Alexandre Mendy : « je veux faire vibrer Caen jusqu’au bout, la suite appartient au destin ! »
Arrivé au SM Caen en octobre 2020, Alexandre Mendy brille aujourd’hui de mille feux sous les couleurs du club normand. Actuel meilleur buteur de Ligue 2 avec 19 réalisations, l’ancien attaquant de l’OGC Nice ou encore de Guingamp confirme ainsi ses deux dernières excellentes saisons du côté de d’Ornano. Un rendement impressionnant notamment lié à un environnement sain où le natif de Toulon profite du soutien inconditionnel de sa direction. Complètement métamorphosé après des débuts compliqués en Normandie, l’avant-centre de 30 ans attise alors logiquement les convoitises. Flatté et conscient de son potentiel, ce dernier reste - pour l’heure - pleinement focalisé sur les objectifs des Bleu et rouge, avec qui il souhaite retrouver l’élite. Entretien.
«À tout être humain ont été concédées deux qualités : le pouvoir et le don. Le pouvoir conduit l’homme à la rencontre de son destin, le don l’oblige à partager avec les autres ce qu’il y a de meilleur en lui». Empruntés à Paulo Coelho, célèbre romancier brésilien, ces mots ont une résonance particulière au moment d’évoquer la trajectoire d’Alexandre Mendy. De ses débuts à l’OGC Nice, son club formateur, à Caen en passant par le Racing Club de Strasbourg, Nîmes, Guingamp, les Girondins de Bordeaux ou encore le Stade Brestois, l’avant-centre originaire de Toulon s’est forgé un caractère et une légitimité certaine sur les terrains. Humble, mature et sensible aux détails, celui qui est entre-temps devenu père de famille a ainsi profité de ces différentes expériences professionnelles et personnelles pour construire sa force. Celle d’un buteur terrorisant, week-end après week-end, les défenses adverses. Celle - également - d’un homme loyal et sage au moment d’évoquer son parcours. Meilleur buteur de Ligue 2 avec 19 buts (20 toutes compétitions confondues), le droitier d’1m84 est, en effet, l’un des grands artisans de la sixième place du club normand, toujours en course pour les plays-offs. Dans un environnement sain et profitant d’une direction totalement acquise à sa cause, Mendy vole alors vers son destin, livrant la meilleure version de lui-même. Attaquant de pointe, aussi efficace dos au but que dangereux dans sa capacité à prendre la profondeur, le numéro 19 du SMC semble, aujourd’hui, au sommet de son art.
Véritable machine à marquer (62 buts depuis son arrivée en terres caennaises), l’international bissao-guinéen (7 sélections) enchaîne, à ce titre, les saisons de haute volée : 16 buts lors de l’exercice 2021-2022, 19 buts la saison passée et d’ores et déjà le même total cette année… Un rendement impressionnant le rapprochant inexorablement du record de Cyrille Watier (67 buts), meilleur buteur de l’histoire du club. Pourtant, si le serial buteur caennais est désormais en passe d’entrer dans la légende d’un club fondé en 1913, tout n’a pas été simple. À ses débuts en Normandie, l’artificier hors pair qu’il est devenu a également connu la tempête. Avec seulement 4 buts inscrits en 30 matches de Ligue 2, le transfuge de Bordeaux s’est, en effet, battu jusqu’à la dernière journée pour laisser le SMC dans l’antichambre de l’élite du football français. Un contexte douloureux et une période chaotique, marquée par de nombreuses critiques, lui permettant finalement de passer un nouveau cap dans sa carrière. Deux ans et demi plus tard, celui qui est désormais lié jusqu’en juin 2026 avec la formation normande, est métamorphosé. Loué de tous dans les allées du stade Michel-d’Ornano, Mendy rayonne. Mendy s’amuse. Mendy impressionne. Soutenu depuis la première heure par Yohan Eudeline, directeur sportif du SM Caen, et Olivier Pickeu, président de la formation normande, l’ancien buteur des Aiglons fait par ailleurs le bonheur de Nicolas Seube, ancien milieu défensif de la maison caennaise, intronisé entraîneur en novembre dernier. Interrogé par nos soins avant de retrouver les Girondins de Bordeaux, où il a notamment évolué lors de la saison 2017-2018, ce samedi à 19h, Alexandre Mendy, tel un artiste accompli, est alors revenu sur l’ensemble de son œuvre, sans oublier de dresser ses futurs desseins.
