Stade Brestois, Kenny Lala : « mon avenir n’est pas lié à cette qualification en Ligue des Champions »
Officiellement qualifié pour le tour préliminaire de la prochaine Ligue des Champions, le Stade Brestois, au coude-à-coude avec Lille, rêve désormais d’une place sur le podium avant de se déplacer sur la pelouse de Toulouse pour le compte de la 34e et dernière journée de Ligue 1. Leader incontestable et incontesté du vestiaire brestois, Kenny Lala incarne, à ce titre, la saison exceptionnelle réalisée par les Ty’ Zefs. Entretien.
«Un vrai leader n’a pas besoin de conduire. Il suffit qu’il montre le chemin». Empruntés à Henry Miller, ces mots résonnent avec force au moment d’évoquer la trajectoire de Kenny Lala au Stade Brestois. Le 28 avril dernier, au Roazhon Park, le latéral droit passé par le Paris FC, Valenciennes, Lens, Strasbourg ou encore l’Olympiakós, l’a une nouvelle fois prouvé. Accrochés par le Stade Rennais dans le derby breton, les hommes d’Eric Roy s’offraient finalement une victoire spectaculaire (5-4) sur un coup de tête de Lilian Brassier au bout du temps additionnel (90+7e). Pourtant, sans les précieux conseils du numéro 27 des Ty’ Zefs, ce dénouement spectaculaire aurait pu ne jamais voir le jour. «En fait, ce qu’il se passe c’est que Kenny Lala passe devant moi avant qu’on tire le coup franc. Moi je dis : 'Allez les gars on joue le nul’. Mais Kenny me dit : Quoi ? Monte devant. Il a eu raison (rires)», racontait alors le défenseur brestois, auteur du but décisif. Déterminant, le natif de Villepinte n’avait pas non plus omis de glisser quelques mots à Mathias Pereira Lage, le tireur du coup de pied arrêté… «Kenny vient me voir et me dit de jouer au deuxième poteau. Je la mets dans la bonne zone. Ça passe au-dessus de Jérémy (Le Douaron, ndlr), ça gêne un peu tout le monde, elle rebondit et Lilian suit bien pour mettre la tête».
Une anecdote symbolisant finalement, à elle seule, l’apport du défenseur de 32 ans dans ce collectif parfaitement huilé et officiellement qualifié pour le tour préliminaire de la prochaine Ligue des Champions. Arrivé en janvier 2023 du côté du SB29 après une expérience en Grèce, le franco-martiniquais - bénéficiant de la pleine confiance de sa direction, à commencer par Grégory Lorenzi - est finalement rapidement devenu l’un des cadres du vestiaire. Sous la houlette d’Eric Roy, débarqué dans le même temps sur le sol finistérien, le droitier d’1m78, sous contrat jusqu’en juin 2025, s’est alors imposé comme l’une des références à son poste. Deuxième joueur le plus utilisé du Stade Brestois derrière Bradley Locko, le joueur formé au PFC n’a, en effet, cessé d’apporter sa solidité défensive, son explosivité, sa maturité et son expérience du très haut niveau. Avec une grande fiabilité. Dès lors, si les noms de Pierre Lees-Melou ou Romain Del Castillo reviennent, à juste titre, avec insistance au moment d’évoquer la saison historique de l’actuel 4e de Ligue 1, que dire des performances réalisées par celui qui totalise, aujourd’hui, 2 buts et 3 passes décisives en 35 matches toutes compétitions confondues. Brillant et à la tête de statistiques évocatrices - il est, par exemple, dans le top 4 européen des latéraux avec le plus d’actions progressives réussies par la passe ou par la course - Kenny Lala s’est ainsi confié sur ce retour au premier plan et l’incroyable épopée du club finistérien, qui s’apprête à défier Toulouse, ce dimanche, pour le compte de la 34e et dernière journée de Ligue 1.
«Aujourd’hui, à Brest, je me sens respecté !»
Foot Mercato : bonjour Kenny, avant de revenir sur cette saison exceptionnelle, pourriez-vous, à titre personnel, nous en dire plus sur ce choix de rejoindre Brest après une expérience du côté de l’Olympiakos ?
