Liverpool : Nathaniel Phillips, la trouvaille complètement inattendue de Jürgen Klopp
Confronté à une cascade de blessures en défense centrale, Liverpool a dû se résoudre à aligner Nathaniel Phillips face à West Ham ce week-end, 6e dans la hiérarchie au poste. Le flair de Jürgen Klopp ne s'est pas trompé. Pour ses débuts professionnels en Premier League, le joueur déjà âgé de 23 ans a éclaboussé la rencontre, de quoi le revoir à nouveau à l'œuvre dans les prochaines semaines. Pourtant, entre une rentrée des classes séchée aux États-Unis, un dernier appel imprévu de l'académie des Reds et un transfert avorté cet été, absolument rien ne laissait envisager un tel destin.
Pour lancer une carrière, il faut parfois un coup de pouce du destin, un virage inattendu qui vous offre l'opportunité espérée. Dans le cas de Nathaniel Phillips, on pourrait carrément parler d'Alpes d'Huez tant les lacets ont été aussi nombreux que sinueux avant d'avoir sa chance à Liverpool. On peut même affirmer que rien ne le prédestinait à être titulaire samedi face à West Ham (victoire 2-1) puisque c'est Rhys Williams (19 ans et 60 minutes de jeu en Ligue des Champions contre Midtjylland cette semaine) qui devait être associé à Joe Gomez, palliant les absences déjà très nombreuses de Van Dijk, Fabinho et Matip. Mais un énième rebondissement, une légère blessure du jeune défenseur central, a propulsé celui qui n'avait encore jamais porté le maillot des Reds en championnat à tout de même 23 ans.
A @premierleague debut for Nat Phillips tonight 🙌🔴#LIVWHU pic.twitter.com/IUbTdWUO4P
— Liverpool FC (@LFC) October 31, 2020
La surprise était de taille au moment de l'annonce des compositions. Phillips n'avait disputé que 90 minutes à Liverpool. C'était en Cup l'an dernier lors d'une victoire sur la pelouse d'Everton, quand Klopp avait accordé une chance à quasiment tous ses Baby Reds. Pourtant, il s'est immédiatement mis au diapason, donnant l'impression de jouer comme un taulier. Rempli de sérénité, celui qui est venu des Bolton Wanderers en juin 2016 a montré toutes ses qualités. Dur sur l'homme, solide dans les airs face à Haller et dans les duels, il n'a jamais paniqué au moment de relancer, préférant jouer le plus simplement possible plutôt que de se compliquer la tâche. À bien regarder, il est même apparu bien plus en confiance que l'irrégulier Joe Gomez, pas vraiment à son avantage sur la pelouse d'Anfield.
Une grande première chez les Reds en Premier League
Si le vote des internautes de la Premier League a décerné à Mohamed Salah le titre de King of the match, certains médias anglais ont plutôt salué la grande prestation de Nathaniel Phillips, comme Jamie Carragher, légende de Liverpool et ancien défenseur central, aujourd'hui consultant pour Sky Sports. «Ce qui manque à Fabinho et Gomez, c'est de la domination aérienne. Quand vous jouez contre certaines équipes, pas nécessairement les meilleures, elles chercheront à mettre des longs ballons dans la surface, du jeu direct, des centres, récupérer des deuxièmes ballons, et Liverpool n'a pas su répondre à ça contre Sheffield United (victoire 2-1). C'est ce qui leur a causé de gros problèmes. Aujourd'hui (samedi), cette tête à la fin sur le corner, l'un des derniers coups de pied arrêtés du match, elle est pour le leader normalement, ça serait pour Van Dijk. J'adore la maturité dont il a fait preuve.»
🥇 Man of the Match, Nat Phillips
— Sky Sports Statto (@SkySportsStatto) October 31, 2020
PL debut & second senior app for @LFC
9 clearances (6 headed), most in match
6 times possession gained
2 Interceptions
1 chance created
96 touches pic.twitter.com/g9NnH2GpcO
Même Jürgan Klopp a semblé bluffé par le droitier d'1m90. «La façon dont nous avons défendu... Nat Phillips, wow ! Je ne peux pas être plus heureux. Avant le match, je lui ai demandé s'il était nerveux, il a répondu : "non", j'ai dit : "je ne le serai pas non plus alors". Il vous tient éveillé dès la première seconde. Il était confiant, a fait son travail et a fait un très bon match, a assuré l'entraîneur allemand, emboîtant le pas de Carragher. Je suis d'accord à 100% avec lui. Jamie était défenseur aussi. Peut-être qu'il se souvient de son premier match pour Liverpool, c'est toujours un grand moment. Pour un gars comme Nat qui est exceptionnellement intelligent, et était déjà en route pour les États-Unis il y a trois ans pour étudier à l'université. Maintenant, il joue pour Liverpool ! C'est une très belle histoire.»
