Copa America

Les dessous de l’accord historique conclu entre la Conmebol et la Fédération israélienne

Au cœur d’un contexte politique sulfureux et d’une guerre dévastatrice menée par l’Etat hébreu contre la Palestine après l’assaut lancé par le Hamas le 7 octobre dernier sur son territoire, la Fédération israélienne de football (IFA) vient d’officialiser la signature d’un protocole d’accord avec la Confédération sud-américaine Conmebol. Un partenariat historique revêtant davantage une ambition sécuritaire.

Par Josué Cassé
6 min.
Gianni Infantino @Maxppp

«C’est un moment historique particulièrement excitant, une percée internationale pour la Football Association. Nous avons signé un accord de coopération avec des puissances géantes, des champions du monde, des pays où le football est une pierre angulaire, une culture». Ce jeudi, par le biais d’un communiqué, Shino Moshe Zuares, président de la Fédération israélienne de football (IFA), a annoncé la signature d’un nouvel accord avec la confédération responsable de l’organisation des grands tournois sud-américains. Présent à Asunción (Paraguay) aux côtés de Niv Goldstein, directeur général de l’IFA, Moshe Zuares, aujourd’hui âgé de 52 ans, s’est alors réjouit d’un partenariat historique qui couvrira le développement, l’entraînement, l’arbitrage, le football féminin ou encore le football des jeunes.

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Un partenariat stratégique

«Notre véritable amitié avec Alejandro Dominguez, président de la Conmebol, a donné naissance à de merveilleux fruits pour le football israélien. J’arrive toujours à de tels postes humbles et curieux d’apprendre, et suffisamment confiants dans ce que nous avons en tant qu’association et en tant que pays à offrir à nos partenaires. Nous travaillerons d’arrache-pied pour traduire cet accord prometteur en une mesure qui produira des résultats significatifs. J’espère vraiment que l’équipe nationale israélienne participera à l’un des grands tournois organisés par la Conmebol, peut-être la Copa America», assurait, en ce sens, le natif de Petah Tikva, élu à l’unanimité en 2018 à la tête de l’Association de football d’Israël et plus que jamais déterminé à l’idée de développer le football israélien à l’échelle locale et internationale.

Affiliée à l’UEFA depuis 1994, Israël - ancien membre fondateur de la Confédération asiatique de football (AFC) et vainqueur de la Coupe d’Asie 1964 avant d’être exclu des compétitions de l’AFC en 1974 à la suite d’un vote après qu’un certain nombre d’équipes aient refusé de jouer contre eux - doit cependant composer avec un contexte géopolitique plus que crispé. En octobre 2023, l’instance dirigeante du football européen avait, à ce titre, confirmé qu’aucun match n’aurait lieu dans l’Etat hébreu «jusqu’à nouvel ordre» en réponse à la guerre entre Israël et la Palestine. Ces derniers mois, les stades de Serbie, de Chypre ou encore de Hongrie ont ainsi tous accueilli des rencontres européennes pour le Maccabi Haïfa, le Maccabi Tel Aviv mais également les rencontres internationales d’Israël. En mars dernier, la Fédération palestinienne de football (PFA) avait, de son côté, écrit à la FIFA pour demander au Congrès de l’instance dirigeante mondiale d’envisager des sanctions «appropriées» contre la Fédération israélienne de football (IFA) et ses clubs en raison de «violations sans précédent du droit international humanitaire et des droits de l’homme».

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Israël veut sortir de son isolement

Un contexte ô combien chaotique poussant finalement les responsables israéliens, esseulés, à se faire des alliés politiques au sein de la Conmebol. Dans cette optique, le communiqué de presse officialisant le protocole d’accord précise que la délégation israélienne a, par ailleurs, rencontré le président de la FIFA, Gianni Infantino, et le secrétaire général, Mattias Grafstrom, pour «discuter du prochain Congrès de la FIFA qui se tiendra en mai à Bangkok et de la manière dont la FIFA aidera la Fédération de football à développer l’industrie en Israël et au niveau international». Si Israël ne serait pas la première nation non traditionnelle à participer à la Copa America - le Japon, à deux reprises, et le Qatar ont participé ces dernières années, tandis que la Chine et l’Australie ont décliné les invitations en raison de calendriers conflictuels - l’accord historique tout juste conclu entre la Conmebol et la Fédération israélienne peut susciter plusieurs questionnements.

Pourquoi l’IFA décide de se rapprocher de la confédération sud-américaine ? S’agit-il d’une stratégie ? Existe-t-il d’autres enjeux que la seule ambition sportive ? Est-ce une réponse face aux demandes de sanction récemment formulées par la Fédération palestinienne de football ? Interrogé par nos soins, Jean-Baptiste Guégan, expert en géopolitique du sport, réfute cependant l’idée d’une quelconque stratégie d’influence, préférant mettre l’accent sur l’aspect sécuritaire. «Il y a tout d’abord une réalité à rappeler, c’est que la question palestinienne dans la Conmebol n’existe pas avec la même intensité, il n’y a pas un risque de politisation comparable à ce qui se passe en Europe, en Afrique ou dans le Golfe. On est sur un espace régional où la question est moins sensible et où les populations majoritairement chrétiennes, qu’elles soient catholiques ou évangéliques, ne vont pas offrir le même risque de mobilisation voire d’opposition. Par ailleurs, je ne vois pas forcément une question de business dans ce rapprochement entre l’IFA et la Confédération sud-américaine. Pour moi, c’est avant tout la volonté de la FIFA de jouer sur l’internationalisation de ses compétitions et surtout de permettre à Israël de jouer sans devoir faire face à une exposition et des enjeux de sécurité conséquents».

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Un enjeu avant tout sécuritaire…

«Finalement, ça fait deux bonnes raisons. Il faut aussi rappeler que la Conmebol est sous l’influence de la FIFA, elle reste faible en termes de gouvernance donc on peut imaginer que la FIFA y a intérêt pour avoir valider l’idée. Aujourd’hui, on sait que c’est très compliqué pour Israël d’aller jouer en Europe. En Afrique, c’est également inconcevable pour des raisons de sécurité et de très nombreux pays s’y opposent. En Asie, c’est aussi très compliqué donc il reste le territoire sud-américain. Je pense que ce partenariat est d’abord motivé par une question de sécurité et ensuite permettre à Israël de pouvoir continuer à peser sur l’aspect sportif sans être ciblé par des opposants, qu’ils soient nationaux ou locaux. Il n’y a pas d’influence avec cet accord, il n’y a pas cette volonté d’aller chercher une influence comme ça peut être le cas avec la stratégie saoudienne», poursuit l’auteur de Révolution Mbappé aux éditions Michel Lafon.

Et de conclure : «là, on est plus dans une logique utilitariste qui vise à permettre à la sélection israélienne de jouer dans des conditions optimales et qui ne posent pas de casse-têtes à la FIFA». Reste désormais à savoir si Israël participera, ou non, aux prochaines Copa America. Pour rappel, cette année, la compétition se déroulera aux États-Unis du 20 juin au 16 juillet, deux ans avant que les USA n’accueillent la Coupe du monde 2026 aux côtés du Canada et du Mexique. Pour cette 48e édition, dix équipes de la Conmebol seront rejointes par six équipes de la Concacaf et le match d’ouverture du tournoi aura lui lieu au Mercedes-Benz Stadium d’Atlanta, en Géorgie, le 20 juin. Tenante du titre, l’Argentine aura de son côté forcément à coeur de rallier, une nouvelle fois, la grande finale qui se disputera le 14 juillet prochain au Hard Rock Stadium de Miami Gardens, en Floride.

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