Guerre en Ukraine : comment les footballeurs ukrainiens vivent le conflit à distance
Alors que la guerre a éclaté entre la Russie et l'Ukraine, les joueurs de la Zbirna évoluant à travers l'Europe ont vécu la situation de manières bien différentes. Mais, un point commun les unit : le sentiment de colère et de tristesse face à ce terrible conflit.
Alors que la guerre entre la Russie et l'Ukraine a éclaté mercredi soir et que le monde du football a réagi vivement à cette situation, les footballeurs ukrainiens ont vécu les évènements de différentes façons. Sur la scène locale, le championnat est arrêté jusqu'à nouvel ordre et les ressortissants étrangers à l'image des joueurs brésiliens du Shakhtar Donetsk ont demandé a été extradé du pays. Certains étrangers comme le coach du Dynamo Kiev, le Roumain Mircea Lucescu, sont prêts à rester dans le pays malgré l'état de guerre qu'il subit de plein fouet. Abdullah Dogan, ancien du Werder Brême qui était dans le pays pour signer au Metalist Kharkiv, est bloqué dans le pays selon Bild et vit dans le métro : «si j'avais su ce qui allait se passer, je n'aurais jamais voyagé ici. Je suis choqué. J'ai vu des chars et des hélicoptères à l'aéroport. Je dors dans le métro, car des coups de feu se font entendre à l'extérieur. Cela semble plus sûr que les immeubles d'habitation. J'ai peur de ne plus revoir ma fiancée, et mes frères et sœurs. Je suis très inquiet pour ma vie.» Des témoignages édifiants qui sont évocateurs de la gravité des conflits. Bien qu'indirectement impliqués, les ressortissants ukrainiens souffrent également terriblement et certains footballeurs sont concernés. Victimes collatérales de cette situation, les Ukrainiens évoluant hors du pays et dont les familles sont restées sur place, vivent le conflit avec la peur au ventre et de nombreux ressentiments. Joueur de Manchester City et certainement l'un des Ukrainiens les plus célèbres, Oleksandr Zinchenko a cédé d'abord à la colère envers l'homme qui a ordonné l'assaut sur le pays : le président Vladimir Poutine.
Sur son compte Instagram, il avait souhaité «la mort la plus douloureuse qui soit» au dirigeant russe. Particulièrement touché par la situation, Oleksandr Zinchenko avait déjà subi la guerre en 2014 dans le Donbass quand il évoluait au centre de formation du Shakhtar Donetsk : «c'était une situation difficile, car à ce moment-là j'avais un contrat avec le Shakhtar Donetsk, mais c'était très dangereux en Ukraine. C’est pourquoi mes parents ont déménagé. Je venais m'entraîner tous les jours par moi-même dans les rues de Moscou.» Amené à fuir, il a finalement signé à Ufa où il a redonné un souffle à sa carrière avant de rejoindre anonymement Manchester City à l'été 2016. Jeudi soir avec son épouse - également ukrainienne - Vlada, il avait participé à une manifestation dans le centre-ville de Manchester. Déterminé et échaudé par les événements, il est prêt à jouer ce samedi contre Everton (rencontre à suivre sur notre live commenté) comme l'a expliqué son coach Pep Guardiola en conférence de presse : «évidemment, il est inquiet. Que ressentirions-nous si le pays où nous sommes nés, où nous avons de la famille et des amis était attaqué, tuant des innocents ? Comment vous sentiriez-vous ? J'ai parlé en privé avec lui et avec le staff. Oleks est un gars incroyablement fort. Ce n'est pas facile, mais aujourd'hui et hier à l'entraînement, il a été brillant. Il est prêt à jouer.» Un mental énorme de la part d'Oleksandr Zinchenko et qui est partagé par ses compatriotes de l'équipe nationale. Ce samedi Manchester City affronte Everton où l'on retrouve Vitaliy Mykolenko. Remplaçant ce samedi, ce dernier bénéficie du soutien des fans des Toffees qui ont déployé une banderole de soutien : «nous sommes avec l'Ukraine».
