, le FC Porto, et Panathinaikos lors de la deuxième phase de poules et réalisent un parcours quasiment sans faute avec 5 victoires et 1 match nul pour se qualifier en quarts de finale où ils retrouvent le tenant du titre, le Bayern Munich. Lors du match aller, les Merengues s’inclinent (1-2) à Munich en encaissant 2 buts dans les dix dernières minutes. Mais au retour, les joueurs de Vicente Del Bosque renversent la situation en s’imposant (2-0) sur des buts d’Ivan Helguera et Guti. En demies, le Real Madrid croise le fer avec son ennemi juré, le FC Barcelone, et le surprend au Camp Nou avec une victoire (2-0) grâce à des buts de Zidane et McManaman. Au retour, les Madrilènes gèrent leur avance et concèdent un nul (1-1) qui les qualifient pour la finale.
Véritable révélation de la compétition, le Bayer Leverkusen a dû s’employer pour atterrir à Glasgow. Placés dans un groupe relevé avec le FC Barcelone, Fenerbahçe, et l’Olympique Lyonnais, les Allemands font le travail en finissant deuxièmes du groupe derrière le Barça, avec comme faits d’arme une victoire précieuse (1-0) à Lyon et une autre de gala à domicile (2-1) contre les Blaugranas. Lors de la deuxième phase de poules, Leverkusen tombe dans le groupe D avec le Deportivo La Corogne, la Juventus Turin et Arsenal et déjoue les pronostics en finissant premier du groupe avec 10 points grâce à deux grosses victoires finales (3-1) contre la Juventus et le Depor pour décrocher son billet pour les quarts. À ce stade de la compétition, le Bayer Leverkusen doit se défaire de Liverpool du duo d’attaquants Owen-Heskey. Après une défaite (0-1) à Anfield, les hommes de Klaus Toppmöller s’imposent héroïquement (4-2) au retour avec un but décisif du défenseur brésilien Lucio à la 84e minute. En demies, les Allemands affrontent Manchester United et parviennent à se qualifier pour la finale grâce à la règle des buts marqués à l'extérieur puisqu’ils ramènent un nul (2-2) d’Old Trafford avant de concéder un autre nul (1-1) à la Bay Arena grâce à Oliver Neuville, déjà buteur à l’aller. On retrouve donc une affiche inédite entre le Real Madrid et le Bayer Leverkusen pour cette finale de la Ligue des champions 2002, qui a lieu dans le stade d’Hampden Park, l’antre du Celtic Glasgow.
Les plans de jeu
Deux ans après son succès (3-0) au Stade de France contre Valence, Vicente Del Bosque et son Real Madrid retrouvaient la finale de C1 mais avec un effectif différent. Exit Redondo et Anelka, place à Makélélé, Solari, Figo et Zidane. Pour associer ces talents, Del Bosque a concocté un 4-1-3-2 avec Makélélé en protecteur des 3 créateurs Solari, Figo et Zidane. Le maestro français ayant le rôle central et majeur de numéro 10 tandis que Solari et Figo ont fait office de lieutenants. Malgré leur position excentrée sur le papier, les deux joueurs ont eu tendance à se réaxer pour laisser les couloirs aux deux latéraux très offensifs, Salgado et Roberto Carlos. Dans le but, on retrouvait César Sanchez qui a gagné sa place suite à des prestations moyennes du jeune Iker Casillas cette saison-là.
En phase défensive, le Real Madrid a opté pour un bloc médian en 4-3-1-2 avec un replacement de Solari, parfois au niveau de Makélélé, tandis que Zidane évoluait plus haut pour être la cible des contres-attaques et faire la transition entre la défense et les deux attaquants axiaux Morientes et Raul. Ces deux derniers ont d’ailleurs eu la charge d’effectuer un pressing sur les défenseurs du Bayer Leverkusen. Comme la Juventus Turin à l’époque, ce Real Madrid comptait énormément sur la vista et le talent de Zidane pour faire la différence en lui laissant une grande liberté.
