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Guerre en Ukraine : le football russe est en train de tout perdre, de terribles conséquences à prévoir

L'invasion militaire de l'Ukraine, décidée par la Russie de Vladimir Poutine, a conduit à l'isolement total du football russe, aussi bien sur la scène européenne (UEFA) que mondiale (FIFA). Ce qui pourrait également avoir de lourdes conséquences à l'échelle nationale dans les mois à venir. Une situation mal vécue au pays des tsars où le championnat russe et la sélection nationale auront bien du mal à se relever.

Par Aurélien Macedo - Lucas Billard
13 min.
Gianni Infantino et Vladimir Poutine à côté de la Coupe du monde en Russie, en 2018 @Maxppp

Encore impensable il y a quelques semaines, l'invasion militaire de l'Ukraine a bien été décidée par la Fédération de Russie de Vladimir Poutine. Cette guerre sur le territoire européen met évidemment en émoi tout le Vieux Continent, mais elle possède également son lot de répercussions sur le monde du football, qui a décidé de faire front commun face au même ennemi. Dans un premier temps réfractaires à pénaliser durement la Russie, l'UEFA et la FIFA ont ensuite été contraints de réagir rapidement main dans la main face à la gronde de plusieurs pays, comme la Pologne, qui devait affronter la Sbornaïa le 24 mars prochain en barrage de la Coupe du monde 2022, la Suède et la République Tchèque, adversaires potentiels de la Russie.

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La Russie, d'organisatrice à bannie du Mondial

À l'instar de la volonté de Noël Le Graët, président de la FFF, l'UEFA et la FIFA ont acté la suspension jusqu'à nouvel ordre des sélections nationales et des clubs russes de toutes leurs compétitions. Autrement dit, pas de Mondial 2022 au Qatar pour la Sbornaïa (aussi lâchée par adidas), qui avait disputé la Coupe du monde 2018 sur ses terres, ni même de Ligue des Nations voire d'Euro 2024 si le conflit perdure, alors que l'équipe féminine manquera l'Euro 2022 en Angleterre l'été prochain. Finies également les Coupes d'Europe pour les clubs russes, ce dont le Spartak Moscou a d'ailleurs fait les frais en Ligue Europa. Des mesures qualifiées de « discriminatoires » par la RFU (Fédération russe de Football), quand le club moscovite a accepté les sanctions, affichant juste une déception après son début d'épopée (sorti premier du groupe de Naples et Leicester). Des sanctions lourdes que la population russe a mis du temps à assimiler et à prendre au sérieux.

« Au départ, lorsque la Pologne, la Suède et la République tchèque ont publié une déclaration selon laquelle ils n'allaient pas jouer contre la Russie, nous avons plaisanté en disant que nous étions qualifiés à la Coupe du monde sans jouer » nous explique Danil Aleoshin correspondant pour Sport-Express. Une posture qui était même défendue par Vyacheslav Koloskov, le président honoraire de la RFU. « Mais c'était naïf. Personne ne s'attendait à ce que la FIFA et l'UEFA puissent prendre une telle décision. Les premières craintes ne sont apparues qu'après les premières déclarations et exceptions dans différents sports », poursuit notre confrère russe. La déception est un sentiment qui prédomine comme le note Dmitrii Zimin journaliste pour Championat : «les supporters russes sont déçus de la décision de la FIFA. Personne ne comprend pourquoi les athlètes doivent souffrir à cause des actions de l'État. Jouer sans drapeau, sans hymne, c'est OK. mais pourquoi les joueurs et entraîneurs du mondial ont-ils été privés de leurs rêves ? À mon avis, jouer sans drapeau ni hymne est une punition. Vous-même ne vous identifiez pas au pays. C'est une punition publique. Mais pourquoi interdire à ceux qui n'ont rien à voir avec la politique de l'État de jouer au football ? Je ne comprends pas.»