Ruslan Malinovskiy et Roman Yaremchuk ont marqué
Jeudi en Europa League, l'Atalanta se déplaçait sur la pelouse de l'Olympiakos. Homme fort du club italien, Ruslan Malinovskiy a joué et il s'est même offert un doublé au cours duquel il a relevé son maillot pour afficher un message pacifiste : « Pas de guerre en Ukraine.» Il a a ensuite fait part de son indignation : «les nouvelles venant de Russie ne disent pas la vérité : ils prétendent protéger l'Est contre nous les Ukrainiens, mais en réalité, ils nous attaquent ! C'est un crime contre toute l'humanité, il faut arrêter cette horreur.» Comme Pep Guardiola, son coach Gian Piero Gasperini a été particulièrement impressionné par la volonté de son joueur : «nous traversons tous une période difficile en ce moment et c'est encore plus vrai pour lui. Ce matin, je lui ai demandé s'il se sentait prêt à jouer, car il a ses parents et d'autres membres de sa famille en Ukraine actuellement. Le football ne peut pas résoudre les problèmes, mais j'espère qu'il pourra apporter une petite contribution pour que tout le monde se sente plus proche.» La veille et alors que le conflit allait connaître un tournant majeur, c'est Roman Yaremchuk qui se distinguait. Buteur contre l'Ajax (2-2), le joueur avait montré un maillot avec l'emblème national pour soutenir son peuple. Après la rencontre, il s'était exprimé à ce sujet sur CNN Portugal : «je voulais soutenir mon pays. Je pense beaucoup à ce qui se passe et la situation me fait peur. Je veux un peu soutenir mon pays. Mon club me soutient, me parle et fait tout pour m'aider. J'en suis reconnaissant, mais pour l'instant, tout va bien.»
Également amené à évoluer sur les terrains de football en Ligue Europa Conférence, le défenseur Taras Kacharaba est entré sur la pelouse avec ses coéquipiers du Slavia Prague avec un maillot de la sélection sur le dos où il était marqué le message : « nous sommes debout avec l’Ukraine.» Héritant du brassard de capitaine pour ce match si particulier, il a aussi réagi sur le terrain en livrant un match sérieux conduisant à la qualification de son équipe (3-2, 6-2 au cumulé). Il a ensuite exprimé son ressenti sur ses réseaux sociaux : «je ne peux pas me taire… Le matin du 24 février, notre pays a été attaqué par un ennemi, le nom de cet ennemi est la Russie, un ennemi qui veut nous enlever notre indépendance, nos territoires et nous laisser sans nos proches. Un grand salut aux gars qui défendent nos territoires. Merci pour votre soutien. Gloire à l'Ukraine ! Gloire aux héros !» Titulaire ce samedi avec le FC Hansa Rostock, Danilo Sikan, qui a été prêté cet hiver par le Shakhtar Donetsk, a aussi tenu à jouer. Son coach Jens Härtel a toutefois avoué que le jeune buteur de 20 ans était très déstabilisé : «bien sûr, il est extrêmement stressé et inquiet des développements dramatiques dans son pays d'origine.» En Belgique, l'international évoluant au Club Bruges Eduard Sobol devrait bien jouer le choc contre Antwerp ce dimanche comme l'a expliqué son entraîneur Alfred Schreuder en conférence de presse : «j'ai parlé ce matin avec Eduard. Ce qu'il se passe dans son pays est horrible pour tout le monde. Je lui ai également dit que s'il veut un jour (de congé) pour faire autre chose que du football, il peut le faire. Il voit le football comme une sorte de détente. Bien sûr, il y pense, mais je suppose qu'il peut y faire face professionnellement.»