Du côté de Klaus Toppmöller, l’entraîneur de Leverkusen, l’équation d’avant-match était plus difficile à résoudre puisqu’il devait se passer de son capitaine et défenseur central Nowotny, blessé (rupture du ligament croisé du genou droit) et de Zé Roberto, suspendu. Pour combler ces absences, Zivkovic a pris place en défense centrale tandis que Brdaric remplaçait numériquement Zé Roberto en milieu gauche dans un dispositif particulier en 4-1-3-1-1. En phase offensive, Carsten Ramelöw évoluait en sentinelle derrière Ballack, le milieu relayeur qui jouait lui-même en soutien de Bastürk, le meneur de jeu de l’équipe tandis qu’Oliver Neuville était le seul attaquant de pointe capable de jouer aussi bien en remise que de prendre la profondeur. Sur les côtés, on retrouvait donc Brdaric à gauche, certes moins technique que Zé Roberto mais capable d’évoluer en deuxième avant-centre, et Bernd Schneider à droite, le troisième meneur de jeu du milieu de terrain avec Ballack et Bastürk, et dont la précision sur coup de pied arrêté était une arme fatale. Ce milieu de terrain très technique, appuyé par la présence du latéral gauche Diego Placente, très à l’aise techniquement, et du latéral droit Sebecen, a mis en difficulté le Real Madrid qui a longtemps couru derrière le ballon.
En phase défensive, le Bayer Leverkusen passait en 4-2-3-1 dans un bloc médian voire bas puisque Neuville n’allait pas presser les sorties de balle madrilènes. L’équipe a défendu dans une zone mixte avec des marquages sur l’homme parfois très stricts puisque Lucio suivait les décrochages bas de Raul et Placente faisait de même avec Figo, quand le Portugais se recentrait sur le terrain. Cette organisation défensive s’est montrée plutôt efficace car le duo Morientes-Raul a eu peu d'opportunités de se mettre en valeur même si Raul n’a eu besoin que d’une seule erreur d’inattention de Lucio pour faire parler la poudre.
Du côté madrilène, il faut absolument souligner le travail de sape de Makélélé au milieu de terrain, indispensable pour combler les brèches et couper chaque opportunité de contre-attaque du Bayer Leverkusen à la source, mais aussi celui de Solari, dont la discipline défensive a permis d’équilibrer l’équipe.
Le film du match
Le début de match est équilibré. Les Allemands ne font pas de complexe et mettent beaucoup d’impact sur les premiers duels tout en mettant le pied sur le ballon mais le Real Madrid parvient quand même à les surprendre. Sur une longue touche de Roberto Carlos, jouée quasiment au niveau de la ligne médiane, Raul file dans la profondeur, dans le dos des défenseurs allemands, et reprend le ballon dans la surface de réparation en une touche du pied gauche. La frappe croisée à ras-de-terre de l’attaquant espagnol finit au fond des filets de Butt et le Real mène déjà 1-0 (8e). Mais le Bayer Leverkusen réagit quasiment dans la foulée. Ballack combine avec Bastürk sur le côté gauche et obtient un coup franc après un tacle rugueux de Makélélé. Bernd Schneider le tire et trouve la tête de Lucio dans les six mètres. La tête du défenseur brésilien ne laisse aucune chance à César et Leverkusen égalise (1-1, 14e). La suite est autant indécise. Sur une ouverture de Lucio de l’extérieur du pied, Roberto Carlos manque son dégagement en retourné acrobatique, ce qui profite à Brdaric qui se présente devant César. Mais l’Allemand pousse trop loin son ballon et son tir à bout portant n’inquiète pas vraiment le portier madrilène qui détourne en corner (22e). Trois minutes plus tard, Zidane décroche plus bas sur le terrain pour se donner plus de temps et donne un ballon parfait en profondeur pour Morientes, qui enchaîne un crochet avec un tir qui finit dans les gants de Butt. Sur un corner joué à ras-de-terre par Schneider, Civkovic hérite miraculeusement du ballon mais sa frappe du gauche est captée par César (27e). À la 38e, Toppmöller effectue déjà un changement avec l'entrée de Berbatov à la place de Brdaric, touché à la cheville quelques instants auparavant. Ce remplacement oblige Neuville à se repositionner en tant que milieu gauche tandis que Berbatov prend la place d'avant-centre.