Une progression tonitruante en terres caennaises
Foot Mercato : bonjour Alexandre, vous êtes aujourd’hui meilleur buteur de Ligue 2 et vous enchaînez une troisième saison consécutive à plus de 15 réalisations, comment expliquez-vous cette réussite devant le but ?
Alexandre Mendy : c’est le travail au quotidien, il n’y a pas de secret dans le football, je bosse comme un acharné, mais ce n’est pas que ça, je suis aussi dans un contexte qui me convient parfaitement, je me sens bien, les gens ici à Caen me mettent en confiance et ça se voit sur le terrain. C’est un tout, du travail, des bonnes relations et ça me permet d’avoir ce niveau de performance aujourd’hui.
FM : plus globalement, comment jugez-vous votre trajectoire au sein du club normand depuis votre arrivée en 2020 ?
AM : ça prouve que j’ai fait le bon choix de venir à Caen. Alors oui, la première année était difficile, mais aujourd’hui j’arrive à récolter le fruit de mon travail. Si j’en suis là, c’est à force d’abnégation, sur le terrain, mais aussi en dehors, toute la partie qui n’est pas forcément visible, mais le travail paie. Sur ma première année, oui il y avait le contexte, c’était un tout qui pouvait aussi expliquer ce démarrage difficile. Caen jouait le maintien, je ne devais pas forcément arriver dans ce contexte, mais je suis arrivé et tout ne s’est pas passé comme prévu. On n’avait pas de bons résultats, on s’est battu jusqu’à la dernière journée pour le maintien, mais ça forge aussi, ça fait partie de l’expérience d’un footballeur et c’est dans l’ADN de mon parcours. Après j’ai toujours eu la totale confiance de mon président, Olivier Pickeu, même dans les moments les plus compliqués. Il a eu une confiance infaillible envers moi et quand tu te sens aimé, forcément tu te sens redevable envers ces personnes qui croient en toi. C’est comme une famille, tu vas t’entraîner, tu sais pourquoi tu le fais et dans les périodes où je ne marquais pas, malgré ça, le président m’a toujours montré son soutien et ça, je l’ai senti dès mon arrivée jusqu’à aujourd’hui.
FM : sur le plan collectif, pouvez-vous nous parler des ambitions du SM Caen, sixième à 8 journées de la fin ? La montée est toujours d’actualité ?
AM : on est sur une saison en demi-teinte parce qu’on a très bien démarré et après ça on a eu un énorme creux, mais aujourd’hui on revient dans la course aux play-offs et ça reste un objectif aujourd’hui. C’est même le principal pour cette fin de saison. La montée ? Dans un premier temps, l’objectif du groupe est d’aller chercher ces play-offs et après ça on verra, on vit au jour le jour, match après match et nous verrons où ça nous mène.
«Devenir meilleur buteur de l’histoire du club ? Une motivation personnelle !»
FM : à titre individuel, quels sont vos objectifs pour cette fin de saison ? Il y a notamment ce record de Cyrille Watier, meilleur buteur de l’histoire du club…
AM : mon premier objectif était de faire une aussi bonne saison que la saison passée, je suis à 19 aujourd’hui, le même total que l’exercice précédent donc maintenant je veux dépasser ce bilan et pourquoi pas aller chercher Cyrille Watier (66, meilleur buteur de l’histoire du club) dans un futur proche… Je suis à 62 maintenant, je pense que c’est jouable, ça va dépendre de moi, des matches que je fais, mais c’est aussi une motivation personnelle.
FM : vous êtes un joueur expérimenté, fin connaisseur du football français, leader d’attaque à Caen, quel est votre rôle dans ce collectif ?