Le coup de téléphone de Liverpool
Avant d'être encensé par tous les observateurs britanniques, le gamin de Bolton a du faire un choix crucial. En 2016, alors qu'il vient de souffler ses 19 bougies, la faculté de Caroline du Nord lui attribue une bourse pour s'en aller faire des études d'économie. Sans perspective sportive chez les Wanderers où son père est directeur de l'académie, le jeune homme se fixe comme objectif de se faire repérer par une franchise de MLS, tout en se préparant à une solution alternative au ballon rond. «À l'université où j'allais, il y avait en général tous les ans un élève qui trouvait une franchise. C'était aussi un bon niveau. J'étais plutôt content car c'était une option plus sûre pour moi parce que j'aurais eu un diplôme à la fin de mes études», confiait l'intéressé à ESPN en 2017.
Les billets vers le Nouveau Monde sont déjà réservés mais pendant qu'il entretient sa forme physique avec un coach d'Huddersfield Town, un coup de fil inattendu va bouleverser ses plans. Liverpool l'invite à faire un essai. «Ils me disent : "nous allons en Allemagne pour la pré-saison, et nous aimerions que vous veniez vous entraîner avec nous. Est-ce que vous êtes disponible ?" J'ai sauté sur l'occasion et à partir de là, tout était un peu surréaliste. Je savais que c'était la dernière opportunité de rester au Royaume-Uni et d'essayer de faire carrière à Liverpool. Les semaines suivantes étaient un peu folles car je ne pouvais pas imaginer que ça allait se passer ainsi.» Le jeu en vaut la chandelle. Pourtant, le risque est grand de se planter. D'ailleurs, les premiers mois sont compliqués avant de devenir titulaire chez les U23, portant même le brassard à de rares reprises.
Et maintenant ?
Comme dans tous les grands clubs, seuls les meilleurs jeunes ont accès à l'équipe première. À l'aube de la saison 2019, Phillips, barré par la concurrence, prolonge chez les Scousers avant d'être envoyé pour un double prêt de six mois à Stuttgart, en seconde division allemande. Il revient auréolé d'une montée en Bundesliga mais son avenir semble s'inscrire loin de Liverpool une nouvelle fois. Middlesbrough, Bristol City, Schalke ou encore le Werder Brême sont intéressés. «12 équipes de Championship le voulaient cet été, révélait Klopp hier en conférence d'après-match. J'étais bien avec lui mais ça n'a pas marché pour une raison quelconque et ce soir, il a été parfait.» Une nouvelle fois, le destin a tourné en faveur du joueur. Et face à de telles circonstances, il peut se mettre à rêver encore plus grand.
«Avoir cette opportunité ce soir (samedi), c'est énorme pour moi et ma famille, j'en rêvais. Jeudi lors de l'entraînement, le staff m'en a parlé. Je me suis juste assuré de rester prêt au cas où l'occasion se présentait. Je pense qu'il était important pour moi de bien rentrer dans le match, de calmer mes nerfs, de ne pas essayer de me compliquer la vie. J'ai vraiment adoré ! C'était une bataille aérienne difficile, mais c'est aussi l'une de mes forces.» Avec les blessures des titulaires au poste, le défenseur apparaît désormais comme un concurrent sérieux à Rhys Williams pour entrer dans la rotation à une période charnière. Plus expérimenté et conforté par sa prestation, il pourrait être sur le pont pour affronter Manchester City (08/11) et Leicester (21/11) en Premier League, tandis qu'il n'a pas été inscrit pour la Ligue des Champions. S'il sort de nulle part, Nathaniel Phillips croit en sa bonne étoile. C'est même l'histoire de sa vie.
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