Hubert Patural, candidat au rachat de Saint-Étienne : « je suis en mesure de provisionner entre 85 et 100 M€ dès la prochaine saison »
Rencontré en début de semaine à Barcelone, l’entrepreneur français Hubert Patural a choisi Foot Mercato pour dévoiler publiquement sa candidature au rachat de l’AS Saint-Étienne. Une candidature à base locale, mais à la dimension internationale et "innovante" et qui offre selon lui, la garantie que l’ASSE sera entre de bonnes mains, alors que des rumeurs de vente à des fonds d’investissement étrangers pullulent en cette fin de saison décisive pour les Verts.
Foot Mercato : Hubert Patural, pourquoi faites-vous savoir publiquement votre candidature à la reprise du club ASSE ?
Hubert Patural : je suis un Stéphanois pure souche, né à 500 mètres de Geoffroy Guichard, dans le quartier de Montaud. Je suis tombé dans le chaudron vert tout petit. Aujourd’hui, je suis investisseur et administrateur d’une quinzaine de sociétés. Pour les dernières fêtes de Noël, j’étais entre Saint-Étienne et le Chambon sur Lignon pour revoir la famille, la belle-famille et mes nombreux amis stéphanois. Lors de nos échanges sur l’avenir du club, une question revenait régulièrement : pourquoi un club comme l’AS Saint Étienne, en vente depuis six ans, n’a toujours pas trouvé preneur, alors qu’un club se vend couramment entre douze à dix-huit mois ?
FM : et quel constat faites-vous donc ?
HP : nous partons de l’idée avec mes amis que les propriétaires actuels attendent la bonne proposition d’un juste prix d’achat et de justes moyens d’investissements qui assurent la pérennité du club. Une bonne proposition qui ne se refuse pas d’autant plus qu’elle serait soutenue par un Stéphanois, chef d’entreprise et qui a l’étoffe pour préserver notre club et notre patrimoine.
«L’acheteur devra se montrer peu regardant des "cadavres" oubliés dans les placards »
FM : c’est pour cela que vous vous êtes rapproché du président du directoire, Rolland Romeyer ?
HP : préalablement à cette rencontre, j’ai pris le temps sur plusieurs mois d’échanger de mon projet intitulé « GO GREENS » avec des amis entrepreneurs, sportifs et d’autres… Tous ont comme point commun d’être supporters inconditionnels des Verts. Nous pensons à un projet alternatif et innovant reposant sur la force de ses business-socios, à l’instar de ce qui se passe au Barça, au Real, au Benfica ou à l’Athletic Bilbao.
FM : comment se déroule votre premier contact avec M. Romeyer ?
HP : il se fait d’une façon informelle à Lyon, début avril, en présence de nos conseils respectifs. Nous parlons de Saint-Étienne, de Bas en Basset d’où ma mère est originaire, de mon père architecte qui avait fait appel dans les années 80 à Romeyer pour un chantier quand ce dernier était menuisier. Nous parlons aussi de la petite station balnéaire de Sitges à côté de Barcelone, où je vis actuellement avec mon épouse, et de son voyage de noces qu’il y a fait il y a 50 ans. Nous parlons aussi du club, de la saison, de sa vision d’avenir, de sa fatigue, mais aussi de sa passion pour ce club.
FM : vous n’abordez aucun chiffre ?
HP : si, bien sûr. Il me fait part de son intention de céder le club, en accord avec son associé (Bernard Caiazzo, ndlr), pour un montant compris entre 25 et 30 M€ selon un bonus de remontée. Je lui exprime clairement que je suis en mesure de provisionner, avec mes investisseurs, entre 85 et 100 M€ d’investissements dès la prochaine saison, dont 40M€ pour l’acquisition, que le club soit en Ligue 1 ou en Ligue 2. Il est convenu que mes conseils se rapprochent dès le lendemain de son cabinet d’expertise-comptable (KPMG, ndlr) pour avoir accès à la data room. Je lui exprime mon souhait que nos banques d’affaires réciproques soient mandatées pour mener à bien ce deal. On se quitte sur la promesse de se revoir au plus vite. On se donne même une tape sur l’épaule en guise de complicité (sourires).