AM : j’ai un rôle de relais entre le staff et les plus jeunes joueurs. Il faut aussi dire qu’on a actuellement un groupe très jeune avec beaucoup de joueurs qui viennent du centre de formation, notamment de l’épopée Gambardella. Au quotidien, moi, je me dois de les accompagner et d’avoir ce rôle de grand frère on va dire.
FM : vous êtes d’ailleurs coaché par un ancien de la maison caennaise, Nicolas Seube, quelle est votre relation avec lui ? Qu’est-ce qu’il vous demande à la pointe de l’attaque normande ?
AM : je m’entends très bien avec lui, on a une bonne relation. Sur ses attentes, évidemment, la première d’entre elles est que je sois un leader sur le terrain parce que le terrain reste le plus important et après je dois être ce relais avec les plus jeunes. Concernant ses attentes tactiques, il n’y a rien qui change par rapport aux saisons précédentes. Je suis attendu dans ce rôle d’harceleur, de mettre la pression sur les défenses adverses et d’aider le bloc à remonter. Pour le reste, la donne est simple, je suis attaquant et le plus important, c’est de marquer des buts.
«Toutes mes expériences passées ont façonné le joueur que je suis devenu !»
FM : pour nos lecteurs, pouvez-vous nous en dire plus sur votre profil ? Vos forces et les points sur lesquels vous souhaiteriez progresser ?
AM : si vous m’aviez posé la question il y a 2/3 ans, j’aurais dit que mon profil c’est joueur d’appui, intéressant dos au jeu, mais aujourd’hui j’ai réussi à allier joueur d’appui et joueur capable de prendre la profondeur, je pense que je suis capable de tout faire, d’être dans ces deux registres, un joueur plutôt complet, ce que je n’étais pas encore il y a quelques années. Après sur mes axes d’améliorations, mais ça vaut aussi pour mes points forts, je pars du principe qu’on progresse tous les jours, le but c’est de progresser et ça dans tous les critères. Globalement, j’estime quand même que j’ai beaucoup beaucoup plus d’atouts que de contraintes (sourire)…
FM : vous êtes formé à Nice, des passages à Bordeaux, Brest, Guingamp, à 30 ans quel bilan tirez-vous de votre carrière ?
AM : je pense que j’ai fait une bonne carrière jusqu’à présent. Il y a évidemment des paramètres qui sont entrés en jeu, qu’on ne contrôle pas et qui ne m’ont pas permis de tout faire comme je l’aurais aimé, mais ça fait partie d’une trajectoire. Par exemple, à Bordeaux, à l’époque où on est en Ligue 1, je mets 5/6 buts en 4/5 mois de championnat et derrière je me fais les croisés. Ce sont ces paramètres-là parfois qu’on ne contrôle pas, mais si je n’avais pas été blessé à ce moment-là, la suite aurait pu m’amener sur un autre chemin. Après ce n’est pas un regret, ça fait partie de la vie, c’est une blessure courante pour un footballeur, derrière ce qui est important, c’est de travailler pour revenir, de passer outre. Tout se joue dans le mental dans ces moments-là. Il faut aussi dire que c’est grâce à tous ces clubs là, toutes ces expériences que j’en suis là aujourd’hui. Une carrière, ce sont des moments heureux, des moments plus difficiles, à la fin c’est une trajectoire qui te façonne petit à petit.
FM : sur un autre plan, votre dernière sélection avec la Guinée Bissau remonte au 15 novembre 2021 pour les qualifications à la Coupe du Monde, avez-vous toujours des ambitions avec la sélection ?
AM : oui après sur la sélection, c’est important aussi de préciser que c’est un choix de ma part. J’ai souhaité me concentrer sur les objectifs du club. L’année dernière, on était dans un moment compliqué en club, il y avait la possibilité d’aller à la CAN, mais j’ai fait le choix de ne pas y aller pour me consacrer au club. J’étais sur une bonne saison, en forme et je voulais continuer à marquer des buts pour aider Caen dans ces moments difficiles. Il faut aussi dire que la sélection, ça engendre des déplacements et ça prend beaucoup d’énergie donc j’ai fait le choix de rester en Normandie pour être dans les meilleures conditions possibles.