We stand with Ukraine! ✊ 🇺🇦 🔱 pic.twitter.com/aTt9ewX8GC
— SK Slavia Praha 🏆🏆🏆 (@slaviaofficial) February 24, 2022
Certains n'ont pas joué
Originaire de Cherson en Crimée, l'ancien du Shakhtar Donetsk Viktor Kovalenko, prêté par l'Atalanta à la Spezia, devrait être amené à jouer demain contre l'AS Roma. Sur ses réseaux sociaux, il a lui aussi exprimé ses désirs de paix : «je suis très inquiet de ce qui se passe dans mon pays et toutes mes pensées vont maintenant aux personnes qui protègent notre patrie. En ce moment, toute l'Ukraine et tous ses habitants doivent être unis. J'espère qu'il y aura bientôt la paix. Il est difficile de voir des proches et des compatriotes pleurer et souffrir lors de cette attaque. Je prie pour l'Ukraine.» Si de nombreux joueurs ont tenu à jouer et veulent utiliser le football comme une échappatoire face à cette situation très compliquée sur le plan personnel, d'autre ont été mis au repos. Une réaction également logique qu'a prise Andriy Yarmolenko avec West Ham. «Il nous a demandé s'il pouvait avoir quelques jours de congé et nous lui avons bien entendu accordés. C'est une période vraiment difficile pour lui et sa famille et nous respectons (sa décision)» a expliqué son coach David Moyes. Cela a aussi été très difficile pour Danylo Ignatenko arrivé cet hiver à Bordeaux. «Hier, Danylo est arrivé à l’entrainement en pleurs. Je suis un homme et un citoyen avant tout. Je suis moi-même très touché par ce qu’il se passe. J’ai discuté avec Dany. Il est très affecté. Sa famille est sur place, en Ukraine. Je lui ai dit que j’étais là pour le soutenir. Le club et l’ensemble de la famille des Girondins de Bordeaux sont là pour le protéger» a notamment expliqué David Guion, le coach du club marine et blanc.
Portier du Real Madrid, Andriy Lunin qui a reçu le soutien de son coach Carlo Ancelotti ne va pas jouer ce samedi contre le Rayo Vallecano et il a même fait un message pour collecter des objets de première nécessité afin de les envoyer en direction de l'Ukraine : «chers Espagnols et tous ceux qui veulent aider l’Ukraine maintenant en ces temps difficiles, sur Calle Méndez Álvaro 8, Ucramarket, de 11h00 à 17h00, nous avons besoin de conserves, de coton, d’élastiques, de bandages, de médicaments hémostatiques, d’analgésiques et de vêtements chauds. Merci beaucoup.» En Russie, six joueurs ukrainiens sont amenés à reprendre en même temps que le championnat russe. Il s'agit de Yaroslav Rakitskiy (Zenit), Dmiytro Ivasenya (Krylia Sovetov), Artem Polyarus (Akhmat), Mark Mampassi (Lokomotiv), Denys Kulakov (Ural) et Ivan Ordets (Dynamo Moscou). Ce dernier n'a pas joué ce samedi midi contre Khimki et n'était pas présent tout comme l'entraîneur adjoint, l'ancien buteur de Liverpool, Andriy Voronin. «L'entraîneur Andriy Voronin et le défenseur Ivan Ordets ne participeront pas au match contre Khimki. Nous estimons que des explications supplémentaires sur leur absence sont superflues : force est de constater qu'en la circonstance, leurs pensées portent désormais sur autre chose» a annoncé le club moscovite dans un communiqué. L'arrière droit Denys Kulakov n'était pas présent sur la feuille de match avec Ural contre Nizhny Novgorod. Cadre du Zenit, Yaroslav Rakitskiy, qui n'est plus international ukrainien depuis qu'il a poursuivi sa carrière en Russie, a pris la parole contre la position russe sur ses réseaux sociaux avec un message simple et efficace "I’m Ukrainian!" soit "Je suis Ukrainien". Comme ses compères évoluant en Russie, la situation est très complexe pour lui et il a de fortes chances de ne pas jouer ce week-end comme ses camarades. Victimes collatérales de ce conflit, les ressortissants ukrainiens vivent le conflit à distance et de manières bien différentes. C'est une réaction humaine et cela tranche inexorablement avec l'inhumanité de la guerre.