FM : que se passe-t-il par la suite ?
HP : sur des prétextes fallacieux de tiers et changeants heure après heure, on nous refuse immédiatement l’accès alors que toutes les conventions de confidentialité ont été signées. « Si vous changez d’avocats, si vous nous présentez une preuve de fonds de 30M€, si vous acceptez de négocier exclusivement avec notre cabinet d’expertise comptable ! » nous répond-on… Un échange téléphonique 48h après notre rencontre me permet de clarifier à Romeyer. Je lui dis : « la balle est dans votre camp ». Cela se solde le lendemain par une fuite incongrue dans la presse de notre rencontre pour justifier la rupture de nos relations.
FM : vous avez songé à abandonner ?
HP : c’est mal me connaitre (rires). Les intrigues, l’opacité, les manipulations, les zones d’ombres attisent ma curiosité. Mes équipes se mettent en veille et intelligence économique pour "creuser" un peu plus. Mes réseaux s’activent et posent des questions. Et les réponses m’alertent.
FM : que voulez-vous dire?
HP : que le club est en vente, oui, mais qu’il ne sera pas vendu à n’importe qui. L’acheteur devra se montrer peu regardant des "cadavres" oubliés dans les placards.
FM : est-ce pour cela que vous sortez publiquement aujourd’hui ?
Oui, car j’ai peur pour mon club de coeur. Je suis un supporter comme n’importe quel amoureux de l’ASSE, et oui, aujourd’hui j’ai peur. Si demain le club est vendu au premier vautour venu, qui nous dit que nous n’allons pas nous retrouver dans la situation catastrophique de Sochaux l’an dernier ? Quand le fond chinois qui avait acquis le club a découvert toutes les ardoises dissimulées, il a arrêté de mettre au pot et placé le club sochalien en liquidation judiciaire. Ce serait évidemment une catastrophe… Un pigeon, aussi requin de la finance soit-il, s’il est piégé, n’hésitera pas à déclarer immédiatement le club en cessation de paiement si cela devient un boulet incontrôlable pour lui. La DNCG sera intransigeante et l’ASSE pourrait être rétrogradée dans les divisions amateurs… Comme supporter inconditionnel des Verts et comme entrepreneur international qui se donne les moyens de ses ambitions, je ne peux l’envisager.
«De gros noms sont avec moi. J’enchaine les réunions et les vidéoconférences depuis des semaines.»
FM : ne craignez-vous pas d’être accusé de déstabiliser le club en parlant publiquement?
HP : cette hypocrisie, si elle est exploitée, me confortera qu’un entrepreneur averti, de surcroit stéphanois et français, devient gênant s’il a de l’intérêt pour racheter son club de coeur. Le défi pour tous, c’est assurer la continuité du club, préserver notre patrimoine commun. Il ne faut pas se faire d’illusions. Si le club est vendu avec ses vices cachés au premier pigeon venu, le risque est certain de connaitre la mauvaise histoire de Sochaux, de Bordeaux, de Sedan, de Cannes et bien d’autres clubs historiques et abandonnés.
FM : pourquoi persistez-vous alors ?
HP : j’apprends que les vendeurs mènent des discussions avec des fonds étrangers et obscurs qui offrent 20 à 25 M€. Et alors que je provisionne 85 à 100 M€ d’investissements, dont 40M€ pour l’achat, on balaie mon offre d’un revers de la main. Pourquoi autant de nébuleuses pour que la cession se fasse inconditionnellement à des étrangers ?
FM : pouvez-vous rassurer les supporters sur votre capacité financière à pérenniser le club ?
HP : je suis contraint à une certaine discrétion sur l’ingénierie capitalistique menée avec mes banques d’affaires pour finaliser notre offre. Mais de gros noms sont avec moi. J’enchaine les réunions et les vidéoconférences depuis des semaines. Bientôt vous en saurez plus, mais les supporters seront rassurés, croyez-moi.
