Süper Lig

La terrible agression de l’arbitre fait exploser le football turc en coulisses

Après les incidents de lundi soir, le football turc est plongé dans une crise profonde.

Par Dahbia Hattabi
5 min.
Agression de l'arbitre Halil Umut Meler @Maxppp

Les limites ont été dépassées. Lundi soir, Halil Umut Meler, l’arbitre de la rencontre entre le MKE Ankaragücü et Rizespor (1-1), a été violemment agressé sur le terrain. Faruk Koca, le président d’Ankaragücü, et deux de ses proches lui ont asséné des coups. Une honte. Il n’y a pas d’autres mots pour qualifier ces actes. Touché physiquement et moralement, l’homme au sifflet, qui a avoué ne plus vouloir arbitrer, a été soutenu par l’ensemble du football turc. Il a également reçu un appel du président Erdogan, indigné après ces incidents. Dans un premier temps, Faruk Koca a tenté d’expliquer sa réaction. Et il aurait mieux fait de se taire tant ses propos ont été choquants.

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«Je n’accepte absolument pas les accusations. Mon but était de réagir verbalement à l’arbitre et de lui cracher au visage. Cet incident s’est produit en raison des mauvaises décisions et du comportement provocateur de l’arbitre. À ce moment-là, j’ai giflé l’arbitre au visage. C’était moi. La gifle que j’ai donnée n’a pas causé de fracture. Après la gifle que j’ai donnée, l’arbitre est resté debout pendant environ 5 à 10 secondes. Puis il s’est jeté par terre. On m’a immédiatement retiré de la scène en raison de ma maladie cardiaque. À part cela, je ne suis au courant d’aucun incident. C’est tout ce que j’ai à dire.» Les deux autres hommes mis en cause, eux, ont déclaré : «nous avons donné un coup de pied à l’arbitre, mais nous ne savons pas si le coup a touché l’arbitre ou non.»

Les supporters soutiennent le président d’Ankaragücü

Quelques heures plus tard, ils ont été envoyés tous les trois en prison pour « avoir blessé un agent public d’une manière qui a provoqué une fracture sur le terrain sportif en raison de son devoir public » explique Fanatik. Puis, le président d’Ankaragücü a annoncé sa démission après avoir reconnu ses torts. «Je présente mes excuses à M. Meler et sa famille, à la communauté des arbitres turcs, aux fans de sports et à notre nation. Mon cerveau est devenu fou (…), je ne me souviens plus de ce que j’ai fait.» Malgré tout ça, il bénéficie encore de rares soutiens. En effet, les supporters de l’écurie turque ont publié un message. Celui-ci a été relayé par le média turc Hürriyet.

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«Notre président continuera à lutter contre les arbitres qui utilisent leurs sifflets comme des armes, même si la limite de proportionnalité a été dépassée, pour le bien des droits de notre club et de notre communauté.» Une prise de position forte d’autant que toute la planète football est scandalisée par ces incidents. Président de la Commission des arbitres de la FIFA, Pierluigi Collina, a été clair sur le sujet. «Halil Umut Meler est un très bon arbitre et une très bonne personne. Je peux dire cela parce que je l’ai vu sur le terrain à plusieurs reprises et que j’ai passé du temps avec lui lors de la Coupe du Monde U-20 de la FIFA en Argentine plus tôt cette année. Ni l’arbitre, ni cet homme ne méritaient de vivre l’expérience qu’il a vécue à Ankara. Il faisait son devoir lorsqu’il a été agressé sur le terrain après un match qu’il venait d’arbitrer.»

Un acte qui indigne tout le monde

L’Italien a ajouté : «l’image de Halil Umut allongé sur le sol, se protégeant la tête avec ses mains alors qu’il recevait des coups de pied des assaillants, ainsi que le bleu sous son œil est terrifiante. Mais ce qui est encore plus horrifiant, c’est de savoir qu’il existe des milliers d’arbitres à travers le monde, à des niveaux inférieurs du jeu, qui sont agressés verbalement et physiquement sans que les médias n’en parlent. Ils sont inconnus. Et la grande majorité d’entre eux sont de jeunes arbitres en début de carrière (…) Un arbitre ne peut pas être battu pour une décision qu’il a prise, même si elle était erronée. Sa voiture ne peut pas être bombardée ou incendiée à cause d’un penalty. Malheureusement, ce n’est pas une exagération, car les attentats à la voiture piégée et les incendies de voitures sont des événements rares dans certains pays.»

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Après les évènements de lundi soir, les arbitres turcs ont décidé de répliquer. Fanatik révèle que tous les arbitres de Süper Lig, qu’ils soient sur le terrain ou qu’ils gèrent l’arbitrage vidéo, ont décidé de démissionner de leur adhésion à l’Association turque des arbitres et observateurs actifs du football après l’attaque contre leur collègue. Plusieurs d’entre eux se sont d’ailleurs rendus à son chevet. «Au nom des arbitres, Arda Kardeşler et Mete Kalkavan ont déclaré qu’ils n’étaient pas en mesure de parler de football et qu’ils annonceraient la décision concernant leur carrière dans les prochains jours», a précisé le média turc. Sans arbitre pour le moment, la ligue turque ne pourra pas reprendre. De toute façon, tous les championnats du pays sont suspendus jusqu’à nouvel ordre.

Les dernières nouvelles sur le sujet

Le président de la fédération turque, Mehmet Büyükekşi, a confié : « en tant que fédération, nous avons tenu une réunion d’urgence. Nous avons reporté les matches de toutes les ligues. Cette attaque est une nuit de honte pour le football turc. Nous pensons que le football turc ne mérite pas cela et maintenant nous disons "assez". Blâmer un arbitre chaque jour, faire une déclaration chaque jour… Nos arbitres sont aussi humains. Ils peuvent aussi faire des erreurs, mais nous ne pouvons pas lancer autant de coups de poing et de pied sur un arbitre. Ne réduisons pas davantage la valeur de la marque du football turc. Ne déshonorons pas le football turc.»

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Pour le moment, la décision de suspendre les championnats est maintenue. De son côté, l’arbitre qui a été rué de coups est sorti de l’hôpital ce mercredi annonce Fanatik. Son médecin, le Dr. Mehmet Yörübulut, a fait le point : «nous avons libéré Halil Umut Meler. Il n’a aucun problème autre que le gonflement de son œil. Le redressement du cou est survenu en raison du traumatisme. Nous lui avons mis une minerve par précaution. La fracture était une petite fissure qui guérirait avec le temps. Il n’y a pas de saignement non plus.» Son état semble s’être légèrement amélioré même si les blessures mentales semblent, elles, un peu plus profondes.

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