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Yvan Neyou, un parcours à montrer dans les centres de formation

Bluffant depuis le début de saison de Liga avec Leganés, Yvan Neyou récolte le fruit d’un travail de longue haleine. Mais à 27 ans, l’international camerounais en veut encore plus.

Par Jordan Pardon
7 min.
Yvan Neyou @Maxppp

Il n’existe pas vraiment de morale dans le football, si ce n’est que l’acharnement peut parfois bouleverser un destin. Loin des joueurs biberonnés au succès depuis le premier âge et à la carrière toute tracée, Yvan Neyou a dû dribler plusieurs obstacles avant de caresser son rêve de devenir footballeur professionnel. Aujourd’hui, il l’est, et il savoure du côté de Leganés, en Liga. «Je me suis préparé toute ma vie à quitter le cocon familial pour être professionnel, dès la classe de 6e. Se retrouver ici, c’est un bol d’air frais, et ça montre que je n’étais pas si fini que ça», explique, souriant, celui qui a fréquenté Christopher Nkunku, Amine Harit, Marcus Thuram ou encore Allan Saint-Maximin à l’INF Clairefontaine. Il faut le dire, avant de connaître la grande aventure en Espagne, Neyou a souvent dû faire face aux vents contraires, parfois même dès la formation, à Auxerre.

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«Je me souviens d’un coach qui m’avait dit "attention à ne pas tomber dans la case des joueurs d’entraînement", retrace-t-il. Mais je jouais 15 minutes tous les 15 matches en jeunes, comment j’aurais pu me montrer ? » Arrivé avec l’étiquette de "phéno" dans l’Yonne, il en est rapidement désapproprié. «J’étais mince et petit, je n’étais pas le profil recherché», estime-t-il. Pourtant, ses qualités brûlent la rétine, et notamment celle de Tanguy Ndombele, originaire d’Épinay-sous-Sénart, ville voisine de Brunoy où Yvan Neyou met les plus grands à l’amende. «On s’est connu vers l’âge de 8 ans. Je suis un 96, et lui un 97, mais lors des tournois, il était toujours surclassé. Il était vraiment au-dessus, même avec les plus grands que lui. Petit, vif, dribbleur. Il est même allé au CFFP (Centre Formation Foot Paris)», se remémore le milieu niçois, encore avec ami avec Neyou aujourd’hui.

Sedan, un déclic, Saint-Étienne, un accélérateur

En 2016, Neyou fait le choix de donner un nouveau sens à sa carrière. Il rejoint Sedan, alors pensionnaire de National, où l’histoire d’amour démarre à 200 à l’heure. « Sedan a lancé ma carrière, je ne remercierai jamais assez l’entraîneur Colbert Marlot. Ce club m’a tout donné et ça me peine terriblement de les voir aujourd’hui en R3 », déplore-t-il. Si le grand public l’a surtout découvert sous les couleurs de l’ASSE en 2020, il voit davantage cette parenthèse comme un accélérateur. Sedan a été "le déclic", et c’est d’ailleurs cette aventure qui lui a par la suite ouvert les portes du football professionnel, à Laval, en Ligue 2. «Laval, ça m’a permis de prendre confiance en moi, c’est là-bas que je signe mon premier contrat professionnel en 2017. J’avais 20 ans, j’étais content d’avoir mon petit appart’, je l’avais meublé, c’était trop bien, revit-il, le sourire jusqu’aux oreilles. Laval, c’était vaiment un club familial, je m’y sentais bien, et quand c’est comme ça, je n’ai pas besoin d’avoir de lumière sur moi. » Peut-être pas trop d’ombre non plus, pourtant, c’est dans le noir total qu’il clôt son épisode mayennais.