Kenny Lala : je cherchais à reprendre du plaisir, à retrouver le bonheur de jouer au foot et d’être dans un bon effectif et de venir tous les matins avec le sourire à l’entraînement. Je ne l’ai jamais vraiment perdu mais il y a eu des moments plus compliqués, j’ai eu quelques épreuves mais je voulais surtout retrouver le plaisir d’un club, d’un groupe et de belles performances sur le terrain. J’ai discuté en amont avec mon conseiller, il m’avait vanté le travail de Grégory Lorenzi, sa parole, ses engagements toujours tenus mais aussi tout ce qu’il a réalisé pour amener le club là où il se trouve aujourd’hui et force est de constater qu’il ne s’est pas trompé car tout s’est vraiment passé comme ça avait été dit au départ. Ce qui était aussi primordial pour moi était de me retrouver moi-même, à mon plein potentiel, de me sentir respecté aussi que ce soit en tant que footballeur mais aussi en tant qu’homme et Brest m’a vraiment accordé tout ce dont j’avais besoin quand ça allait moins bien. J’ai toujours eu la pleine confiance de mes dirigeants que ce soit Eric Roy, le président ou mon directeur sportif, Grégory Lorenzi, et c’est ce qui fait aussi qu’aujourd’hui, je me sens très bien que ce soit dans la tête ou physiquement.
FM : sur le plan collectif désormais, comment expliquez vous cette saison historique pour le SB29 ?
KL : le collectif s’est construit de match en match, l’état d’esprit aussi et ensuite on a continué à prendre du plaisir et on voit que ça nous mène aujourd’hui à une saison exceptionnelle malgré tout pour Brest mais ce n’est pas le fruit du hasard, ce côté exceptionnel est aussi lié au bon travail réalisé depuis un moment par ce club. On a connu des moments compliqués, notamment la saison dernière et c’est dans les moments durs qu’on voit qui on est. Au final, on a su se révéler cette saison et ça fait du bien pour tout le monde de jouer autre chose que le maintien. C’est une belle réussite individuelle et collective de pouvoir réaliser une telle saison.
FM : d’où vient ce changement de dimension ?
KL : c’est une nouvelle dynamique, un changement mental, physique. On travaille dur chaque semaine, chaque jour à l’entraînement. Un tel succès ne s’acquiert que comme ça. La préparation a été intense, les matches de préparation avant même le début de saison étaient durs, ce qu’on a ensuite vécu en championnat a aussi été dur et encore aujourd’hui tout reste très dur mais on essaie de ne rien lâcher. On a vraiment forgé cette mentalité : ne jamais rien lâcher, on veut se donner à 100 % et ne pas avoir le moindre regret en fin de saison. On veut continuer à maintenir ce cap face à Toulouse, dimanche, et ça peut déboucher sur de très belles choses au cours des prochaines semaines. Ce qui est bien, c’est que sur la durée, on a maintenu le cap. On ne peut plus parler de hasard après autant de journées, on a trouvé une belle recette donc c’est encourageant.
«Eric Roy ? C’est le capitaine du navire !»
FM : comment appréhendez vous cette ultime journée avec cette lutte pour la troisième place ?
KL : je pense qu’il faut rappeler que la pression n’est pas sur nos épaules. Personne nous attendait à ce niveau-là, on a déjà rempli les objectifs du club, on les a même dépassé avec cette qualification historique pour le tour préliminaire de la prochaine Ligue des Champions donc maintenant il s’agit de se faire plaisir, de montrer qui on est et d’aller chercher quelque chose collectivement pour garder les meilleurs souvenirs de cette saison déjà aboutie. Mentalement, il reste ce match face à Toulouse, on va tout donner comme on l’a fait depuis le début de cette saison, c’est un sprint final, on est ambitieux, on ne va pas se cacher non plus. On est en haut mais si on peut toucher les étoiles, on ne va pas se priver. Après, le plus important est de se donner à 100 % et de ne pas avoir de regrets. On a rien à perdre, on a pas su faire la différence quand il le fallait et Lille reste une équipe taillée pour jouer ce sprint final donc à nous de montrer une dernière fois ce qu’on peut réaliser. On a cette 4e place acquise quoi qu’il arrive et c’est déjà bien, ça vient récompenser la saison et il reste cette belle finale à distance où chacun doit faire son résultat pour décrocher cette place sur le podium. C’est beau à vivre et on va jouer le coup à fond.