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Des sanctions assimilées de manières différentes

Ces décisions fortes ont reçu différents retours auprès des Russes. Certains l'ont compris et accepté, d'autres ont trouvé cela injuste. Des réactions humaines où les points de vue différents se comprennent. Bien sûr, chacun perçoit ces sanctions différemment. « Certains les ont acceptés, d'autres non. Nous avons déjà utilisé des comparaisons avec l'invasion américaine du Vietnam et de l'Afghanistan, ainsi qu'avec d'autres conflits militaires. Selon moi, de nombreux Russes ne sont pas d'accord pour dire que les troupes russes ont envahi l'Ukraine, et ils sont sortis pour manifester dans la rue et ont été arrêtés par la police. Pourquoi les gens devraient-ils souffrir d'une décision prise par une seule personne ? Même ceux qui imposent ces sanctions le soulignent », poursuit Danil Aleoshin.

Jouer sous bannière neutre, sans hymne national et sans ses couleurs officielles aurait pu être un compromis que les Russes auraient pu accepter, mais ces derniers étaient de toute manière déjà sanctionnés par l'Agence mondiale antidopage, comme le souligne Danil Aleoshin : « ceux qui aiment les autres sports ont déjà l'habitude d'écouter la musique de Tchaïkovski au lieu de l'hymne et de voir les noms des fédérations sportives au lieu du nom du pays. Mais en même temps, l'équipe nationale de football russe serait allée à la Coupe du monde sans hymne ni drapeau, car les sanctions de l'AMA continueraient de s'appliquer jusqu'à ce moment-là. Mais maintenant, nos fans ne verront même pas cela.» Une sanction supplémentaire qui s'est appliquée et qui va se poursuivre tant que le conflit ne s'arrêtera pas. Interdite de disputer la prochaine Ligue des Nations et boycottée par l'Albanie qui figure dans son groupe, la Russie pourrait manquer l'Euro 2024 et les prochaines compétitions si le contexte ne se calme pas.

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L'UEFA a frappé fort, Gazprom écarté

Au niveau européen, la Russie a aussi perdu beaucoup de plumes. D'abord en perdant la finale de l'édition 2021-2022 de la Ligue des champions. Initialement prévue à Saint-Pétersbourg, cette rencontre se disputera finalement le 28 mai prochain au Stade de France (Saint-Denis), notamment sous l'impulsion d'Emmanuel Macron. L'UEFA n'a cependant pas cessé sa collaboration avec certains fonctionnaires russes comme Aleksandr Alaev et Roman Babaev qui conservent leur poste. Même son de cloche pour l'ancien président du Zenit (entre 2008 et 2017) Aleksandr Dyukov qui occupe toujours le poste de président de la RFU (fédération russe de football) et reste présent au sein du comité exécutif de l'UEFA.

Sur le plan financier, Gazprom a vu ses relations prendre prématurément fin avec Schalke 04 et l'UEFA. Dans un premier temps retiré du maillot de l'écurie allemande, le géant du gaz appartenant majoritairement à l'État russe a vu Schalke rompre son contrat. Avant que l'instance dirigeante du foot européen n'emboîte le pas au club de Gelsenkirchen, en cassant le contrat liant les deux parties et rapportant 40 M€ par an à l'UEFA. La fin d'une collaboration ayant débuté en 2012. De plus en plus isolé face à la fronde occidentale, le football russe devrait aussi subir de plein fouet les répercussions de la guerre en Ukraine.

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Pour autant, le manque à gagner des instances existe aussi pour ces institutions et Dmitrii Zimin s'interroge sur la durabilité de ces sanctions économiques : «le football européen a déjà rompu avec le football russe. la question est, pour combien de temps ? On sait que Gazprom était le plus gros sponsor de la Ligue des Champions. Les sociétés de paris russes coopèrent avec les meilleurs clubs européens. il est peu probable qu'il soit possible d'abandonner tout cela sans conséquences. J'espère que lorsque la situation en Ukraine prendra fin, l'UEFA et la FIFA ramèneront les clubs et la sélection dans leur cercle.»

