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Coupe du Monde 2022 : l’épopée historique du Maroc, célébrée bien au-delà des frontières

En se hissant dans le dernier carré de la Coupe du Monde au Qatar, la sélection marocaine s’est offert le meilleur parcours de l’histoire du football africain et arabe. Son parcours épique a en partie été poussé par un soutien populaire national, avant de dépasser les frontières du Royaume chérifien…

Par Anas Bakhkhar
11 min.
Achraf Hakimi avec le Maroc @Maxppp

C’est l’un des plus belles surprises de l’histoire de la Coupe du Monde : l’équipe nationale du Maroc a su aller chercher, cet automne au Qatar, la première demi-finale d’une nation africaine et arabe dans un Mondial, brisant ainsi le plafond de verre des quarts de finale, déjà atteints auparavant par le Cameroun (1990), le Sénégal et le Ghana (2010). Et pour en arriver là, les hommes de Walid Regragui, arrivé en pompier de secours fin août après le limogeage de Vahid Halilhodzic, n’ont pas eu un parcours des plus faciles : dans un groupe composé de la Croatie, vice-championne du monde en titre, la Belgique, médaillée de bronze en Russie, et l’outsider canadien, les Lions de l’Atlas réussissent finalement à se hisser à la première place en faisant notamment tomber les Diables Rouges et les Canucks.

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L’Histoire est écrite

Pour leur premier huitième finale en Coupe du Monde depuis 1986 (défaite 1-0 face à la RFA de Lothar Matthäus), le Maroc réussissait non seulement à sortir l’Espagne aux tirs au but grâce à un Yassine Bounou impérial sur sa ligne (0-0, 3-0 aux t.a.b). Le dernier rempart du Séville FC s’illustrait ensuite face au Portugal, dans une rencontre remportée dans le temps réglementaire par l’intermédiaire de Youssef En-Nesyri, monté à 2,78m sur sa tête terminant dans les buts d’un Diogo Costa hasardeux. Une victoire synonyme d’une place dans le dernier carré, inédite pour une sélection du Berceau de l’Humanité et du monde arabe. Malgré les deux défaites face à la France, en demi-finale (2-0), et la Croatie (2-1), pour le match de la 3e place, le Maroc n’a pas eu besoin du sacre final pour avoir tout gagné…

Oui, les hommes de Walid Regragui, surnommé Rass l’Avocat (tête d’avocat en arabe), ont écrit l’histoire de leur football. Non seulement en réalisant le meilleur parcours, dépassant ainsi le 8e de la génération 86 menée par Badou Zaki et Abderrazak Khairi, mais également en montrant une motivation et une solidarité sans faille dans cette compétition. Des valeurs saluées par le Roi Mohammed VI, également conscient de la portée de l’épopée des Lions de l’Atlas : « nous tenons à vous exprimer Nos vifs remerciements et notre profonde fierté pour ce que vous avez accompli au cours de ce grand rendez-vous footballistique, en termes de rendement exceptionnel et de discipline remarquable qui reflètent (…) les nobles valeurs humaines qui sont les vôtres et qui incarnent l’esprit de défi et votre détermination à ne ménager aucun effort pour hisser haut le drapeau du football marocain sur la scène internationale. »

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Une victoire marocaine, mais aussi africaine

Pour compter le nombre de supporters de la sélection rouge-et-vert dans ce Mondial, il faut aller au delà des 40 millions d’habitants vivant sur le territoire chérifien : en effet, en plus des Marocains résidant à l’étranger, présents dans les quatre coins du monde (Paris, New York, Dubaï…), plusieurs millions de personnes ont décidé de soutenir les Lions de l’Atlas, principalement en Afrique et dans le monde arabe. Comme l’Ivoirien Didier Drogba (« Ça y est, ils l’ont fait !!!! Bravo le Maroc pour cet exploit ! Vive l’Afrique, Walid Regragui, frère, suis trop content pour toi » sur Twitter) et le Camerounais Samuel Eto’o, qui avait prédit les victoires face à l’Espagne et le Portugal (« Incroyable ! Le Maroc est le tout premier pays africain à se qualifier pour les demi-finales. Le continent entier vous encourage » sur Twitter), le Berceau de l’Humanité a vu le parcours marocain comme un exemple d’ambition et de travail acharné pour enfin voir une sélection africaine soulever le trophée doré tant convoité. Plusieurs supporters du Sénégal (sorti en 8es), de la Tunisie ou encore du Cameroun (éliminés en poules) ont d’ailleurs prolongé leur séjour au Qatar pour pousser derrière les Lions de l’Atlas.