FM : avec de tels moyens, à quoi ressemblera votre équipe pour la prochaine saison ?
HP : le mot d’ordre confié au staff sportif sera de garder et dénicher des joueurs qui ont de la trempe, du charisme, de la fougue… à l’image de mon équipe type composée, ceux que je ne vais pas citer vont m’en vouloir (rire), de Jérémie Janot, Lubo Moravcik, Moustapha Bayal Sall, Bafé Gomis, Patrick Guillou, Alex, Rémi Cabella, Oswaldo Piazza, Robert Beric, Aubameyang…
FM : selon vous le club est en situation de détresse ?
HP : le club doit trouver un repreneur rapidement car les cédants n’ont pas les moyens à réinvestir pour une saison de plus. L’ASSE est très endettée de PGE, prêts immobiliers… et doit faire face à plusieurs urgences financières et juridiques, provisionner des contentieux sociaux colossaux que j’estime à 10M€… À court terme, il y a un vrai risque d’une faillite du club car un déficit persistant de 15M€ est structurel. Il n’y a plus dans l’effectif un Saliba ou un Fofana qui peut rapporter quelques millions d’euros pour boucher les trous. Et les recettes à venir dont les droits TV seront à la baisse… La solution passe par un changement radical.
FM : ce serait votre modèle socios ?
HP : je fédère depuis plusieurs mois près de 200 amis autour de ce projet murement réfléchi « GO GREENS ». Des entrepreneurs, des sportifs, des personnalités, des dirigeants de clubs de supporters… qui investissent et valident une administration collégiale à mes côtés. La rupture, c’est la constitution d’un modèle hybride de direction du club que j’appelle modèle business-socios, dispensé par un consortium d’entrepreneurs et investisseurs et des représentants de supporters. Tous sont des socios, égaux quels que soient leur patrimoine d’actions ou leur puissance financière. Aboutir à un projet de business-socios verts est donc de fait le contraire du « grand capital » des fonds chinois, émiratis ou américains. Mais c’est aussi une précaution. Un club détenu par ses socios n’est plus la proie des vautours.
FM : pouvez-vous préciser ce modèle hybride de business-socios ?
HP : j’ai la conviction que l’ASSE appartient à tout le peuple vert et à personne en particulier, quel que soit le ticket d’investissement apporté. Chaque supporter est un socio qui peut devenir propriétaire d’un petit bout du club, titre et regard sur la politique du club qu’il pourra léguer à ses descendants. Le président et les membres du conseil ne sont donc pas ceux qui possèdent le club, mais ceux qui sont choisis par les socios dans le secret de l’isoloir, comme au Barça ou au Real. Un supporter équivaut à une voix. Ce modèle hybride ne peut fonctionner que pour des clubs à très forte identité régionale et historique comme l’ASSE. En résumé, mon projet « GO GREENS » n’est pas un projet associatif de plus, mais un projet d’entreprise dont les socios sont les garants des enjeux. Moi, je garantis les fonds.
FM : comment voyez-vous l’avenir du club si vous en obtenez le rachat ?
HP : j’ambitionne pour l’ASSE d’en faire sous cinq ans, un vrai club omnisport d’identité commune avec des sports comme le basket ou le hand. L’accès à la formation sera facilité pour tous dans toutes les disciplines, à condition que les jeunes formés, garçons et filles, partagent nos valeurs. À Saint-Étienne, on ne nait pas dans la soie, on sait que la terre est basse et qu’il faut creuser pour en arracher le charbon (sourires). À court terme, je donnerai les moyens de ses ambitions à l’ASSE. Je rappelle que je peux provisionner entre 85 et 100 millions d’euros d’investissements, en comptant l’achat. Parmi les priorités immédiates: renforcer l’équipe première et doubler le budget de fonctionnement à 3M€ de l’équipe féminine pour sa prochaine saison en D1 Arkéma.
Ce ne sont pas les joueurs et le staff qui font prendre le risque d’une rétrogradation administrative et judiciaire. C’est une gestion hasardeuse et une vision timorée qui a provoqué tout cela.