Florentin Pogba : « l’UNFP FC, c’est comme un club professionnel »
À la recherche d’un nouveau challenge après une aventure contrastée en Inde, Florentin Pogba fait aujourd’hui le bonheur de l’UNFP FC, un club à part entière où de nombreux footballeurs professionnels sans contrat se retrouve lors d’un stage organisé au complexe Leonard de Vinci de Lisses (91). Fort de son expérience et plus que jamais déterminé malgré une saison marquée par les blessures et l’affaire de son frère Paul, le défenseur central de 33 ans s’est alors longuement confié. De cette parenthèse estivale à ses ambitions futures en passant par les polémiques liées à sa famille ou encore son regard sur l’évolution du football, le natif de Conakry n’a éludé aucun sujet. Entretien d’un homme aussi résilient qu’attachant.
«L’existence n’est qu’une question de seconde chance et tant que nous serons en vie, jusqu’à la fin, il restera une autre chance». Élevée à Accrington dans le Lancashire, au nord de l’Angleterre, Jeanette Winterson a, sans doute, résumé la philosophie véhiculée à l’espace Leonard de Vinci de Lisses (Essonne). Déterminée à l’idée de relancer des hommes blessés, en échec, à court de forme ou tout simplement en crise de confiance, l’Union Syndicat des Footballeurs Professionnels (UNFP) propose ainsi, depuis 1990, un stage estival aux footballeurs professionnels sans contrat. Sortis du centre de formation, débarqués d’une première expérience douloureuse, anciens joueurs de Ligue 1 ou forts d’une expérience sur la scène européenne, tous les profils se retrouvent ainsi dans le sud de la région parisienne avec l’objectif de retrouver un défi à la hauteur de leurs attentes.
Parmi eux ? Florentin Pogba (33 ans), présent pour cette 34e édition. Passé par Sedan, Saint-Étienne ou encore Sochaux, celui qui a également fait le pari de l’étranger au cours de sa riche carrière (Celta Vigo, Genclerbirligi) sortait ainsi d’une expérience douloureuse au Mohun Bagan SG, pensionnaire de l’Indian Super League, avant d’accepter cette aventure humaine. Sans club depuis août 2023 et marqué par une grave blessure à la cheville l’éloignant des terrains pendant 211 jours, le défenseur international guinéen (31 sélections), capable d’évoluer au poste de latéral gauche, a, par ailleurs, dû composer avec la tempête médiatique liée à l’affaire Pogba. Contre vents et marées, le frère jumeau de Mathias, fort d’un état d’esprit combattif et d’une expérience significative (296 rencontres professionnelles, 66 matches de Ligue 1), n’a pourtant jamais baissé les bras et compte désormais se relancer au plus haut niveau. Entretien.
«L’UNFP FC ? Je suis comme à la maison !»
Foot Mercato : bonjour Florentin, avant de revenir sur votre parcours et ces derniers mois pour le moins agités, pourriez-vous nous expliquer ce choix de rejoindre l’UNFP FC cet été ?
Florentin Pogba : j’ai choisi de rejoindre l’UNFP FC tout simplement parce que j’ai un ami qui état avec moi à Sochaux. Il s’appelle Mehdi Jeannin, il venait de finir le stage, il avait retrouvé un club et je l’ai eu sur FaceTime, par hasard, pour prendre des nouvelles et il m’a dit : 'je suis au stage, c’est vraiment top ici et si tu ne trouves pas de club, tu devrais essayer, c’est enrichissant, c’est un bon groupe qui vit, tu te sens comme dans un club’ et je lui ai dit : 'bah écoute, je n’espère pas venir mais si je dois venir, avec grand plaisir’ et ça n’a pas loupé, six mois après je suis là (rires). Voilà, aujourd’hui, je suis comme à la maison, tout se passe bien. Si tu changes le nom, tu es comme dans un club, honnêtement, il n’y a aucune différence, tu te sens chez toi et tout se passe comme prévu, tous les voyants sont au vert. Je n’ai rien à dire, franchement, je suis agréablement surpris.
FM : votre dernière expérience s’est passée du côté du Mohun Bagan SG, club de première division indienne. Pourquoi ce choix et quel souvenir en gardez-vous ?