Après le revers en petit finale face à la Croatie au micro de beIN Sports, le sélectionneur Walid Regragui a tenu à envoyer un message au reste du monde, convaincu que le Continent Noir brillera dans le futur au sommet du monde : « avec ce genre de performances, un jour on pourra gagner la Coupe du monde. Mais Mourinho, il parle de l’ADN de la victoire. Et bien cet ADN existe aussi en équipe nationale. (…) On a montré qu’en Afrique on travaille, qu’on a appris. (…) L’objectif des Africains et du Maroc c’est de gagner la Coupe du monde un jour. Cela va nous mettre plus de pression et de l’émulation en Afrique, c’est très bien. Le Maroc a montré qu’on est capable et qu’on n’est pas loin. Les matches se sont joués sur des détails. Dans quinze, vingt ans, je suis persuadé qu’une équipe africaine gagnera la Coupe du monde parce qu’on aura appris. On a un palier à passer. Il faut bâtir sur ça. Avec du travail, avec de l’envie. Cet ADN on ne le construit pas que pour le Maroc, mais pour le continent. »

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Un succès grandement salué à l’étranger…

En parlant de José Mourinho, le technicien portugais, pressenti pour prendre la succession de Fernando Santos à la tête de la Seleção, n’est pas passé à côté de l’exploit des Champions d’Afrique 1976 : « félicitations à l’Afrique, au monde arabe, mais spécialement pour le Maroc. Pour se qualifier pour la première fois en demi-finale de Coupe du Monde, c’est absolument fantastique. Ils avaient tout : un entraîneur, une tactique, des individualités mais aussi un état d’esprit incroyable. » Louis van Gaal, sorti en quarts de finale par l’Argentine de ce Mondial, était également derrière le drapeau rouge à l’étoile verte pour la demie face aux Bleus : « j’espère que tu arriveras en finale. Lion de l’Atlas, Yallah (allez-y), félicitation au Maroc », tout comme les Brésiliens Ronaldo (« Vous avez fait vibrer le monde » sur Instagram) et Pelé (« je ne pouvais manquer de féliciter le Maroc pour cette incroyable campagne. C’est formidable de voir l’Afrique briller » sur Instagram). Alors, certes, tout ce soutien de figures emblématiques du football européen et international n’aurait jamais eu lieu si le Maroc était déjà une sélection historique du ballon rond.

Comme l’a si bien dit François René de Chateaubriand, « la menace du plus fort me fait toujours passer du côté du plus faible. » Car oui, la sélection chérifienne était considérée comme le petit poucet de cette 22e édition d’un Mondial, et ce dès les quarts de finale (22e au classement FIFA, le plus bas des 8 nations). Néanmoins, on peut déceler un aspect quasi "sélection européenne" dans cette équipe de Walid Regragui, né en Essonne et formé en France. On y ajoute des cadres ayant la double nationalité, de purs produits de la formation des clubs français, comme Sofiane Boufal (Angers SCO) ou encore le capitaine Romain Saïss (AS Valence). De plus en plus de joueurs nés en Espagne (Munir, Ez Abde, aux Pays-Bas (S. Amrabat, Ziyech, Aboukhlal…), en Belgique (Amallah, El Khannouss, Chair…) font également le choix de représenter le Maroc et apportent l’exigence et l’expérience du football du Vieux Continent. Avec un parcours digne de ce nom, la Fédération Royale Marocaine de Football aura un argument de poids dans sa politique sportive pour faire hésiter un peu plus, ou même convaincre, les plus grands espoirs binationaux dans les années à venir…

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… mais surtout dans le monde arabe

S’il y a bien un autre aspect qui a amené encore plus de personnes derrière la valeureuse équipe marocaine, c’est bien son "identité" arabe et musulmane dans cette compétition. Quatrième nation du Monde Arabe dans cette Coupe du Monde avec le Qatar, l’Arabie Saoudite et la Tunisie, le Maroc était rapidement devenu le porte-drapeau des trois sélections citées précédemment, toutes éliminées dès la phase de poules. L’exemple parfait pour parler de cette solidarité : l’émir du Qatar, Cheikh Tamim Ben Hamad al-Thani. Présent dans les tribunes lors de nombreuses rencontres des Lions de l’Atlas, le propriétaire du Paris Saint-Germain n’a pas hésité à brandir le drapeau marocain, salué par les milliers de supporters présents à ses côtés, confirmant le sentiment de victoire par procuration du Maghreb et du Moyen-Orient dans cette compétition. De plus, selon des indiscrétions de la presse marocaine, le dirigeant qatarien a même acheté lui-même des milliers de billets du huitième contre l’Espagne afin de les redistribuer aux supporters présents sur place et pousser donc la dernière équipe encore en lice dans ce Mondial.

Après la victoire face au Portugal, la victoire chérifienne a été célébrée dans toutes les grandes villes d’Afrique du Nord, notamment en Algérie, avec qui les relations diplomatiques ne sont pas vraiment au beau fixe. Néanmoins, cette communion entre peuples voisins montre plus que jamais l’attache entre ces deux pays, contrairement aux relations bilatérales plus compliquées. Même son de cloche chez les joueurs des Fennecs, non qualifiés pour cette édition qatarienne, qui n’ont pas hésité à féliciter leurs homologues sur les réseaux sociaux, notamment le Mancunien Riyad Mahrez (« Bien sûr que ça fait plaisir de voir une équipe performer dans une grande compétition comme la Coupe du Monde. Je suis très fier et très heureux ») et le Milanais Ismaël Bennacer (« Félicitations les frères, le Maghreb est fier de vous (…) Historique ! On croit en vous pour la victoire finale » sur Twitter), tous deux ayant également des origines marocaines. La belle histoire derrière la belle histoire…

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