Florian Ayé : « on te regarde différemment, maintenant c'est "ah, il a battu Baggio" »
On avait quitté Florian Ayé en Ligue 2, après une belle saison réussie à Clermont. Il avait décidé de prendre la tangente, de filer en Italie, où un nouveau challenge l'attendait à Brescia. Après une saison compliqué en Serie A, il est revenu plus fort cette saison, explosant les records. Pour Foot Mercato, il s'est confessé, expliquant ses hauts, ses bas, la vie dans la Botte, le covid et enfin ses aspirations.
Foot Mercato : après une saison folle à Clermont, vous partez en Italie. C'est le grand saut...
Florian Ayé : à la fin de la saison, j'étais confiant pour l'avenir. Je ne voulais pas partir aussi tôt. Mon projet, c'était d'aller en Ligue 1. Mais personne ne m'a fait d'offre. En décembre, j'ai eu des échos, mais il n'y a rien eu. J'ai eu cette offre de Brescia. Je me suis dit que pour ma progression c'était super. Il y a des grandes équipes, un week-end sur deux tu joues une équipe qui se bat pour l'Europe. J'arrive là-bas, je ne parle pas du tout la langue. J'ai tout de suite téléchargé une application pour apprendre l'Italien. Tous les jours, je ne faisais que ça et en deux mois je maîtrisais la langue. C'était vraiment un plus. Quand ils ont vu cela, ça a facilité mon intégration.
FM : puis viennent les premiers pas à l'entraînement, qu'est-ce qui vous change le plus ?
FA : la préparation, c'est dur. Pourtant je sortais de trois semaines de prépa avec Clermont, mais j'ai souffert.
FM : c'est très différent ?
FA : oui ! Ici il y a vraiment cette culture du travail. Honnêtement, c'est un niveau au-dessus physiquement.
FM : la première saison ne se passe pas bien du tout. Vous ne marquez pas un seul but...
FA : si ! J'en marque deux, mais refusés par la VAR (rires). Non, je n'en mets aucun. C'est une saison plus que compliquée.
FM : cela se passe comment ? Vous doutez vite ?
FA : non, parce que je suis très croyant. Je sais que Dieu a un plan pour moi donc je ne m'inquiète pas. Je sais qu'il va se passer quelque chose pour moi et que tant que je suis son plan, il ne peut m'arriver que du bien. Je n'ai pas douté même si, pour un attaquant, tu ne le vis pas bien. Finalement, je me suis dit "bon... Tu ne marques pas. Tu dois continuer à bosser". Et au final, malgré les statistiques, j'ai beaucoup progressé et cette année encore, j'ai évolué dans mon jeu. J'ai appris énormément de choses.
FM : comment vous vous en sortez finalement ?
FA : j'apprends beaucoup ! Je passe de la Ligue 2 à la Serie A, tout va plus vite. C'est plus physique et plus technique aussi. Il faut s'adapter et élever son niveau de jeu. Il faut travailler à l'entraînement et bien travailler en dehors aussi. Je n'ai jamais eu de problème par rapport à ça. En arrivant ici, j'ai aussi eu plus de moyens donc j'ai investi dans des choses pour faire de la récupération, pour travailler physiquement chez moi.
FM : Brescia descend ensuite. Avez-vous fait le point sur votre avenir ?
FA : au début je me suis dit qu'il fallait que je parte, que l'Italie ce ne fût pas pour moi. Je me suis dit "tu viens de faire une saison avec zéro but, ça ne sert à rien de rester ici, ce n'est pas pour moi, je ne me sens pas bien". Au final je reste et je me dis que je vais faire une grosse saison pour mieux repartir après. C'était surement mieux de rester là-bas, de faire une grosse saison, rien qu'au niveau des touches avec d'autres clubs.
FM : il y a un élément déclencheur sur le fait de rester ?
FA : pas spécialement. Je me dis que je vais rester ici et que si j'ai atterri ici, c'est pour une raison. Je savais que je n'avais pas fait tout ce que j'avais à faire ici, donc c'est parti ! C'était un beau challenge, avec d'autres objectifs.
FM : il y a un chamboulement de l'effectif, comment se passe l'été ?
**FA : en plus change d'agents (rires) ! J'ai des touches, mais le club veut me garder. Ça ne me pose pas de souci. On perd quelques joueurs et beaucoup arrivent. L'effectif change beaucoup, on change de coach aussi. J'en ai connu sept en deux ans ici (rires) ! On repartait sur de nouvelles bases et mentalement, il fallait être à fond.
FM : les discussions avec le coach se passent bien ?
FA : super bien ! Il me fait confiance, me dit que je vais être un élément important cette année et au bout de matches, il saute ! On retrouve celui de la fin de saison en Serie A. J'enchaîne les matches, puis je ne joue plus. Il part aussi vers novembre. Un nouveau coach arrive, je ne joue pas du tout. Ah si, les deux derniers matches qu'il fait. Il saute aussi et là le coach actuel arrive. Il me fait totalement confiance, son style de jeu me convient parfaitement et à partir de là, j'enchaîne les buts et les bonnes performances, on remonte au classement.
