Liga

Pourquoi les joueurs de Ligue 1 ne séduisent plus les clubs de Liga

Parmi les terrains de chasse privilégiés des clubs de Liga ces dernières années, la Ligue 1 et les joueurs français dans leur ensemble semblent être moins intéressants pour les formations espagnoles aujourd’hui. Explications.

Par Max Franco Sanchez
5 min.
Mbappé et Pape Gueye @Maxppp

Ferland Mendy, Jules Koundé, Thomas Lemar, Aurélien Tchouameni, Eduardo Camavinga, ou même Kevin Gameiro, Wissam Ben Yedder, Adil Rami, Steven N’Zonzi, Grzegorz Krychowiak, Karim Benzema ou Aymen Abdennour avant eux ; dans les années 2010 et le début des années 2020, ils ont été nombreux à quitter le championnat de France pour rejoindre l’Espagne. Et seuls certains des exemples les plus criants et chers ont été cités plus haut. Les directeurs sportifs des clubs espagnols appréciaient beaucoup le profil des joueurs formés en France, qui avaient généralement des qualités qu’on ne retrouvait pas forcément en Espagne ou dans les marchés habituels visés par les clubs ibériques, comme l’Amérique du Sud ou le Portugal. Puis, les joueurs de Ligue 1 étaient habituellement peu chers, autre donnée importante à prendre en compte. Certains clubs, comme le Séville FC, n’ont donc pas hésité à faire leurs courses en France.

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« Tactiquement et physiquement, le joueur de Ligue 1 est l’un des plus complets du marché. Il s’adapte parfaitement à ce que je recherche pour notre équipe. Par exemple, Grzegorz Krychowiak n’avait véritablement joué qu’à Reims mais il n’a pas eu besoin de temps pour s’adapter à la Liga. Et financièrement, la barre est moins haute : les indemnités de transfert sont dans nos cordes, comme les salaires. Franchement, je n’ai pas été déçu une seule fois en dix ans », confiait par exemple le directeur sportif de Séville Monchi en 2015 dans un entretien accordé au JDD. Il faut dire qu’il avait, avec l’écurie andalouse, enrôlé plus d’une vingtaine de joueurs de Ligue 1 lors de sa deuxième aventure en tant que directeur sportif sévillan, et ça a payé puisque la formation du sud de l’Espagne a remporté 5 titres d’Europa League entre 2013 et 2023, avec beaucoup de joueurs venus du championnat de France dans ses rangs donc.

Une réalité financière différente

Mais dernièrement, la tendance a clairement baissé. L’été dernier, à l’exception de Kylian Mbappé bien sûr, les transferts de joueurs de la France vers l’Espagne ont été très rares, avec Pape Gueye qui a quitté l’OM pour Villarreal comme un des rares exemples. Dans son effectif actuel, Séville, habituellement francophile, ne compte qu’un joueur arrivé de Ligue 1, à savoir Akor Adams, qui a débarqué lors du mercato hivernal. Si on prend en compte les nationalités, il n’y a que 18 joueurs français en Liga actuellement, et beaucoup évoluent déjà en Espagne depuis un moment ou ont été recrutés dans d’autres championnats. La première des explications est évidemment financière. Ces dernières années, la Liga a imposé ce fameux fair-play financier qui pose tant de problèmes à certains clubs dont le Barça. Objectif : assainir les finances des clubs, et pour l’instant le pari est réussi. Mais forcément, les clubs dépensent moins et ne vivent plus forcément au-dessus de leur moyen comme à une époque si lointaine. Les clubs moins puissants préfèrent miser sur la formation, et tenter des coups via des prêts, des joueurs en fin de contrat ou aller chercher des joueurs moins onéreux sur des marchés moins connus que de mettre 15 ou 20 millions d’euros sur un joueur de Ligue 1.

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Financièrement, les clubs espagnols hors top 3 ne peuvent pas rivaliser avec leurs homologues anglais, allemands voire même italiens, sans parler de l’apparition de nouveaux acteurs comme l’Arabie saoudite, qui ne vise pas que les stars mais aussi ceux qu’on appelle des "bons joueurs de championnat". Ce sont ces clubs qui récupèrent les meilleurs éléments de Ligue 1, alors qu’à une époque pas si lointaine, il n’aurait pas été surprenant de voir des joueurs comme Martin Terrier, Castello Lukeba ou Serhou Guirassy en Liga. Dans le même temps, le prix du joueur de Ligue 1 a aussi grimpé. Il semblerait par exemple aujourd’hui impensable de voir le Wissam Ben Yedder de l’époque partir pour 9 millions d’euros comme ce fut le cas lors de son transfert de Toulouse à Séville en 2016. L’arrivée de capital étranger dans plusieurs formations de Ligue 1 fait aussi que plusieurs clubs qui devaient impérativement vendre pour survivre avant soient aujourd’hui moins contraints de se séparer de leurs meilleurs éléments.

La Liga cherche d’autres profils

Puis, il y a aussi une réalité liée au terrain. Après plusieurs années où les clubs espagnols misaient pour beaucoup sur un jeu basé sur l’équilibre, l’intensité et un jeu assez physique, où on cherche à faire mal à l’adversaire sur des transitions rapides, la mode est en train de changer et au sein des clubs, on a à nouveau envie de miser sur un jeu plus basé sur le contrôle du ballon et sur la qualité technique des joueurs. On ne cherche donc plus forcément des joueurs costauds ou rapides, mais des profils à la Pedri, pour caricaturer. La Ligue 1 a du mal à sortir des joueurs pouvant s’adapter à ce profil, et continue de fabriquer des joueurs qui brillent dans des contextes où on leur demande d’avoir un gros volume de jeu, d’être rugueux et rapides. Certains postes où les clubs de Ligue 1 arrivent encore à sortir des profils intéressants, comme celui de milieu défensif purement récupérateur ou celui de latéral capable de multiplier les courses pendant tout le match, sont aussi de moins en moins recherchés à cause de l’évolution tactique des clubs de Liga.

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Ceci ne veut pas dire que la Ligue 1 ne peut pas sortir des joueurs techniques et intelligents capables de jouer en Liga, bien au contraire. Mais quand elle le fait, ils sont généralement trop chers pour les clubs espagnols hors cadors aujourd’hui. Pour trouver ce type de joueur à moindre prix, les directeurs sportifs des clubs espagnols vont plutôt continuer de regarder en Amérique du Sud ou dans des petits championnats européens, à l’image de la Belgique qui a la cote auprès des recruteurs de Liga. Le pipeline qui liait la France et l’Espagne s’est donc clairement asséché ces dernières années pour les raisons mentionnées ci-dessus, et tout indique que la tendance devrait continuer. Si certains des meilleurs joueurs de Ligue 1 devraient continuer d’arriver chez les ogres du championnat espagnol, les autres clubs ont déjà fait une croix sur les joueurs de l’Hexagone et se sont tournés vers d’autres profils…

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