Kings League : pourquoi Gerard Piqué a raison sur toute la ligne…

Fier du développement de sa Kings League, Gerard Piqué a dressé une analyse des différents problèmes que rencontre le football d’aujourd’hui. Des déclarations qui ont le mérite d’être entendues et comprises, tant elles peuvent résonner comme totalement véridiques.

Par Valentin Feuillette
6 min.
Gerard Pique pour la Kings League Americas @Maxppp

C’est le sujet à la mode ces dernières semaines. Entre curieux fervents et violents détracteurs, la Kings League de Gerard Piqué, fondée il y a tout juste 16 mois, n’arrête pas d’animer les débats et de faire couler beaucoup d’encre dans le monde du football. Au point où journalistes, joueurs, présidents et autres protagonistes du ballon rond ne cessent de donner leurs avis. L’annonce de la prochaine Coupe du Monde à 7, organisée par la Kings League, a défrayé la chronique internationale. En effet, cette compétition aura lieu au Mexique du 26 mai au 8 juin. Les règles de cette compétition diffèrent du football classique : les équipes sont composées de sept joueurs, les cartons jaunes reprennent les codes du hockey sur glace avec une exclusion de 2 minutes, les cartons rouges entraînent une infériorité de 5 minutes avant de bénéficier de la possibilité de changer le joueur exclu, les coups d’envoi ressemblent à ceux du water-polo avec des joueurs qui se précipitent au milieu du terrain pour s’emparer du ballon, les matchs nuls sont décidés sur une séance de tirs au but qui prennent la forme d’un face-à-face à la manière du hockey sur glace et les rencontres sont divisées en deux mi-temps de 20 minutes.

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Des règles inédites pour un football singulier. A noter également l’ajout d’une carte spéciale « armes secrètes » utilisable une fois par match qui permet de débloquer un coup franc, un pénalty, une exclusion provisoire adverse, un vol d’une carte spéciale adverse, un but «compte double»… Tant de nouveautés qui plaisent ou déplaisent au grand public. Pourtant les explications de Gerard Piqué et des autres dirigeants de cette compétition dissidente sont très claires et tout à fait audibles : «La Kings League est née d’une réflexion sur ce qu’est le football aujourd’hui et parce qu’une partie du public pense que le football devient parfois un produit ennuyeux, que quatre-vingt-dix minutes, c’est trop long et que les événements ne sont pas toujours là et parfois il y a des matchs nuls. C’est différent», avait déclaré, il y a maintenant un an, Oriol Querol, le président et directeur général de la Kings League. Douze mois plus tard, le projet a pris une tournure fulgurante et un développement important. Mais cette nouvelle pépite de divertissement laisse personne indifférent et il est important de prendre le temps de lire entre les lignes de toutes ces déclarations et comprendre en quoi l’ancien défenseur du FC Barcelone et la Roja dresse une analyse honnête de certains problèmes du football aujourd’hui et surtout pour quelles raisons la Kings League représente un chemin différent mais possible.

Un diagnostic franc du football moderne

Le football a changé, comme disait un certain joueur du Paris Saint-Germain. Une grande partie des supporters de football, née dans les années 90 et 2000, a vécu une redéfinition du mode consommation des matchs de football. L’aspect communautaire à travers une forte digitalisation sur les réseaux sociaux représente, de nos jours, une nécessité, si ce n’est l’atout majeur, du succès de ce sport. Ce n’est donc pas un hasard si Gerard Piqué s’appuie sur des vidéastes et des streamers, comme l’Espagnol Ibai Llanos et le Français Amine, pour le développement de sa Kings League : «Je pense que toujours autant de gens suivent le foot, mais c’est devenu très cher. Une Kings League, c’est gratuit, c’est du divertissement pour tout le monde. Il y a toujours autant de gens intéressés, et si ce n’était pas le cas, personne ne s’intéresserait à notre projet parce que ça reste du foot. Ça va être sportif, intense, c’est une alternative, mais pour moi, l’un n’empêche pas l’autre. C’est ni de la rivalité, ni de la concurrence», a déclaré le streamer français au 2 500 000 millions de followers sur Twitch dans les colonnes du Parisien. En effet, la gratuité et l’accessibilité sont d’autres éléments pointés du doigt par Piqué. Alors que les différentes ligues européennes enchaînent les longs et fastidieux bras de fer avec des groupes multimédias pour les droits TV sur fond d’histoires de gros sous, la Kings League règle aussi ce problème en prônant une meilleure attractivité avec des partenaires télés en libre accès comme YouTube, TikTok et Twitch.

