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Christophe Lollichon : «je suis ouvert à tout mais il faudra que ce soit un projet où le plaisir est important»

Vice-président de l'association des entraîneurs professionnels de gardiens de but (AEGB), Christophe Lollichon a profité de la première édition des Trophées Bruno Martini récompensant les meilleures gardiennes et gardiens professionnels de but en France pour expliquer les raisons de son départ de Chelsea où il a officié dans différents secteurs du club pendant 15 ans.

Par Maxime Barbaud
11 min.
Christophe Lollichon  à l'entraînement avec Petr Cech @Maxppp

Connu pour avoir été l'entraîneur des gardiens de Petr Cech au Stade Rennais puis à Chelsea, Christophe Lollichon est en permanence à la recherche de nouvelles idées, d'échanges sur son métier, et dans le football de manière générale. C'est dans ce but qu'il a aidé Christophe Revel, entraîneur des gardiens du LOSC, à lancer leur association des entraîneurs professionnels de gardiens de but (AEGB)* il y a un peu plus d'an. Ensemble, ils sont parvenus à réunir 70 membres sur les 130 personnes que composent leur métier en France afin d'échanger et de mutualiser leurs compétences. Pour faire connaître leur jeune association, ils ont créé un trophée attribué par un jury constitué d'entraîneurs des gardiens, récompensant les meilleurs gardiens et gardiennes dans l'hexagone, tout en rendant hommage à Bruno Martini, le père fondateur de la profession en France. La première édition avait lieu à Cergy (Val-d'Oise) les 24 et 25 mai. Inspiré par l'ancien dernier rempart des Bleus, décédé en octobre 2020, Lollichon nous parle de sa méthode, de ses démarches intellectuelles mais aussi de son actualité, lui qui vient de quitter Chelsea après 15 ans de présence au sein du club anglais. Il nous en dévoile les raisons et ses projets pour la suite.

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Foot Mercato : comment est venue l'idée de votre association des entraîneurs professionnels de gardiens de but (AEGB) ?

Christophe Lollichon : l'idée est partie en décembre 2020. Christophe Revel m’appelle et me dit, suite au décès de Bruno Martini qui a suscité beaucoup d’émotion dans le monde des entraîneurs de gardiens : "est-ce que ça t’intéresse de m’accompagner dans la création d’une association qui pourrait réunir tous les entraîneurs pros, dans un premier temps". J’ai dit : "Banco ! J’y ai pensé il y a 10 ans mais débordé par « l'enfer » de la compétition, je voyais déjà plus ma famille. Avec toi on y va et on va réussir à rassembler des gens pour nous aider". L’idée, c’est de valoriser cette profession d’entraîneur des gardiens, de défendre ses intérêts et de créer une plate-forme d’échanges de manière à ce que chacun puisse puiser ce dont il a envie. C’est parti assez vite puisque nous ne sommes pas très nombreux, une grosse centaine. On est à 70 adhérents. Ça veut dire qu’on a réuni déjà pas mal de personnes, donc c’est très encourageant. Ça demande du temps mais il faut aussi nous faire connaître en tant qu’association. Il a fallu faire une assemblée générale pour réunir tous nos adhérents mais aussi faire un trophée décerné pour les entraîneurs professionnels.

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FM : y a-t-il un besoin de structurer votre profession ?

CL : il y a une volonté de réunir ceux qui s’occupent des gardiens. Avec Christophe, on a toujours une volonté d’aller plus loin et surtout de fédérer des compétences, que nous n’avons pas tous, pour être encore meilleur dans notre rôle d’entraîneur des gardiens. Ça passe par ceux qui sont spécialistes de la vision, à la préparation mentale, à tout ce qui est réponse neuromotrice. Et puis on discute recrutement et critères de recrutement. Plus on est, plus il y a d’échanges et plus on avancera. Malheureusement pendant très longtemps, on est resté dans notre petit coin. Certains volontairement, d’autres qui n’avaient pas le temps. En créant cette association, on permettait ce regroupement de compétences qui, j’espère, fera avancer la profession dans un seul but : être meilleur avec nos gardiens.

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«Quand je vais à l’opéra, je veux discuter avec les chorégraphes et les coachs physiques»

FM : est-ce que ce partage de connaissances est compatible avec le monde de la compétition où vous devez battre l’adversaire ?

