Actualité froide Ligue des Champions

Qui est le Sheriff Tiraspol, le petit poucet de la Ligue des Champions

Champion du 34e pays au coefficient UEFA et se revendiquant d'une nation qui n'est pas reconnue, à savoir la Transnistrie, le Sheriff Tiraspol est l'anomalie de cette Ligue des Champions 2021/2022. Le club phare de la Divizia Nationala va découvrir la compétition pour la première fois de son histoire après avoir réalisé une campagne de qualification historique.

Par Aurélien Macedo
6 min.

Astana en 2016, Qarabağ en 2018 ou encore Midtjylland en 2021, la Ligue des Champions a toujours su livrer de belles histoires avec ses petits Poucets. Petit dernier en date, le Sheriff Tiraspol est en train d'écrire la plus belle page de son histoire. Fondé en 1997, soit six ans après l'indépendance de la Moldavie, le Sheriff Tiraspol va vite devenir la formation phare de son pays. Depuis son premier sacre en 2001, le club jaune et noir va rafler 19 titres passant seulement à côté de l'édition 2010/2011. Une suprématie totale sur le football moldave pour une équipe qui ne se revendique pas comme tel.

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Une terre russe entre la Moldavie et l'Ukraine

Basé à Tiraspol en pleine Transnistrie, le Sheriff est l'un des meilleurs ambassadeurs de cette région russophone de 4 200 km2 qui a proclamé son indépendance en 1991, mais qui n'est pas reconnue par l'ONU. Disposant de son propre système avec une constitution, une monnaie ou bien un président, le dernier en date depuis 2016, Vadim Krasnoselsky, la Transnistrie a une étiquette assez sombre qui lui est souvent attachée. Région souvent créditée du statut de plaque tournante de la mafia d'Europe de l'Est, elle voit se pratiquer de nombreux trafics (alcool, drogues, armes, sexe ...). D'ailleurs, la Transnistrie est aussi un moyen pour la Russie d'assurer un contrôle diplomatique sur la Moldavie puisqu'elle dispose d'hommes armés sur ce territoire où la population est divisée entre 1/3e de Russes, 1/3e de Moldaves et 1/3e d'Ukrainiens.

Un contexte régional assez singulier pour le Sheriff Tiraspol dont les liens avec le gouvernement de Transnistrie sont toujours très étroits. D'ailleurs, le club appartient à la Holding "Sheriff Company" qui a été créée le 23 juin 1993 par Viktor Gushan et Ilya Kazmaly, deux anciens agents du KGB. Véritable géant économique de la région, ce groupe a une place de choix dans le domaine pétrolier, la grande distribution, les médias et les différents services. Également président du club, Viktor Gushan a un rôle central en Transnistrie et avec la domination du Sheriff sur la scène nationale, il participe au renforcement du "soft power indépendantiste" de la région. Au point de désormais s'afficher aux yeux des fans de football dans toute l'Europe.

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Enfin en Ligue des Champions !

Le Sheriff Tiraspol accède pour la première fois aux tours préliminaires de la Ligue Europa en 2000 et à ceux de la Ligue des Champions en 2002. Réussissant à chaque fois à passer le premier tour avant de perdre au second, le club jaune et noir fait un premier grand pas en 2009/2010 avec une accession aux barrages après avoir sorti l'Inter Turku et le Slavia Prague, mais échouant contre l'Olympiakos. L'histoire se reproduit la saison suivante, mais Bâle fait cette fois office de bourreau. Participant les deux fois à la Ligue Europa, le club ne passera pas la phase de poules. Depuis, les expériences européennes ont été nombreuses, mais ont souvent tourné court. On retiendra une confrontation contre un club français, l'Olympique de Marseille avec une défaite en barrages de la Ligue Europa 2012/2013.