FP : ce n’était pas mon premier choix, mon idée de départ était de prolonger à Sochaux mais il y a certaines choses qui se sont mal passées et finalement ça ne s’est pas fait et j’ai eu cette opportunité qui est arrivée sur la table. J’en ai discuté avec mon agent, voilà il y avait des bons chiffres, c’était deux ans de contrat donc je me suis dit ‘pourquoi pas aller là-bas’. Je suis un aventurier, toute ma vie, j’ai été à gauche, à droite, devant, derrière, je n’ai pas peur de l’étranger donc je me suis dit pourquoi pas. Malheureusement, ça a été de très courte durée parce que j’ai eu une très grosse blessure et du coup j’ai dû arrêter mon aventure en Inde. Ce que je peux en garder, c’est que sur le plan footballistique, ce n’était pas trop ça mais ça reste une expérience. Elle a été positive malgré la blessure, j’ai découvert une nouvelle culture, un nouveau pays, un autre football donc je vais garder ce bon souvenir là.
FM : comment avez-vous géré cette grave blessure ?
FP : c’est assez compliqué sincèrement après je suis de nature très positive, avec un mental qui fait que des périodes comme ça, j’arrive toujours à les gérer du bon côté même si ça reste difficile. J’ai cette force-là, ça fait partie de moi et je m’en sers dans ces moments. J’ai pris les choses du bon côté, j’ai continué à m’entraîner tout seul, je suis parti tout seul, j’ai fait deux stages de rééducation à Capbreton. C’était compliqué, c’était dur mais tout s’est bien passé et je suis resté avec le bon état d’esprit et ça a facilité les choses. Après je ne vais pas mentir, ce sont des périodes douloureuses, tu restes sans club, c’est long, tu as des offres mais tu n’es pas forcément satisfait de ce que tu reçois comme proposition donc tu patientes, tu dois bosser tout seul, ça reste des moments délicats mais avec le temps tu te dis que pour t’en sortir, il faut rester positif et c’est ce que j’ai fait.
«L’affaire Pogba ? Je pense que tu peux vraiment arrêter le football si tu n’es pas solide dans ces moments»
FM : ces derniers mois, une autre actualité a également fortement perturbé votre quotidien avec ce qu’on appelle aujourd’hui «l’affaire Pogba», comment avez-vous vécu cette période ?
FP : franchement, cette affaire est arrivée au pire des moments. Je venais d’arriver en Inde, j’ai appris ces tristes nouvelles et je pense que ma blessure est aussi liée à tout ce brouhaha qui est arrivé sur mon frère et sur ma famille. Voilà, c’était vraiment une période très difficile et on peut l’intégrer aussi à ma période de rééducation. La vie est déjà compliquée et avec cette affaire en plus, tu n’as qu’une option possible : être positif et continuer d’avancer, surtout que j’étais dans un moment de ma carrière où j’avais des années à faire, des choses encore à réaliser dans il faut prendre ça du bon côté et avancer. Ce sont des moments où si tu n’es pas été assez solide, tu peux arrêter. Je pense que tu peux vraiment arrêter le football mais ce n’était pas mon cas, je suis resté focus et je pense qu’aujourd’hui ça ne m’apporte que du plus. Ce sont des expériences, aussi difficiles soient-elles, qui vont m’amener encore plus haut, plus fort. Cette affaire a été très difficile mais dans la vie, il faut avancer et voilà pourquoi aujourd’hui je suis là et je continue de travailler pour trouver un club rapidement.
FM : à 33 ans, quel regard portez-vous sur votre carrière ?
FP : je suis honnêtement très satisfait de ce que j’ai accompli jusqu’à aujourd’hui, alors oui il y a eu des moments compliqués, peut être des choix qui devaient être plus réfléchis mais quand tu es jeune, tu as beaucoup de choses qui se passent, à gauche, à droite, les sollicitations, tu as beaucoup de gens qui te parlent et tu peux te perdre dans tout ça mais je ne regrette pas. Ca m’a permis d’avancer, d’acquérir plus d’expérience dans ma carrière et je pense que ce que j’ai fait, je l’ai très bien fait. Pour le reste, ça aurait pu être encore mieux mais j’ai aussi eu ces blessures qui ne sont pas tombées au moment, elles ne tombent jamais au bon moment mais ça m’a aussi freiné à certains moments. Une chose est sûre, je porte un regard positif sur ma carrière et j’espère qu’elle n’est pas terminée et qu’il y aura encore du bon.
«Un conseil pour les jeunes : travailler et ne jamais rien lâcher !»
FM : vous avez connu différents championnats, différents styles de jeu, différentes époques aussi, comment jugez-vous l’évolution du football ?
