Quand le Barça ne mise plus sur La Masia…
Cet été, de nouveaux jeunes ont encore quitté le FC Barcelone, alors que de nombreux joueurs venus de l'extérieur sont venus renforcer les rangs blaugranas. Le Barça aurait-il mis de côté la politique de formation qui lui avait valu tant de succès ces dernières années ?
« Cartera por cantera », que l'on pourrait traduire en français par « porte feuille au lieu de formation ». C'est l'expression à la mode en Espagne lorsqu'il s'agit d'évoquer le mercato estival du Barça. Si tout le monde s'accorde à dire que les Catalans se sont relativement bien renforcés pendant ce marché des transferts, beaucoup regrettent un manque de confiance accordé aux jeunes de La Masia qui semble de plus en plus flagrant. Cet été, ils ont encore été nombreux à quitter le club, sous forme de prêt ou de transfert définitif, à l'image de Sergi Samper, Munir El Haddadi, Cristian Tello, Martin Montoya, Sandro Ramirez ou Marc Bartra. Luis Enrique, dont les résultats sportifs sont pratiquement incontestables, est au centre des critiques. Beaucoup de supporters et de journalistes catalans estiment que certains des joueurs précédemment nommés avaient une carte à jouer dans l'effectif blaugrana cette saison, en particulier le premier et le dernier cités. Une saignée estivale qui n'est pas nouvelle, puisque la saison précédente, c'étaient des joueurs comme Adama Traoré, Gerard Deulofeu ou Alejandro Grimaldo qui avaient dû s'en aller tenter leur chance sous de nouveaux horizons.
Aujourd'hui, on ne compte plus que 8 joueurs formés au club au sein de l'effectif du club de la Ciudad Condal : Jordi Masip, Sergi Roberto, Gerard Piqué, Jordi Alba, Sergio Busquets, Rafinha, Andrés Iniesta et Lionel Messi. Il n'y a encore pas si longtemps que ça, le 11 novembre 2012, le Barça établissait un record et alignait un onze exclusivement composé de joueurs formés au club, chez Levante en Liga. Parmi les joueurs promus en A sur ces trois dernières saisons, Masip est le seul toujours en place, et sa présence est purement anecdotique. Sergi Roberto, promu un peu avant, est de son côté le seul jeune joueur arrivé récemment du Barça B ayant réussi à s'imposer sur la durée L'entraîneur barcelonais lui, se voit coincé dans une situation compliquée à gérer. Il faut dire que le contexte du Barça des premiers pas de Guardiola et du Barça actuel ne sont absolument pas comparables. L'exigence en termes de résultats et de jeu n'a jamais été aussi élevée qu'aujourd'hui, à tel point que le moindre match nul peut soulever une vague de critiques dans la presse. Aligner des jeunes plutôt que des joueurs confirmés peut donc être une prise de risque pouvant coûter cher... Toujours est-il que le Barça n'a aujourd'hui pas de remplaçant pour Sergio Busquets, rôle que Samper pouvait assumer à merveille, pendant que beaucoup de supporters se demandent si un Marc Bartra n'avait pas plus sa place que Jérémy Mathieu dans l'équipe...
Et chez les autres puissances espagnoles ?
Peut-on dire que La Masia a perdu de sa superbe ? Il est évident qu'il sera compliqué de reproduire des générations aussi talentueuses que celle de Xavi, Iniesta ou Messi, mais nombreux sont les joueurs formés à Barcelone qui ont montré de belles choses un peu partout en Europe dernièrement. On peut par exemple citer Mauro Icardi, Hector Bellerin, Thiago Alcantara ou Baldé Keita, comme on peut citer des éléments comme Iván de la Peña, Sergi Barjuan ou Guillermo Amor avant la génération dorée. Du côté de Madrid, on hésite pas à tacler le Barça. Il faut dire que pendant longtemps, les supporters du Barça ont érigé leur modèle en exemple, face au modèle madrilène vu de Catalogne comme principalement basé sur l'achat de joueurs à prix colossaux. « Ils ne disaient pas qu'on ne touche pas à la Masia ? Il n'y a pas de Umtiti dans le centre de formation culé ? Pas de Digne ? Pas de Gomes ? Bien sûr qu'il y en a, évidemment, ce qui se passe, comme ça a toujours été le cas, c'est que la direction du club catalan pense que ceux qui sont déjà au club sont moins bons que ces trois là, qui ont d'ailleurs coûté une somme environnant les 100 millions d'euros. Le Real Madrid a gagné la Supercoupe d'Europe avec 7 espagnols dans le 11 titulaire, le Barça a battu la Sampdoria lors du Gamper avec seulement 4 espagnols », écrivait l'éditorialiste de Marca Juanma Rodriguez le 11 août dernier.
Pourtant, le Real Madrid n'est pas forcément un modèle de ce côté là. Si le club a entamé un processus de rajeunissement et d'espagnolisation de l'effectif, on ne compte qu'un canterano dans le onze de départ habituel, à savoir Dani Carvajal, pendant que Lucas Vazquez, Rubén Yáñez, Nacho Fernandez, Morata et Kiko Casilla complètent la liste de joueurs formés au sein de la Fabrica. C'est donc bien moins qu'à Barcelone si on se base sur le ratio de joueurs formés localement et leur importance dans l'équipe. Il faut dire que des jeunes souvent utilisés comme Isco, Mariano ou Asensio ont été recrutés à un âge tardif, et ne peuvent donc pas, au même titre que Denis Suarez au Barça, être considérés comme formés au club. De l'autre côté des Pyrénées, il faut se tourner vers l'Athletic Bilbao, le Sporting de Gijón et Las Palmas pour trouver une majorité de joueurs formés au club dans l'effectif, pendant que l'Atlético s'en sort aussi plutôt bien avec des joueurs comme Koke, Saúl Ñíguez, Fernando Torres ou Gabi issus de son académie. Mais le champion d'Espagne en titre reste une des références en Liga. Même au niveau européen, le Barça reste encore un modèle, statistiquement parlant du moins, mais si le club continue sur cette lancée, beaucoup de supporters craignent que le club abandonne définitivement sa politique de formation et que La Masia ne serve uniquement à former et vendre des joueurs pour renflouer les caisses...