FM : plus globalement comment avez-vous accueilli cette qualification européenne ?
KL : c’est une fierté, il y avait Nice qui poussait derrière, on a accueilli ça avec fierté sincèrement, la saison a été longue, on est dans les 4 premiers et il faut savoir en profiter. On peut maintenant se focaliser sur ce dernier match et continuer de rêver à viser plus haut encore. Après, peu importe le résultat, on pourra malgré tout affirmer que la saison a été très bonne et il n’y aura pas de regrets.
FM : dans cette dynamique, quel est l’apport de votre entraîneur, Eric Roy, récemment récompensé du titre de meilleur entraîneur de la saison aux Trophées UNFP ?
KL : il apporte cette assurance au groupe, il nous parle constamment. C’est le capitaine du navire, si ça ne va pas, il crie mais il rassure aussi dans nos moments de doute. Il essaie de trouver les mots justes, il sait quand il faut pousser ce coup de gueule ou au contraire avoir ce discours plus réconfortant. Il sait nous mettre en confiance et on a vu que le groupe aujourd’hui est en confiance. Tout ça c’est aussi la réussite du coach qui a su redonner un élan et une dynamique mentale à cet effectif. C’est un véritable meneur d’hommes et ça fait la différence.
FM : concernant ces Trophées UNFP, plusieurs de vos coéquipiers ont été récompensés…
KL : ça me fait plaisir pour eux, même de l’avoir regardé à distance, c’était une fierté de voir ses coéquipiers récompensés, de voir Brest mis en avant ça fait plaisir, de voir la ville représentée, c’est vraiment top. On ne se rend pas compte mais ce sont beaucoup de sacrifices durant une saison et de voir ces récompenses au bout, c’est un bel accomplissement…
FM : vous avez des regrets de ne pas être dans le onze type ?
KL : non non, je suis satisfait de ma saison et il n’y a pas de comparaisons à faire, chacun a voté en son âme et conscience et tous les joueurs présents dans cette équipe type méritent d’être là. J’aurais forcément aimé voir Romain (Del Castillo) et Marco (Bizot) dedans. Marco méritait selon moi le titre de meilleur gardien de la saison mais c’est comme ça, je suis content quoi qu’il en soit pour mes coéquipiers, ça les met en avant, ça peut lancer certaines carrières aussi ces moments-là, c’est bien, quand je vois Bradley (Locko) être là pour sa première saison en tant que titulaire, c’est top, il travaille fort et j’espère qu’il ira encore plus loin.
FM : aujourd’hui vous êtes parmi les cadres du vestiaire, cela vous confère-t-il un rôle particulier ?
KL : je me suis toujours positionné en tant que leader sur le terrain. Pour moi, il faut être performant sur le terrain avant tout. Si on veut parler, il faut être exemplaire et tout donner sur le terrain. Je me donne aussi en dehors du terrain car le football ce n’est pas que le rectangle vert. Après le coach, aujourd’hui, me considère comme un cadre de ce groupe et il attend de moi que j’amène cette sérénité dans le groupe surtout dans ce sprint final. Ce n’est pas quelque chose d’habituel pour l’effectif, pour moi aussi, je n’ai pas joué l’Europe toute ma carrière mais quand j’étais à l’Olympiakos j’étais quand même dans un club très européen où c’est ce qui comptait le plus (il a disputé 11 matches en Ligue Europa et 3 matches lors des tours préliminaires de la Ligue des Champions, ndlr). J’ai connu cette exigence, cette pression et cette capacité à la transformer en positif dans des moments charnières. Aujourd’hui, nous n’avons pas la pression du statut mais avec cette sérénité, on peut aller chercher de grandes choses et on se doit de rester ambitieux avec un haut niveau d’exigence. Je dois assumer ce rôle de leader, rester toujours à l’écoute, notamment vis-à-vis des jeunes qui peuvent avoir des questions tactiques ou me demander des conseils. J’essaie de faire du mieux possible, après ils peuvent en tenir compte comme laisser ce que je dis de côté mais c’est important d’être le plus présent possible et d’apporter cette positive attitude. Globalement, j’apporte cette confiance.
Kenny Lala, un leader à bien des égards !
FM : dans la continuité, comment définiriez vous votre apport au sein de ce groupe ?