FP : le football d’aujourd’hui a vraiment beaucoup changé, pour moi on est davantage sur de l’athlétisme que du football à proprement parler. Je m’explique. J’ai eu la chance de regarder de très grands joueurs à la télé, des magiciens de ce sport… Deco, Riquelme, Ronaldo (Luís Nazário de Lima, ndlr) et à ce moment-là, le football n’était pas ce qu’il est devenu aujourd’hui. Nous n’avons plus ce type de profils, en tout cas très peu. Aujourd’hui, c’est : plus tu cours, plus tu as du cardio, plus tu arrives à tenir l’intensité et les matches, plus on va te sélectionner. On a un peu perdu de cette magie, je ne vais pas dire qu’il y a que ça mais cet aspect athlétique rentre beaucoup plus en jeu et modifie forcément la manière de pratiquer ce sport. Après, on ne va pas se mentir, il reste encore de très grands joueurs à l’heure actuelle.
FM : vous faites actuellement partie des cadres de ce stage avec Cheikh N’Doye, Jonathan Kodjia ou encore Nicolas Benezet, quel est votre rôle durant cette aventure estivale ?
FP : mon rôle déjà est de montrer l’exemple après j’ai mon expérience pour moi avec tout ce j’ai pu vivre dans ma carrière, j’ai beaucoup de jeunes à mes côtés dans ce rassemblement et ce que je peux leur dire, c’est surtout de travailler, de ne jamais abandonner même si je pense que pour la jeunesse d’aujourd’hui, se retrouver là… je n’arrive pas trop à comprendre mais comme je l’ai dit, le football a changé, on est davantage sur la data, sur ce type de considérations mais il ne faut pas abandonner. Mentalement, ce sport c’est très compliqué, encore plus aujourd’hui donc il ne faut rien lâcher et juste s’en remettre au travail car on ne sait jamais ce qui peut se passer. Le football devient bien plus difficile mais voilà je suis là un peu dans ce rôle de papa, je suis là aussi pour les distraire car ça fait partie de la vie, il faut rester dans le positif. Après ces deux semaines et demie qu’on vient de passer ensemble, je pense que tous ces jeunes vont penser que je suis quelqu’un de bien, quelqu’un d’encourageant et qui est là pour leur bien.
«Je veux m’épanouir sur le terrain et retrouver ce que j’aime du plus profond de mon cœur…»
FM : à titre personnel et pour se projeter quelque peu, quelles sont désormais vos ambitions pour la suite de votre carrière ?
FP : je n’ai pas quelque chose de précis en tête, ça va aussi dépendre des offres concrètes qui vont tomber. Mon choix se fera en fonction du club, de l’environnement. Aujourd’hui, je vise un projet sportif et financier aussi car j’arrive à un âge où je dois penser à cet aspect mais si ce n’est pas juste financier, je veux un projet sportif avec quelque chose derrière de stable, avec une possibilité de reconversion par exemple car il me reste encore très peu d’années donc ça va dépendre de tous ces éléments. Avant tout, je veux retrouver du plaisir, jouer, être sur le terrain. Si j’arrive à combiner ces deux aspects, tant mieux mais d’abord j’aimerais reprendre le football, c’est ce que j’aime du plus profond de mon coeur. Je veux m’épanouir sur le terrain, proposer ce que je sais faire et après comme on dit, c’est Dieu qui donne et c’est Dieu qui reprend donc on verra mais en tout cas je vais prendre le temps pour prendre une bonne décision.
FM : parmi les autres actualités de cet été, il y a cet Euro 2024. L’Espagne vient de remporter le titre final contre l’Angleterre après avoir éliminé l’équipe de France. Que retenez-vous du parcours des Bleus ?
FP : si je suis honnête, j’ai été un peu déçu mais après je n’étais pas à l’intérieur du groupe, je n’étais qu’un téléspectateur donc je pense que la France aurait pu mieux faire mais ça fait partie du football. C’est peut-être un moment aussi qui va permettre à cette sélection de repartir sur un nouveau cycle. Elle a fait une finale de Coupe du Monde et aujourd’hui elle traverse une phase plus difficile avec cette élimination donc ça montre qu’il faut encore travailler, malgré le talent, malgré l’équipe qu’on peut aligner, il faut toujours bosser. Je pense que c’est la meilleure équipe (l’Espagne, ndlr) qui est passée donc après cette défaite, la France va réagir car elle doit réagir et je n’ai aucun doute sur ça.
FM : pour conclure, comment définiriez-vous ce stage UNFP ?
FP : le stage UNFP, c’est du plaisir, une expérience enrichissante, c’est un moment où tu peux te libérer car tu n’as aucune pression, tu t’entraînes, tu as tout ce qu’il te faut, tu as le staff, les terrains, la joie de vivre, tu as un équilibre alimentaire, tu as tout pour toi. Tu as Philippe (responsable communication, ndlr), bon allez je vais m’arrêter là (rires)…
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