Éliminatoires Euro

Italie : le débat sur les «Oriundi» divise à nouveau le football italien

Après avoir loupé une nouvelle fois la Coupe du Monde, la sélection italienne, toujours entraînée par Roberto Mancini, entame une petite reconstruction dans l’espoir de capitaliser sur le sacre du dernier Euro. Et toutes les idées semblent les bienvenues comme faire appel à des «Oriundi».

Par Valentin Feuillette
4 min.
Le sélectionneur de l'Italie, Roberto Mancini donne ses consignes @Maxppp

La convocation de Mateo Retegui en Nazionale, argentin naturalisé italien qui n’a jamais joué en Europe, a remis en lumière un éternel débat en Italie : le cas des «Oriundi». Ce terme vient du latin oriundus, dérivé de orior, et pourrait se traduire par «originaire de, provenir de, venir de». En ce sens, on définit, par ce mot, tous les descendants d’émigrés italiens qui, au fil des siècles, se sont expatriés à l’étranger sans jamais revenir en Italie. Aujourd’hui, le nombre d’Oriundi est estimé entre 60 et 80 millions avec une grande diaspora présente en Amérique du Sud, expliquée par les vagues d’émigrations successives ayant eu lieu aux XIXe et XXe siècles quand près de 30 millions d’Italiens ont quitté la Botte pour les deux Amériques. En Argentine, selon les derniers rapports publiés, les Italo-argentins représenteraient environ 47 % de la population totale, soit 19,7 millions. L’Uruguay compte près de 45% d’Oriundi dans son pays, tandis que le Brésil enregistre pas moins de 13% de sa population ayant des origines italiennes.

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Dans l’histoire de la Squadra Azzurra, de nombreux joueurs ont fait partie de cette communauté sud-américaine. Une mouvance dont les premiers artisans ont été le Brésilien Anfilogino Guarisi et les Argentins Raimundo Orsi, Enrique Guaita, Luis Monti et Atilio Demaría, nés en Amérique du Sud mais champions du monde en 1934 avec l’Italie. Pendant plus de 40 ans, aucun Oriundo n’a porté le maillot de la Nazionale suite à l’échec traumatisant à la Coupe du Monde 1966, où la faute a été remise sur l’Argentin Omar Sívori et le Brésilien José Altafini pour expliquer l’élimination en phase de groupe aux côtés de l’URSS, la Corée du Nord et le Chili. Il a fallu attendre les années 2000 avec Mauro Camoranesi (Argentine) puis Thiago Motta (Brésil) pour retrouver des Oriundi en sélection. Plus récemment, lors du sacre européen contre l’Angleterre en 2021, trois Oriundi brésiliens ont fait les beaux jours de la Nazionale avec Emerson Palmieri, Jorginho et Rafael Tolói, tous les trois nés et (pour la plupart) formés au Brésil.

Une question qui dépasse le cadre sportif

Mais un vrai problème se pose en Italie avec la sélection de Mateo Retegui, surtout que ce dernier n’a jamais évolué en Italie. Un grand nombre de tifosi et de journalistes se plaignent qu’amener des talents étrangers - ici sud-américains - entraverait le développement et les chances des jeunes joueurs italiens nés et formés en Italie. Surtout qu’une statistique inquiétante a été révélée dans les colonnes de La Stampa : le temps de jeu des U-21 italiens en Serie A représente qu’1,5% sur le temps global du championnat. Beaucoup de voix se sont donc levées ces derniers jours pour critiquer les absences des jeunes attaquants Lorenzo Lucca, Moise Kean, Sebastiano Esposito, Andrea Pinamonti ou encore Alessio Zerbin. Autre point capital souvent mentionné : la fierté italienne. Dans un pays très attaché à sa sélection nationale, à son championnat et sa culture footballistique, certains voient d’un mauvais œil l’arrivée de joueurs qui n’auraient pas ce sentiment d’appartenance et qui utiliseraient la Nazionale comme un simple plan B de carrière sans attache particulière. Selon un sondage effectué par la Gazzetta dello Sport en 2015, 74% des lecteurs ne souhaitaient pas voir des Oriundi porter le maillot de l’équipe nationale.

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Le légendaire entraîneur Cesare Maldini affirmait, en 2011 sur les ondes de la Radio Incontro : «Je considère qu’appeler des Oriundi, c’est un vrai retour vers le passé. Je suis contre cette utilisation dans notre Nazionale». Et si cette opinion avait été un temps partagée par Arrigo Sacchi ou Roberto Mancini. Ce dernier a totalement modifié sa vision des choses : «Il y a quelques années, j’ai dit que seuls les joueurs nés en Italie devraient jouer pour la Nazionale. Mais ce manque de joueurs n’existait pas encore et le monde a changé. Toutes les sélections nationales européennes ont naturalisé des joueurs. Nous avons des joueurs qui passent par tout le système des équipes jeunes italiennes, puis vont jouer pour une équipe senior d’un autre pays. Maintenant, nous allons faire la même chose. Il est inutile d’en débattre parce qu’aujourd’hui, il y a très peu de joueurs disponibles en Italie. S’il y a la possibilité d’avoir de nouveaux joueurs, nous allons tout faire pour les avoir», a expliqué fermement Roberto Mancini dans l’une des premières conférences de presse de cette trêve internationale, qui se défend après son choix d’avoir appelé Mateo Retegui, buteur face aux Three Lions, pour les deux rencontres contre l’Angleterre (23 mars) et Malte (26 mars) dans le groupe C des Eliminatoires de l’Euro.

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