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La gronde populaire est féroce quand certains championnats bloquent les vidéos des buts sur Twitter car les réseaux sociaux amènent une certaine connectivité et interactivité que beaucoup de fans de football aujourd’hui recherchent. L’essor des médias en ligne a aussi redynamisé la couverture médiatique des compétitions : «Je crois que les jeunes consomment le sport de manière différente. Ils sont au courant de tout, mais ils ont du mal à passer 90 minutes devant un match. Il faut essayer de trouver des choses qui leur plaisent et auxquelles ils consacrent du temps, trouver des produits qui les motivent», a expliqué l’ancien international espagnol. Que les détracteurs de la Kings League le veuillent ou non, le constat de Piqué est réel. Le football se vit aujourd’hui majoritairement à travers les réseaux sociaux, à l’heure où acheter des billets dans les plus grands stades d’Europe devient inaccessible pour un grand nombre de fervents supporters aux quatre coins du monde. Et les audiences de la Kings League donne totalement raison aux dirigeants de cette jeune compétition moderne avec un record de 15 millions de viewers pour la première journée en janvier 2023. A noter qu’ils ont également rempli le Camp Nou pour les finales du tournoi avec une pointe à 2,6 millions de spectateurs en ligne (soit l’audience d’un match de poules de Ligue des Champions du PSG en France). Tout est simplifié pour renforcer le divertissement et amplifier la fidélisation sur les réseaux, à l’heure où une majorité de fans de foot montre un ras-le-bol du nombre incalculable de matchs par semaine et par mois avec de nombreuses trêves internationales. Un gavage que la Kings League veut gommer.

Quand on regarde plus précisément, les dérivés des sports les plus populaires fonctionnent de plus en plus pour les mêmes raisons que la Kings League. Un format plus court, plus spectaculaire, plus moderne. Le basket 3x3, devenu sport olympique, jouit d’un développement impressionnant. Le padel, dont les matchs durent moins longtemps qu’au tennis, continue de dépasser les frontières de l’Espagne et d’Amérique du Sud. Le football à sept avec la Kings League est la suite logique de ce phénomène. Même si le football traditionnel restera logiquement toujours aussi dominant avec de grandes compétitions telles que la Coupe du Monde, l’Euro ou la Ligue des Champions, Gerard Piqué a raison. Le football n’évolue pas de la meilleure des manières avec trop de matchs, trop de compétitions, trop d’argent en jeu entre les médias, les clubs, les fédérations, les ligues… Il y a aussi de moins en moins de grandes stars, de moins en moins de rivalités attractives, de moins en moins de nouvelles idées tactiques variées, en comparaison à une dizaine voire vingtaine d’années. Mais ces deux footballs peuvent se compléter aisément : «Ce sont deux choses très différentes, mais elles sont compatibles. On ne veut pas être comparé au sport roi qui est le football et qui a le plus de fans dans le monde. On veut être différents et que, quand les gens nous regardent, ils passent un bon moment», a complété Piqué. Le football n’était pas forcément mieux avant mais il était moins bordélique. Tel est le constat de Gerard Piqué, qui espère aussi s’appuyer sur les présences d’anciennes stars du ballon rond comme Ronaldinho, Andrea Pirlo, Zlatan Ibrahimovic, Djibril Cissé, Iker Casillas et Sergio Agüero pour diversifier sa base de consommateurs.

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