Des clubs russes en péril

Économiquement parlant, dans un premier temps. Un club très important dans le paysage footballistique au pays des tsars comme le CSKA Moscou, par exemple, est en grand danger. Détenus par une banque d'État, la VEB (Vnesheconombank), les Krasno-Sinie pourraient faire les frais des sanctions de l'Union Européenne et des États-Unis, qui vont « provoquer l'effondrement de l'économie russe », selon les dires de Bruno Le Maire, ministre de l'Économie français. Le CSKA Moscou a déclaré que ses obligations seront respectées, mais la situation risque d'être compliquée à tenir pour la formation moscovite. Autre club de la capitale russe, le Dynamo Moscou avait connu de gros soucis en 2015 avec des sanctions du fair-play financier qui ont conduit à de grosses ventes et qui ont été suivis par une relégation à l'issue de la saison 2015/2016. Disposant d'une dette d'environ 188 millions d'euros en 2016, le club avait vu la banque VTB se retirer pour devenir simple simple sponsor avant de reprendre le club deux ans plus tard en février 2019 pour 1 rouble symbolique.

Pour faire faire face aux sanctions qui pleuvent sur l'économie russe, cette banque d'État s'est retirée, comme le note Danil Aleoshin, sans pour autant être optimiste : « VTB Bank a transféré une participation dans le Dynamo Moscou en raison des sanctions. Le club dit également qu'ils iront tous bien, mais les gens n'y croient pas. » Les conséquences risquent s'annonces terribles même s'il est difficile d'avoir du recul comme l'explique Dmitrii Zimin : «des temps difficiles attendent tous les clubs. Après tout, des sanctions ont été imposées à de nombreuses entreprises qui participent au financement du football russe. Je ne pense pas que quelqu'un comprenne maintenant ce qui va se passer dans un mois ou deux. J'espère que la situation va se calmer. Alors vous pouvez faire des prédictions.»

Déjà touchés par la chute du rouble et certaines sanctions économiques déjà présentes depuis des années, de nombreux clubs russes étaient déjà dans une logique d'austérité et nul doute que cela va se poursuivre, voire empirer. Le Kuban Krasnodar, l'Amkar Perm, Tosno ou encore l'Anzhi Makhachkala, de nombreux clubs russes ont fait banqueroute ces dernières années dans un contexte moins compliqué, alors difficile d'imaginer que la situation actuelle ne condamnera pas d'autres formations.

Un championnat qui va continuer sa chute

Sans oublier que les clubs russes pourraient être privés de Coupe d'Europe la saison prochaine et celles à venir si la guerre perdure. Ce qui va automatiquement conduire à la chute de la Russie au coefficient UEFA, limitant grandement les places qualificatives aux compétitions européennes par la suite. Disposant de trois clubs qualifiés en phase de poules de l'édition 2020/2021 (Krasnodar, Lokomotiv et Zenit), la Russie est déjà descendue de la sixième place à la dixième et va perdre son coefficient le plus fort des dernières années (12,6 points acquis en 2017/2018). De facto, sans clubs qualifiés, ils débuteront la prochaine campagne européenne à la 17e place derrière des pays comme la Grèce, la Croatie et la Norvège et devraient même sortir du top 20 assez rapidement. Quand les clubs russes retrouveront les compétitions européennes, il faudra plusieurs années pour qu'ils se mettent à récupérer une présence active dans l'échiquier européen. Un phénomène qui était déjà en train d'apparaître à la suite des mauvais résultats russes des dernières saisons, mais qui va s'amplifier avec ces décisions politiques.

D'un point de vue sportif toujours, les Occidentaux évoluant en Russie pourraient aussi quitter leur club, à l'instar de Markus Gisdol. « Je ne peux pas poursuivre ma vocation dans un pays dont le chef est responsable d'une guerre au milieu de l'Europe. Cela ne va pas avec mes valeurs, alors je démissionne de mon poste d'entraîneur du Lokomotiv Moscou avec effet immédiat», a-t-il expliqué à nos confrères de Bild, le club de la capitale parlant de son côté d'un limogeage.

Officiellement toujours au club, l'ancien Bordelais Pablo aurait aussi résilié son contrat selon Metaratings. Rémy Cabella, joueur de Krasnodar (ville à quelques kilomètres de la frontière ukrainienne) et actuellement blessé, a par exemple expliqué sur Snapchat qu'il « attendait de voir la situation » avant de rejoindre son club. Arrivé au Zenit contre 25 millions d'euros cet hiver, Yuri Alberto doit se demander dans quel bourbier il vient de mettre les pieds. Sa situation et celle de ses compères sud-américains Douglas Santos, Wilmar Barrios, Wendel, Malcom ou encore Claudinho sera à scruter avec attention.