FM : le premier but arrive contre Lecce, à la troisième journée, en octobre. Comment on vit ce premier but ?
FA : on le vit comme une vraie libération ! Une vraie libération. Je l'attendais depuis si longtemps. Cela m'a fait plaisir de voir que toute l'équipe était contente pour moi, ils sont venus vers moi. Je le savais, mais c'était une preuve en plus qu'ils croyaient en moi. C'était un but à la 90e minute, dans le style de ceux que je mettais à Clermont.
FM : ils se ressemblent tous beaucoup en plus...
FA : sur les 18 à Clermont, je crois qu'il y en a qu'un en plus d'une touche, contre Brest à l'aller. Ici, j'en ai mis en une touche. Mais j'ai beaucoup travaillé sur ça avec les coaches et mes entraîneurs. J'ai beaucoup progressé dans mon placement, dans mes déplacements et dans ma finition.
FM : et là, vous enchaînez les buts. Vous vous étiez fixé un objectif ?"
FA : je ne me suis jamais dit "l'année dernière tu n'as pas marqué, cette saison on va se contenter de marquer cinq ou dix buts". Les objectifs sont toujours élevés. Après, à la fin de la première partie de saison, j'étais à deux buts. Je serais un menteur si je te disais que je serais à 15 ou 16 buts à la fin de la saison. Et au final, c'est incroyable, j'ai bien fait de garder la foi (rires) !
FM : comment vous définiriez la différence entre la Serie A et la Serie B ?
FA : c'est très différent. C'est autre chose. C'est plus lent que la Serie A, mais tactiquement les équipes sont fortes, ont une identité de jeu propre. C'est plus fermé. C'est comme la différence entre la Ligue 1 et la Ligue 2, j'imagine.
FM : est-ce que vous êtes au courant que vous battez deux records (les 15 buts de Trezeguet en Serie B en 2006-2007 et les 6 buts en 6 matches de Robert Baggio à Brescia ) ?
FA : oui. Pour celui de Baggio, c'est celui qui a marqué les gens ici, c'est un monument ! Quand je marque contre Cosenza, c'est le sixième matches de suite où je marque, je vois les titres "Ayé rejoint Baggio, s'il marque le week-end prochain contre Venise, il le dépassera et sera l'unique détenteur du record". Tout le monde ne me parle que de cela. Pourtant, ce n'était pas important. Je ne cherche pas cette gloire personnelle, je veux juste marquer des buts. Mais forcément ça fait plaisir. C'est une reconnaissance des gens. On te regarde différemment, c'est "ah, il a battu Baggio".
FM : ça a tout changé ?
**FA : la différence des messages sur les réseaux sociaux (rires). Les mecs me disaient "l'année dernière je te critiquais, je voulais plus de toi. Mais maintenant tu nous as montré que tu es un vrai joueur".
FM : comment ça se passe dans la ville pour vous ?
FA : beaucoup mieux. Les gens me sourient plus, ils veulent faire des photos avec moi. Honnêtement, ça fait plaisir, c'est top.
FM : comment vous sentez-vous en Italie ?
FA : je ne vais pas mentir... Les six premiers mois, c'était dur. J'étais tout seul, ce n'était pas facile. Je ne suis pas parti à l'autre bout du monde, mais ne pas voir ta famille ou tes amis quand tu le veux...Ce n'est pas facile. Cela reste un pays et une culture différente. Ensuite, j'ai mon ami, Manu, qui est venu habiter avec moi. Il m'a beaucoup aidé et apporté mentalement parlant. On a les mêmes principes donc c'était parfait.
FM : surtout qu'avec le covid en Italie, ça a été quelque chose de très violent...
FA : Manu est venu habiter avec moi deux semaines avant, ensuite il y a eu le confinement. Heureusement qu'il était là. J'aurais eu beaucoup de mal sinon, je me serais tapé la tête contre les murs...
FM : finalement, Brescia a perdu en playoffs et ne montera pas. Comment envisagez-vous votre avenir ?
FA : forcément, quand on est footballeur, on est compétiteur, on a de l'ambition. J'aimerais bien retrouver une première division. C'est toujours un objectif de jouer dans les meilleurs championnats. J'y aspire. honnêtement, je ne serais pas contre un retour en France, en Ligue 1. Cela me donne vraiment envie
FM : quel est le club qui vous fait vibrer, qu'importe le pays ?
FA : c'est Chelsea ! Depuis que je suis petit, j'aime ce club, je regardais ce club. Je me souviens que mon père m'avait acheté un maillot des Blues floqué Robben. Cela m'a fait aimer Chelsea. Puis il y a eu Drogba, qui est mon joueur préféré, qui m'a encore plus donné de l'amour pour les Blues.
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