Pas forcément attendu pour cette cuvée 2021/2022 de la Ligue des Champions, le Sheriff Tiraspol a surpris tout son monde. Tombeur assez logiquement du club albanais du Teuta Durrës (1-0/4-0) puis d'Alashkert (3-1/1-0), le club de Transnistrie va ensuite faire la sensation contre l'Étoile Rouge de Belgrade en s'imposant (1-0/1-1). Qualifié pour les barrages de la Ligue des Champions pour la troisième fois de son histoire, le Sheriff Tiraspol va frapper fort contre le Dinamo Zagreb avec une victoire 3-0 et un match nul 0-0 pour assurer sa présence parmi les 32 participants de la plus grande compétition de clubs d'Europe. Quoiqu'il advienne par la suite, le plus beau a déjà été accompli.

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Un effectif cosmopolite

Placé dans le groupe D en compagnie de l'Inter Milan, du Real Madrid et du Shakhtar Donetsk, le Sheriff Tiraspol va s'offrir de jolies affiches. D'ailleurs la première affiche contre les Ukrainiens est assez singulière d'un point diplomatique. Exilé de Donetsk, le Shakhtar provient de la région du Donbass qui est partagée entre l'Ukraine et les séparatistes pro-russes. Dans ce cas précis, on se retrouve sur un conflit armé ayant causé 13 000 morts. La Transnistrie a certes eu son conflit avec la Moldavie en 1992 à l'occasion de la Guerre du Dniestr durant lequel environ 3500 personnes ont perdu la vie. La situation s'est depuis calmée avec la victoire de la Transnistrie qui a gardé son indépendance vis-à-vis de la Moldavie, mais la région reste un lieu de tension.

Ce match entre le Shakhtar Donetsk et le Sheriff Tiraspol sera donc assez symbolique des mouvements indépendantistes provoqués par l'éclatement de l'URSS en 1991. En attendant, le Sheriff Tiraspol ne voudra pas être une victime expiatoire et pour cela, le club se basera sur son melting-pot de talents. Fort d'un budget bien plus important (qui lui permet aussi d'avoir de solides structures) que tous les autres clubs moldaves, le Sheriff Tiraspol a fait venir des joueurs d'horizons multiples. Ainsi, il n'y a que 7 Moldaves dans l'effectif pour 3 Brésiliens, 2 Maliens, 2 Grecs, 2 Colombiens, 1 Serbe, 1 Péruvien, 1 Bosnien, 1 Trinidadien, 1 Malawite, 1 Macédonien, 1 Ghanéen, 1 Nigérien, 1 Luxembourgeois, 1 Ivoirien, 1 Ouzbek, 1 Ukrainien, 1 Guinéen et 1 Slovène. Soit pas moins de 19 nationalités différentes dans l'effectif pour 76,7 % de joueurs étrangers dans l'effectif.

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Un objectif commun

Un mélange culturel qui a donné un savoureux mélange sur le terrain et qu'il faudra désormais mettre en pratique sur le terrain. Le gardien Georgios Athanasiadis faisait part de son enthousiasme pour le site du club peu après le tirage au sort de la phase de poules :« dans notre groupe, les équipes sont très fortes et ce sera difficile de jouer contre elles. Même si j'ai aimé le tirage au sort, car nous sommes parmi de très grandes équipes. Cela nous motivera à faire de notre mieux et à nous battre à chaque match pour un résultat positif.»

Ancien joueur du FC Metz, Adama Traoré a lui été auteur d'un doublé à l'aller contre le Dinamo Zagreb. Arrivé en club en février dernier, le Malien a aussi fait un état d'un groupe uni autour d'un même objectif : «l'ambiance est excellente, tout est positif. Nous croyons que nous sommes capables de beaucoup. Nous avons une bonne équipe et nous sommes motivés comme jamais auparavant.» Atteignant son rêve et pouvant le faire perdurer, le Sheriff Tiraspol va croquer ces moments à pleines dents et ce mercredi à 18h55, la musique de la Ligue des Champions aura un retentissement particulier au sein de la Bolshaya Sportivnaya Arena.

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