Ligue 1

Comment le football français a plongé dans une crise insurmontable

Du choix DAZN/beIN Sports l’été dernier à la diffusion des discussions houleuses entre les présidents de clubs ce mercredi, retour sur 6 mois qui ont plongé le football français dans la crise.

Par Aurélien Léger-Moëc
5 min.
C'est la crise en L1 @Maxppp

Le 14 juillet, jour de fête nationale et de pugilat à la Ligue de football professionnel. L’Equipe et France TV ont dévoilé ce mercredi le contenu, aussi bien à l’écrit qu’en vidéo, de la réunion Zoom entre tous les participants, qui devaient déboucher sur un choix décisif pour l’avenir du football français. Attribuer les droits TV à une offre couplée DAZN/beIN Sports ou lancer une chaîne avec un accord de distribution sur la plateforme Max de Warner Bros Discovery. Les deux solutions avaient des partisans, la première garantissant un revenu de 500 M€ par an (400 de DAZN + 100 M€ de beIN) mais avec des contraintes (exigences incompatibles entre les deux diffuseurs, prix excessif pour le consommateur), la seconde permettant une liberté d’action et la possession de la totalité des matches mais sans la garantie de générer des revenus nécessaires à la survie des clubs professionnels.

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Dans ce contexte, le président rémois Jean-Pierre Caillot, qui préside le collège de Ligue 1, présente la solution DAZN/beIN Sports comme une solution miraculeuse qu’il faut saisir, suivi notamment dans cette voie par Nasser Al-Khelaïfi, Jean-Pierre Rivère et… Vincent Labrune, qui avait pourtant précédemment milité pour la création d’une chaîne 100% Ligue 1 détenue par la LFP. Dans le camp d’en face, on trouve principalement Joseph Oughourlian, président du RC Lens, et John Textor, patron de l’OL, qui regrettent aussi bien la précipitation de ce choix, puisque l’offre de DAZN est valable jusqu’au même soir 20h et que le début de saison approche. Surtout, ils contestent vivement le positionnement de Nasser Al-Khelaïfi, à la fois patron du PSG et porteur de l’offre beIN Sports qu’il encourage à saisir. « Nasser, je pense qu’il faut que tu comprennes un concept qui visiblement vous échappe chez beIN, ou au PSG, ou aux deux, qui s’appelle le conflit d’intérêts. Tu intimides tout le monde ! », lâchera ainsi Oughourlian, le seul avec Textor à s’opposer frontalement au Qatari.

C’est là l’un des nœuds du problème actuel, la double casquette de Nasser Al-Khelaïfi. Il y a une dizaine d’années, l’arrivée de beIN Sports dans le paysage audiovisuel français était accueillie les bras ouverts et jugée complémentaire avec Canal +. Mais aujourd’hui, les tarifs se sont effondrés, Canal + n’est plus là pour investir dans le championnat de France, échaudé – c’est un euphémisme - par les épisodes Mediapro et Amazon. Dès lors, Al-Khelaïfi n’est pas vu comme un sauveur, mais comme un président de chaîne tentant de conserver a minima des droits télévisuels dans un contexte financier délicat. On peut néanmoins comprendre l’interrogation du Qatari, qui estime aider le football français en proposant 100 M€ (avec des conditions plutôt restrictives et difficiles à respecter pour les clubs), mais qui se voit rejeté par une partie des présidents.

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Rien ne va plus

L’attitude agressive de Nasser Al-Khelaïfi au cours de cette réunion saute à la figure en voyant les images filmées par Complément d’Enquête. Sa manière d’envoyer paître John Textor, traité de cowboy qui n’y comprend rien, son rejet d’opinions différentes et sa manière d’appeler à la rescousse ses soutiens ne jouent pas en sa faveur, alors que l’intérêt du public français pour son championnat s’étiole année après année. Il est impossible de savoir si la création d’une chaîne 100% Ligue 1 était la meilleure idée à suivre, et on aura peut-être l’occasion de le découvrir si DAZN décide de se désengager plus vite que prévu. Mais la fracture entre les dirigeants du football français est elle désormais flagrante.

Outre la découverte d’un collège de Ligue 1 obnubilée par la nécessité d’encaisser le plus gros chèque possible plus que par la reconquête des téléspectateurs pourtant primordiaux pour attirer les diffuseurs, la multiplication des fuites dans la presse chaque semaine prouve que le bateau du football professionnel est en train de couler. Les présidents les moins proches de Labrune découvrent dans la presse le contenu des conseils d’administration à venir, et chacun s’épanche auprès de journalistes, en off, pour dézinguer le voisin, selon le camp dans lequel il se trouve. Un cap a été franchi hier avec la diffusion d’images d’une réunion censée être confidentielle. « Il y a des présidents qui sont enragés ce mercredi soir de voir qu’ils sont trahis, que ces documents sortent. (…) Ils se disent: 'mais est-ce qu’on se rend compte que sur la télé publique, une réunion privée en visio est sortie?' C’est forcément quelqu’un qui a participé à cette réunion qui a balancé. Ça en dit long sur l’ambiance! », s’est étranglé Daniel Riolo, particulièrement impliqué dans le dossier des droits TV, hier sur RMC.

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Voilà donc l’état du football professionnel français à l’heure où on écrit ses lignes : une ambiance délétère entre présidents avec une ou plusieurs taupes, un président de la LFP, Vincent Labrune, accusé de communiquer les infos partiellement aussi bien par le nouveau diffuseur DAZN que par CVC ou certains présidents de L1, un directeur général de LFP Media, Benjamin Morel, qui préfère jeter l’éponge, le diffuseur principal DAZN qui s’estime trompé par la marchandise, réclame plus de 500 M€ à la Ligue et ne paye déjà plus que la moitié de la somme due en février, des conflits d’intérêt, un fonds de réserve déjà vidé pour subvenir aux besoins les plus urgents, et donc des clubs étranglés financièrement. Comment s’en sortir par le haut ? Pas sûr que la réponse existe.

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