KL : je me sens bien, serein et honnêtement avec le groupe on vit très bien. Après, j’espère apporter cette sérénité. J’essaie d’être un leader mental et technique sur le terrain et pour moi ça reste une de mes forces d’avoir cette tranquillité. J’ai parfois quelques coups de chaud car je déteste la défaite mais je veux toujours emmener le groupe vers le haut. Je fais tout sur le terrain et en dehors pour que tout le monde soit bien et serein. Aujourd’hui, par exemple, je suis associé à Romain Del Castillo dans mon couloir et j’essaie de tout faire pour qu’il soit dans les meilleures dispositions possibles, qu’il soit bien dans sa tête. J’ai envie qu’il soit libéré donc j’assume cette pression défensive pour qu’il puisse pleinement s’exprimer aux abords de la surface adverse. Je veux que les gens à mes côtés se sentent bien. Cet état d’esprit permet aussi de nourrir une belle complicité avec mes coéquipiers et chacun travaille pour l’autre. Le plus important pour moi est d’être un leader mental, savoir quand il faut accélérer, quand il faut calmer le jeu, ce sont des éléments importants et je pense que j’ai acquis cette sensibilité avec mes différentes expériences au cours de ma carrière et j’essaie de mettre tout ça au service du club aujourd’hui. Mon rôle est en premier de défendre même si j’aime beaucoup attaquer. Après, c’est une phrase que j’ai beaucoup dis à Romain cette saison « fais toi plaisir offensivement et si tu passes pas, fais l’effort mais si tu passes souvent, alors continue et garde tes forces pour attaquer, je reste toujours derrière quoi qu’il arrive pour assurer sur le plan défensif ».
FM : comment envisagez-vous la suite de votre carrière après une saison aussi pleine dans un collectif aussi brillant ?
KL : pour mon futur, la logique va rester la même. Malgré les matches qui s’enchaînent et l’âge qui avance, on a toujours de l’ambition mais le plus important reste le plaisir et d’être respecté là où on est donc c’est ce que je vais toujours chercher dans le football. Aujourd’hui, avec mon conseiller, je ne suis pas focalisé sur la question de mon avenir, que ce soit prolonger ou partir, aujourd’hui, je suis pleinement focalisé sur les objectifs du club et cette fin de saison excitante. Et mes décisions seront toujours liées à mon bien-être au sein d’un projet, c’est aussi quelque chose qui est clair avec mon conseiller et la direction du SB29.
«Mon avenir ? Je me sens vraiment bien ici depuis mon arrivée…»
FM : est-ce que cette qualification en Ligue des Champions conditionne aujourd’hui votre avenir ?
KL : sincèrement, je ne réfléchis pas forcément comme ça. Le respect et tout ce qu’on pourra m’apporter autour passera avant le reste dans mes décisions. Après, évidemment, on ne va pas se mentir, on joue au football pour jouer ce type de compétition. C’est le Graal. Je ne connais pas une personne qui joue en Europe et qui me dit qu’il n’a pas envie de jouer la Ligue des Champions, ça serait de la folie. On a toujours envie d’être le meilleur, de jouer contre les meilleurs. Ça fait partie de notre apprentissage, on apprend toujours, que ce soit à 20 ans, 30 ans, 35 ans… Je ne sais pas si mon avenir est lié spécialement à cette qualification en Ligue des Champions mais je sais en tout cas qu’à Brest, je n’ai pas besoin d’avoir cette compétition là pour me sentir respecter. Je me sens vraiment bien ici depuis mon arrivée, c’est évidemment un bonus et une très belle chose de vivre tout ça avec Brest, c’est une magnifique récompense pour tout le monde, au-delà des considérations individuelles.
FM : en cas de départ, est-ce qu’un championnat vous attire ?
KL : le championnat ultime reste l’Angleterre de mon point de vue après j’ai aussi appris à aimer d’autres championnats comme l’Allemagne. Avant je n’aimais pas du tout quand j’ai commencé le football et en m’y intéressant notamment tactiquement, j’ai aussi des amis qui jouent là-bas, je regarde les matches le week-end, c’est un championnat qui m’attire aussi beaucoup. L’Angleterre et l’Allemagne, je trouve que c’est le top de la qualité en Europe actuellement.
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