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Comme souvent en France, un joueur poussé vers la sortie devient soudainement un problème pour le club. Et on a donc parfois voulu lui attribuer une image de fauteur de trouble, à tort, comme le confirment plusieurs anciens membres de Laval l’ayant côtoyé. «J’avais eu trois retours de clubs de Ligue 2 me décrivant ainsi : "bon joueur mais caractère difficile." Je n’avais jamais eu le moindre problème, quand t’es jeune ça fait mal d’entendre ça. Je suis touché et je fais le choix de partir à l’étranger. » Une façon de laver son honneur, et aussi de se mettre au banc d’essai dans un tout nouvel environnement, bien loin de ses repères. Direction Braga, donc, où il évolue avec la deuxième équipe. «Même si je n’ai pas joué avec les pros, je ne regrette rien. Il y a 0 choix que je regrette. Si je ne sens pas quelque chose, je n’y vais pas de toute façon», insiste-t-il. "Heureuse" conjugaison d’évènements : à l’été 2020, alors que le COVID rythme l’actualité mondiale et impacte massivement les clubs, l’heure est aux économies de bouts de chandelles du côté de Saint-Étienne. L’ASSE est en quête de renforts à moindre coût, et c’est de cette façon que Claude Puel pousse pour l’arrivée de Neyou, dont le profil coche toutes ses cases.

Tanguy Ndombele : «Son parcours, c’est lui tout craché»

«Notre rencontre résulte d’une histoire particulière. Yvan est passé à côté des circuits, je connaissais son représentant quand il était en équipe réserve de Braga. On m’a montré des images et je l’ai trouvé intéressant avec de grosses qualités», se souvient le technicien de 63 ans, qui continue de suivre de près le parcours de son ancien joueur. En 2020, quinze jours après sa signature dans le Forez, il est donc convoqué pour une finale de Coupe de France… face au PSG (la finale avait été reportée fin juillet en raison du contexte sanitaire). Une atypie, pour un joueur qui ne savait pas quoi répondre à ses amis quelques mois plus tôt, lorsqu’il était invité à se confier sur son avenir. Pas programmé pour fouler la pelouse au départ, il était finalement entré à la pause, à son grand étonnement «Juste être dans le groupe était une surprise», se souvient l’intéressé. Claude Puel, lui, a en tout cas été scotché par son joueur ce jour-là : «Si vous aimez le jeu, des joueurs comme Yvan Neyou vous font aimer le foot, et pas simplement des joueurs physiques, trop privilégiés aujourd’hui. La finale de Coupe de France a été le match déclic, il a été extraordinaire et bluffant car personne ne connaissait vraiment son niveau. Je l’ai fait entrer à 10 contre 11, et il a joué avec personnalité, a remis l’équipe dans le bon sens, a même mis un petit pont à Neymar (Paris avait gagné 1-0)»

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Aujourd’hui encore, Puel peine à comprendre la gestion du club stéphanois avec Neyou, déclassé après son licenciement en 2021 : «je trouve dommage que l’ASSE, après mon départ, n’ait pas cru en lui vu le niveau qu’il affichait. Il formait une belle doublette avec Mahdi Camara, aujourd’hui à Brest. Des meilleurs amis dans la vie de tous les jours, et des joueurs sur lesquels Saint-Étienne n’a pas compté, et quand on voit leur niveau aujourd’hui, c’est dommage. » Cramponné à ses idées, Neyou a tout de même pu retrouver des hauteurs qui étaient autrefois les siennes. En 2022, il a rejoint Leganés, dans la banlieue de Madrid, son petit coin de ciel bleu depuis. Titulaire indiscutable, il a été le garant de l’équilibre de l’équipe, promue en Liga l’été dernier. Des performances qui lui ont d’ailleurs valu un retour en sélection camerounaise. «Son parcours, c’est lui tout craché, décrypte Tanguy Ndombele. C’est un mec qui ne lâche rien, qui revient de loin, et ça fait encore plus plaisir quand c’est quelqu’un qui est à côté de toi. Quand j’ai le temps, je regarde ses matchs, comme contre l’Atlético où il a marqué. S’il mettait déjà des pétards comme ça plus jeune ? Il ne mettait pas de pétards comme ça, mais il marquait beaucoup de buts», sourit l’international tricolore. Quant à Claude Puel, il lui prédit encore des lendemains dorés, alors qu’il arrive en fin de contrat cet été : «il n’y a aucun problème de le voir réussir, je ne suis pas du tout surpris. À l’intersaison, il y avait des clubs de Liga sur lui. Il a le talent pour rejoindre un plus grand club. Yvan est un joueur talentueux, un grand joueur.» Et un joueur à l’appétit insatiable : «je regarde toutes les semaines dans le rétro, je sais d’où je viens, et avec toutes les embûches que j’ai eues sur mon chemin, je sais que c’est bien. Mais je travaille pour plus encore.» Jouer une Coupe du Monde avec le Cameroun en 2026 ? Ce serait beau.

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