Alexandre Mendy, entre convoitises et loyauté…
FM : vous êtes sous contrat jusqu’en juin 2026, comment voyez-vous le futur ?
AM : dans un premier temps, je reste focus sur les objectifs du club et mes propres ambitions, après ça fait déjà deux ans que je suis convoité, mais je laisse cette partie à mon conseiller, je lui fais pleinement confiance et nous parlerons de ça en temps et en heure. Comme chaque année, on fera un bilan en fin d’année pour voir ce qui est le mieux pour moi et pour ma famille.
FM : qu’est-ce que ça vous fait d’être un joueur convoité ?
AM : ça montre que je fais du bon travail, je ne mets pas ça de côté, c’est important aussi, c’est toujours une fierté de savoir qu’on intéresse quelques clubs.
FM : en cas de départ dans les mois à venir, avez-vous un championnat en tête ?
AM : non, je n’ai pas forcément un championnat préférentiel, ce que je souhaite avant tout c’est un projet bienveillant comme je peux l’avoir aujourd’hui à Caen. Après, c’est un choix qu’on fera en commun avec mon conseiller. La saison dernière comme je l’ai déjà dit, j’étais déjà convoité, on s’est posé, on a réfléchi et on a décidé qu’il fallait rester à Caen et je ne regrette pas du tout ce choix. Au fur et à mesure des expériences que j’ai pu avoir, que ce soit sur le terrain, mais aussi en dehors, je suis père de famille, j’ai trois enfants, ça te donne une certaine sagesse, une maturité. C’est important pour moi que ma famille se sente bien pour que je me sente bien. Je vise cette stabilité parce que c’est essentiel pour être performant sur le terrain.
FM : vous avez d’ailleurs prolongé à Caen jusqu’en 2026 en juillet dernier…
AM : j’ai prolongé parce que je ne voulais pas partir libre. Il fallait aussi après une saison intéressante sur le plan statistique que je prouve que ce n’était pas un hasard ou un coup de chance, je voulais confirmer cette dynamique. J’avais ce besoin de concrétiser. L’autre objectif primordial c’est que quand je suis arrivé à Caen, j’ai signé 4 ans avec la confiance d’un président et d’un directeur sportif. Avec mon conseiller, on s’était dit que sur 4 ans, on voulait jouer la montée parce que je considère que Caen est un club qui mérite d’être en Ligue 1. J’ai eu une première année difficile, mais la deuxième année m’a permis de me lancer. La troisième année, ça m’a permis de confirmer à un très haut niveau et cette année, c’est celle de la concrétisation et j’espère qu’elle se terminera par une montée. La prolongation avait ce double objectif : permettre à Caen de pouvoir me vendre et pour moi, pouvoir rendre à Caen la confiance qu’on m’a accordée. C’était inconcevable pour moi de quitter le club librement, je ne voulais pas faire ce choix, je ne voulais pas ne rien laisser au club avec tout ce qu’ils m’ont apporté. J’aurais eu la sensation de partir comme un voleur.
FM : pour terminer, qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour cette fin de saison ?
AM : je veux faire vibrer les supporters jusqu’au bout, le reste ça sera le destin. Je suis focalisé sur les objectifs du club, je veux tout donner, sans aucun regret. Je le répète, j’avais 4 ans de contrat et si je finissais les 4 ans, je partais libre et ça ce n’était pas imaginable. Maintenant, on verra de quoi sera fait l’avenir, mais aujourd’hui je veux faire vibrer les fans autant que possible et si on monte, je serais le plus heureux du monde sur le plan personnel, mais aussi pour l’ensemble du club. Pour le reste, je ne sais pas moi-même honnêtement de quoi sera fait la suite, après j’ai bien conscience qu’avec ce niveau de performance, j’attise les convoitises, mais il y a un moment pour tout. On décidera de ça quand ça sera le bon timing, aujourd’hui c’est le terrain et mes performances qui comptent. Une chose est sûre, je veux aller au bout des choses avec Caen, tout donner pour ce club. Il y a une superbe direction, un super entraîneur, un groupe qui a faim et je veux me donner au maximum pour toutes ces raisons.
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