Après ce changement, le Bayer Leverkusen continue de dominer la possession du ballon sans toutefois se créer des occasions de but. Le Real Madrid n’a, quant à lui, pas besoin de beaucoup d’opportunités pour faire la différence. À la suite d’une combinaison entre Solari et Roberto Carlos sur le côté gauche, le latéral brésilien parvient à effectuer un centre au bout de course avec la pointe de son pied. Le ballon s'envole dans les airs et atterrit à l’entrée de la surface de réparation où se trouve Zidane, laissé étrangement seul. La suite vous la connaissez sûrement déjà. Le maestro français parvient à réaliser une reprise de volée du pied gauche tout simplement parfaite qui transperce les buts de Butt (45e, 2-1). Zidane ne pouvait pas mieux reprendre ce centre lobé et l'exécution de sa reprise de volée est tout simplement un modèle à montrer dans toutes les écoles de football. Le timing, l’équilibre, la rotation sur le tir, le verrouillage du pied, tout est parfait dans la reprise de volée de Zizou. Le Real Madrid regagne les vestiaires avec ce maigre avantage mais le public de Glasgow reste encore ébahi par la volée magistrale de Zidane.
La deuxième période est similaire à la première, Leverkusen domine le ballon mais sans parvenir à approcher le but de César. Dans cette configuration de match, Del Bosque décide de sortir Figo du terrain pour faire entrer McManaman, plus frais et habitué à défendre. Dès la 65e minute, Toppmöller tente le tout pour le tout en faisant entrer l'attaquant de pointe Ulf Kirsten à la place du latéral droit Sebecen. Leverkusen évolue désormais dans 3-5-2 asymétrique avec un rôle hybride pour Schneider, qui doit se replacer dans la ligne de 4 en défense et évoluer plus haut en attaque. Quelques secondes plus tard, César Sanchez se foule la cheville sur une sortie aérienne et doit céder sa place à Casillas (68e) tandis que Flavio Conceiçao remplace Makelélé (72e), averti d'un carton jaune un peu plus tôt.
La fin de match est folle. Le Real Madrid manque de faire le break suite à une percée de McManaman côté droit, qui adresse un centre tendu à ras-de-terre qui surprend Butt et Zivkovic, qui est à deux doigts de marquer contre son camp (80e). Trois minutes plus tard, Ballack tente une incursion dans le cœur du jeu et après un crochet sur Helguera, il parvient à tirer mais sa frappe passe largement à côté des buts de Casillas. Sur un contre, Zidane trouve Solari seul sur son côté gauche, et l'Argentin réussit un grand pont sur Ramelöw avant de tirer dans un angle fermé. Vigilant, Butt repousse de la main gauche le tir croisé de Solari et permet aux siens de conserver un espoir d’égalisation (87e). Sur un coup de franc de Schneider dans les arrêts de jeu, Butt, qui est monté dans la surface adverse, parvient à reprendre le ballon d’une tête piquée mais celle-ci file juste à côté du but de Casillas (90e+3). Quelques instants plus tard, Bastürk élimine magnifiquement Salgado sur le côté gauche puis déclenche une frappe puissante que Casillas détourne magistralement en corner. Sur ce corner de la dernière chance, Zivkovic et Butt se gênent mais le ballon file jusqu’à Berbatov, qui arrive à frapper à bout portant du but en taclant. Mais une nouvelle fois, Casillas est héroïque et sauve les siens d’un sublime réflexe du pied avant une dernière parade sur le corner suivant, toujours face à Berbatov (90e+6). Le Real a eu chaud mais tient le coup jusqu’au coup de sifflet final de l’arbitre suisse Urs Meier. Cette victoire madrilène acquise dans la souffrance est le fruit d’une grande solidarité défensive mais aussi du génie de Raul, de Zidane et de Casillas, héros de la fin du match. Pour le Bayer Leverkusen, cette nouvelle défaite vient solder une saison terrible qui aurait pu être celle d'un triplé historique puisque les coéquipiers de Ballack ont enchaîné une défaite en finale de Coupe d'Allemagne contre Schalke 04, une deuxième place en Bundesliga et une défaite en finale de la Ligue des champions. Ce qui vaudra à cette équipe le sobriquet de Bayer "Neverkusen"...