CL : il faut d’abord être bon dans son club et permettre à son gardien d’être efficace dans son club. On ne cherche pas à savoir qui est le meilleur. Ceux qui bossent, les passionnés, ils vont être bons, et dans l’échange avec les autres, ils vont être meilleurs. Je suis parti en Angleterre en 2007 et j’ai toujours été guidé dans la volonté d’avancer dans mon métier, sans me contenter de ce que j’avais appris du foot. J’ai tellement appris à Nantes avec Suaudeau et Denoueix comme entraîneur des gardiens que ça m’a ouvert l’esprit. C’est certainement la raison pour laquelle je m’intéresse à plein de choses. Quand je vais à l’opéra, je veux discuter avec les chorégraphes et les coachs physiques pour savoir comment ils arrivent à permettre aux danseurs d’avoir une telle fluidité, d’avoir une telle maîtrise corporelle. Ce que je vais apprendre, je vais pouvoir m’en servir pour mes gardiens. C’est cette volonté-là qu’on essaye de communiquer à nos collègues. C’est peut-être aussi cette nouvelle génération d’entraîneurs de gardiens, qui a en plus, de plus en plus de responsabilités dans les staffs. On nous confie des choses plus denses. Avant, il n’était même pas considéré comme un entraîneur. Déjà, on considérait que le gardien ne comprenait pas tout au jeu… alors celui qui s’en occupait a fortiori n’avait pas les compétences. Ça existe encore bien sûr. Il y a des entraîneurs de gardiens qui sans doute se contentent de peu mais nous, on prône autre chose.

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FM : pourquoi avoir nommé les trophées en hommage à Bruno Martini ?

CL : c’est lui rendre hommage car il a été à l’initiative du premier diplôme d’entraîneur des gardiens. Sa personnalité, son humilité, son professionnalisme était reconnu par tous comme joueur puis entraîneur. Demain (hier mercredi, ndlr) il y a une séance terrain qui est en relation avec la présentation faite aujourd'hui (mardi). Ça nous encourage à aller plus loin. Il faut espérer que les adhérents montent dans le train avec nous.

«Bruno Martini était la personne idoine pour cette reconnaissance du poste à travers la création de ce responsable des gardiens de but au niveau de la fédération»

FM : en quoi Bruno Martini a-t-il marqué votre profession ?

CL : il a apporté son professionnalisme et sa volonté de comprendre ce qu’il se passait sur un terrain. Bruno était quelqu’un toujours dans la réflexion. La fédération a bien fait de lui confier les rênes pour qu’il crée ce diplôme. J’ai été de la première session (rires). C’était en 2003. J’avais vu Bruno avant dans les coursives de Clairefontaine où j’allais rencontrer les différents éducateurs de la pré-formation parce que ça m’intéressait. Je croisais aussi Philippe Bergeroo qui à l’époque s’occupait de cela, et j’avançais comme ça. C’est le FC Nantes qui m’avait envoyé là-bas. "Vas à Clairefontaine. Vas essayer de choper des infos. Nourris-toi." Forcément au contact de Bruno, on discutait très souvent. On peut avoir des personnalités différentes mais nos discussions étaient passionnantes. J’ai passé le diplôme, on est resté en contact quasi permanent. Puis, je suis parti en Angleterre. De là-bas, je n’ai pas eu beaucoup de contact avec la France et c’est un petit regret. J’ai été appelé dans pas mal de fédérations européennes mais pas par la France. Bon, je ne sais pas si je lance un message mais c’est comme ça. Bruno était la personne idoine pour cette reconnaissance du poste à travers la création de ce responsable des gardiens de but au niveau de la fédération. On savait qu’il allait mettre les mains dans le cambouis pour sortir quelque chose de concret. Dans le domaine technique, il était extrêmement demandeur. Bruno, tout ce qu’il faisait sur un terrain, c’était propre, très analytique. Je me répète mais il était sans doute la personne idéale pour commencer à structurer le métier d’entraîneur de gardiens de but. Et ce diplôme, il est en constante évolution parce que le foot est en constante évolution.

FM : il s'agit de la première édition des Trophées Bruno Martini mais votre actualité est aussi riche puisque vous venez d'annoncer votre départ de Chelsea après 15 ans de service comme entraîneur des gardiens, puis comme superviseur des gardiens prêtés, avant d'intégrer la cellule recrutement. Quelles sont les raisons de cette annonce ?

