Derrière le lancement et le lobbying de la Super League se cache la société A22 Sports Management. Basée à Madrid, c’est elle qui doit parrainer et aider cette nouvelle compétition à trouver sa place dans le football européen. Pour cela, elle s’appuie sur trois hommes qui ont fait leur trou dans le milieu de l’industrie du sport et des médias.
Le grand public a appris à connaître la Super League depuis ce fameux 18 avril 2021. Ce jour-là, la planète football est en ébullition. 12 des plus grands clubs européens (Real Madrid, FC Barcelone, Atlético de Madrid, Manchester United, Manchester City, Chelsea, Arsenal, Tottenham, Liverpool, Juventus, Inter Milan et AC Milan) annoncent en cœur la création d’un championnat regroupant les meilleures équipes du continent dans une compétition capable de dépasser l’intérêt et les revenues de la Ligue des Champions. En d’autres termes, ils s’affranchissent de l’autorité de l’UEFA, qui les menace d’exclusion de ses compétitions.
C’est un immense choc et un rejet complet de la part de la grande majorité des supporters, mais aussi des acteurs de ce sport. Les différentes formes de manifestation, notamment en Angleterre, mettent à mal le projet et en 48 heures, c’est une volte-face quasi complète. Sous la pression, tous les membres créateurs se retirent, excepté le Real Madrid et le FC Barcelone. L’Espagne s’annonce comme l’épicentre de cette Super League. Non seulement, c’est ici que vivent les irréductibles supporters mais c’est également le pays choisi par A22 Sports Management, la société promotrice de la Super League et dirigée par Bernd Reichart.
Bernd Reichart, la figure médiatique
Cet Allemand de 49 ans n’a pas été choisi au hasard. Ancien patron du groupe de médias RTL Group en Allemagne entre 2019 et 2021, il est une pointure dans le milieu médiatique, étant également passé par le groupe espagnol Atresmedia. Hispanophone, il s’est également fait les dents au sein de l’agence Sportfive, spécialisée dans les droits sportifs. Cette double casquette lui vaut d’être nommé à la tête de l’entreprise chargée de promouvoir ce que ses soutiens qualifient de révolution du football. «L’objectif est d’aboutir à l’émergence d’un modèle sportif durable pour les compétitions des clubs en Europe, reflétant les intérêts à long terme des supporters et de la communauté du football au sens large», assurait-il il y a deux ans.
Forcément, depuis l’annonce de la Cour de Justice de l’Union Européenne, il jubile. « Nous avons gagné le droit à la concurrence. Le monopole de l’UEFA est terminé. Le football est libre. Maintenant, les clubs ne subiront plus de menaces et de sanctions. Ils sont libres de décider de leur propre avenir. Nous diffuserons gratuitement tous les matchs. Les revenus des clubs et les paiements solidaires sont garantis. » Aussitôt l’arrêt de la CJUE rendu, A22 Sports Management a dévoilé le format de sa compétition. Depuis deux ans, la société a d’ailleurs revu sa copie et présenté un championnat ouvert et non plus fermé comme c’était le cas auparavant.
Anas Laghrari, le cerveau
Le combat du parrain de cette nouvelle (ou hypothétique) coupe d’Europe n’est pas gagné pour autant. Celui qui s’engage «à changer le football de clubs européen pour le mieux» a dévoilé les grandes lignes de son projet. A22 souhaite engager une nouvelle "expérience" football pour les téléspectateurs en proposant par exemple différents angles de caméra pendant les retransmissions, de pouvoir commenter son propre match et surtout une diffusion gratuite sur l’application Unify. Cette plateforme de streaming compte générer des revenus grâce à la publicité, aux abonnements premium, aux différents partenariats de distribution et aux sponsors.
Ce modèle a été initié par un homme en particulier, Anas Laghrari, présenté comme "le cerveau" de la Super League. Si Bernd Reichart est chargé de faire le lien entre les différentes institutions européennes, le milieu politique, économique, les clubs et globalement l’ensemble des acteurs lié au football, ce Franco-Marocain de 37 ans vient du milieu de la banque. Après un début de carrière à la Société Générale, il cofonde la société financière Key Capital où il travaille pendant 10 ans. C’est ici qu’il se lie au milieu sportif en proposant des solutions de financement autour de grands projets comme les stades et le domaine du marketing et du sponsoring… notamment au Real Madrid.
John Hahn, le discret
Laghari a l’avantage de connaître très tôt Florentino Pérez. Son père, ingénieur civil, est un ami de longue date du président du Real Madrid. C’est par ce biais, puis par sa carrière professionnelle qu’il devient conseiller du dirigeant madrilène sur différents dossiers comme la rénovation du Santiago-Bernabéu. Le groupe de construction ACS détenu par l’homme d’affaires espagnol devient même client de Key Capital. Les deux hommes sont étroitement liés, au point de lancer la Super League et c’est à Anas Laghrari qui revient la lourde tâche de financer ce projet. Le troisième fondateur d’A22 Sports Management est plus difficile à cerner.
John Hahn est la figure la moins médiatique de ce trio. Plus âgé, il est l’autre financier à la manœuvre. Ancien directeur général de Providence Equity Partners aux États unis, il connaît parfaitement les rouages des secteurs de la communication et du divertissement. Son CV réunit d’ailleurs les expériences et les domaines de compétences de ses deux comparses. Son rayonnement est international lui qui a participé à différents programmes de financement de télévisions à péage dans plusieurs pays européens, de plateforme de streaming mais également dans la gestion des droits sportifs. Autant de lignes qui permettent aujourd’hui de secouer l’ordre établi.