Vers un exode des Occidentaux et des Ukrainiens

En effet, la FIFPro a approché la FIFA pour proposer d'offrir la possibilité à tous les joueurs étrangers évoluant en Russie de résilier leur contrat s'ils le souhaitent sans à avoir de payer de pénalités : « nous avons demandé à la FIFA de le faire. Cette mesure doit être mise en place au plus vite. L'escalade du conflit nous semble une raison pour donner aux joueurs la possibilité de résilier le contrat sans verser d'indemnité au club. Nous en discutons actuellement avec la FIFA. Il y a deux ans, la FIFA a temporairement ajusté les règles de transfert du transfert en lien avec le coronavirus. Les dirigeants de la FIFA peuvent ajuster les règles en cas d'urgence, ce qui a fait ses preuves à l'époque. Compte tenu de la situation extrêmement préoccupante, nous pensons que les joueurs devraient avoir la liberté de quitter le pays. » Une décision forte qui va faire des ravages au sein du championnat russe si elle est appliquée. Au total, 133 "légionnaires" (joueurs étrangers qui comptent dans les quotas du championnat russe dont la limite est actuellement de 8 par clubs) font partie de la RPL.

Quid des Ukrainiens évoluant en Premier League russe ? À ce jour, ils sont cinq, dispersés dans cinq clubs différents, avec des statuts différents, de l'expérimenté Yaroslav Rakitskiy (Zenit) au capitaine Denys Kulakov (Ural), en passant par Ivan Ordets (Dynamo Moscou), Artem Polyarus (Akhmat) et Dmytro Ivanisenya (Krylya Sovetov Samara), alors que Mark Mampassi (Lokomotiv) a récemment été naturalisé russe. À noter que d'autres possèdent des liens avec l'Ukraine, comme Daniil Lesovoy (Dynamo Moscou), Anton Shvets (Akhmat Grozny), Daniil Khlusevich (Spartak), Igor Kalinin (Rostov) ou encore Aleksandr Filin (Khimki). Difficile de les imaginer continuer à vivre en Russie et d'y jouer des matchs de football tous les week-ends compte tenu de la situation dans leur pays. Si certains Ukrainiens en Europe continuent de jouer, Ivan Ordets et Yaroslav Rakitskiy n'ont pas évolué ce week-end avec leurs formations respectives. Yaroslav Godzyur, qui possède les nationalités russes et ukrainiennes, vient d'ailleurs de résilier son contrat avec l'Ural.

Un autre Ukrainien a aussi quitté la Russian Premier League, il s'agit de l'ancien joueur du Bayer Leverkusen et de Liverpool, Andrey Voronin. Ce dernier s'est d'ailleurs exprimé pour Bild sur la situation : « je me sens mal. Très mal. Quand j'ai vu des images de mon pays natal, quand j'ai regardé les informations... Ça avait l'air irréel, comme si un film n'était qu'un film d'horreur. C'est difficile de dire quelque chose. Qu'est-ce qui motive Poutine ? Se comprend-il ? Peut-être qu'il veut juste entrer dans les livres d'histoire. Mais il ne sera jamais là [...] En Russie, les gens sont aussi contre Poutine. Je reçois des messages du monde entier d'anciens coéquipiers, d'autres athlètes. Et des Russes qui écrivent : "Désolé, ce n'est pas nous". »

Entraîneur adjoint de Sandro Schwarz au Dynamo Moscou, il avait bénéficié du soutien de supporters du club russe dimanche dernier quand il avait manqué le match contre Khimki (victoire 3-0). Le défenseur Ivan Ordets a aussi quitté la Russie pour rejoindre sa famille. Et nul doute qu'ils ne seront pas les derniers. L'exode a débuté au sein du championnat russe et ne va pas se finir de sitôt. Sélection comme clubs, le football russe est en train de subir une sacrée crise dont il sera extrêmement compliqué de se relever.

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