CL : d’une part, ça faisait 5 ans que j’avais quitté l’effectif professionnel suite à un petit problème relationnel avec un gardien de l’époque. Puis le club a continué à aller très bien. À un moment donné, l’opportunité ne s’est pas présentée pour revenir en équipe première. Je n’en expliquerais pas les raisons car elle s’est présentée mais ça ne s’est pas fait. J'ai été missionné sur le Loan Department (le département des joueurs prêtés, en VF), un département extrêmement performant à Chelsea au niveau des gardiens. L’idée, c’était que les jeunes gardiens, plutôt que de jouer des matches de réserve, aillent s’aguerrir dans des "men's games", des matchs d’hommes. Il y a eu des prêts très intéressants, notamment pour un garçon, sans doute le meilleur exemple, Nathan Baxter (23 ans). Il a commencé à être prêté à 17 ans et demi en 6e division (au Metropolitan Police FC). Cette année, il a montré qu’il était déjà un gardien de Championship (à Hull City) et ça fait 5 ans. Il a vraisemblablement un potentiel de Premier League. C‘est tout le bonheur que je lui souhaite. L’avantage de ce rôle, c’était d’aller dans les clubs, de partager avec les staffs, de prendre des séances en main dans les équipes où il est allé. Ça m’a fait découvrir un autre football, celui de la League One, de la League Two, de la Conference League, de la Championship avec des relations nouées. Les échanges ont été extrêmement riches, même lors de prêts de gardiens à l’étranger. Ça m’a permis d’approcher certaines cultures. Puis, j’ai participé au recrutement. Edouard Mendy est un peu la cerise sur le gâteau. Ça a demandé un travail très discret. Je n’en avais parlé à personne mais je le suivais depuis ses premiers matches en Ligue 2 à Reims. J’en ai seulement parlé à Petr Cech, alors à Arsenal. Je lui ai demandé de le regarder et de me dire ce qu’il en pensait. Il m’a dit : "c’est pas mal !" Puis un moment donné à Chelsea, il y avait besoin d’un nouveau gardien mais sur le marché, il n’y avait pas grand-monde, ou alors ça demandait un paquet d’argent. Je dis à Petr : "tu te souviens d’Edouard ? Je continue à le suivre". Puis il me répond, "ok mais est-ce qu’il peut ?". "Observe maintenant que tu es responsable technique à Chelsea, mets tes yeux dessus". Puis à la fin, il me dit qu’il faut y aller. C’est ce qu’on a fait. La réussite est magnifique. Alors on peut toujours se planter mais Edouard avait une histoire qui nous laissait penser que sa capacité d’adaptation allait être intéressante. C’était parti, puis j’ai travaillé sur la méthodologie de l’académie pour essayer de changer les choses mais la compétition me manquait. Donc, on s’est mis d’accord et le départ a été entériné bien avant cette situation géopolitique compliquée.

«j’ai un projet personnel (...) quelque chose d’assez unique au monde»

FM : vous exprimez ce besoin de compétition, ça veut dire redevenir entraîneur des gardiens dans un club ?

CL : oui s’il y a un joli projet quelque part. Il faut aussi que ce soit dans des conditions intéressantes avec des gens qui ont envie d’avancer. Puis, j’ai un projet personnel qui est en train de prendre corps et dont il sera temps de parler au moment voulu, toujours pour les gardiens, quelque chose d’assez unique au monde, pour les encadrer et les rendre meilleurs si possible.

FM : vous privilégiez un retour en France ou toujours à l’étranger ?

CL : je suis ouvert à tout mais il faudra que ce soit un projet où le plaisir est important. Et comme je suis plein d’énergie et de dynamisme, et ai toujours avec cette volonté de recherches, on verra ce qu’il se passe.

*L'Association des entraîneurs professionnels de gardiens de but (AEGB) est née au début de l'année 2021 de la volonté conjointe de Christophe Revel (entraîneur des gardiens du LOSC) et de Christophe Lollichon (ancien entraîneur des gardiens à Rennes et Chelsea notamment) de vouloir créer un laboratoire d'idées. Elle a pour but de mutualiser les expériences et de partager le contenu de ses 70 membres (sur 130 entraîneurs de gardiens de but professionnels en France) à travers des séminaires comme ce fut le cas à Cergy ces 24 et 25 mai, et diverses plates-formes d'échange. Destinée dans un premier temps aux professionnels du métier, l'AEGB ambitionne à terme d'accueillir les entraîneurs de gardiens de but amateurs et les passionnés dans un objectif de performance. Durant cette cérémonie des Trophées Bruno Martini, hommage revendiqué à l'ancien gardien de but d'Auxerre, de Montpellier et de Nancy, qui a ensuite créé la formation d’entraîneur spécifique gardien de but au sein de la Direction Technique Nationale en 2002, étaient également présents des gardiens comme Benoît Costil (Bordeaux), Vincent Demarconnay (Paris FC) ou encore Ludovic Butelle (Red Star), et des entraîneurs du poste. Outre Lollichon et Revel, Franck Raviot (Équipe de France masculine), Gilles Fouache (Équipe de France féminine) ont fait honneur de leur présence, tout comme l'ancien sélectionneur national et actuel président de l'UNECATEF (le syndicat des entraîneurs français), Raymond Domenech.

Palmarès de cette édition 2022 :

  • Révélation de Ligue 2 : Lucas Chevalier (Valenciennes, prêté par le LOSC)

  • Meilleur gardien de Ligue 2 : Benjamin Leroy (Ajaccio)

  • Révélation de D1 féminine : Chiamaka Nnadozie (Paris FC)

  • Meilleure gardienne de D1 féminine : Christiane Endler (OL)

  • Révélation de Ligue 1 : Gauthier Gallon (ESTAC)

  • Meilleur gardien de Ligue 1 : Matz Sels (Strasbourg)

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