Sa reconversion dans le golf avec Franck Queudrue, son expérience avortée sur le banc du RC Lens, son espoir de retrouver un club avec Eric Sikora, ses souvenirs de terrain avec Daniel Leclercq, son anecdote à propos du jeune Yacine Brahimi, son admiration pour l’attaquant nigérian John Utaka, ses souvenirs d’équipe de France avec Vieira et Makélélé... l’ancien joueur de Valenciennes, Guingamp, Lens, Toulouse, Rennes, Grenoble et Boulogne, et international français à trois reprises, Daniel Moreira se raconte à Foot Mercato.
Foot Mercato : Bonjour Daniel Moreira, comment ça va ? Que faites-vous de vos journées en ce moment ?
Daniel Moreira : on vient de créer une société d’évènementiel liée au sport, M&Q Events, avec Franck Queudrue, qui était avec moi au RC Lens. On se connaît très bien et on passe beaucoup de temps ensemble, on s’est donc lancés. On va essayer de toucher du monde dans le golf, car c’est un sport qu’on aime. C’était notre occupation quand on était joueurs. C’était même une passion. On a pris quelques renseignements à droite et à gauche. L’objectif est d’associer le golf et le football. Un bon moment de partage. Par exemple une journée où l’on va jouer au golf sur Chantilly ou sur Paris et derrière on va voir un match de foot. Parce qu’on sait qu’il y a pas mal de passionnés. Nous on est avec eux, on parle de notre carrière.
F.M. : Le golf, vous baignez dedans depuis longtemps ?
D.M. : j’ai créé une association il y a dix ans avec des copains. Ici à Arras, j’organise l’équivalent de la Ryder Cup. Il y a 20 Français et 20 étrangers. Tous les ans on attend cette date-là pour s’affronter. Dans l’année on se voit tout le temps, on est une bande d’amis, on se chambre un petit peu. Et puis on est toujours impatients que cette date arrive. C’est entre nous. Il nous faut aussi du budget. Pour les dix ans, l’an dernier, on est allé à Marrakech. Il fallait trouver des sponsors, on a trouvé parce qu’on a la chance d’avoir pas mal de connaissances. Notre société est basée sur le golf au départ. On va organiser des séjours avec nous, on va parler de foot. Là-bas il y aura un golfeur pro qui nous accueillera. Il y a beaucoup d’anciens joueurs ou de patrons qui jouent, et nous ce qu’on veut c’est relier tout ça.
F.M. : Les footballeurs et le golf, c’est comme une évidence aujourd’hui. Vous expliquez comment cet attrait du monde du foot pour ce sport ? Il y a des liens entre les deux sports ?
D.M. : c’est autre chose que le football, parce que déjà c’est un sport individuel. Quand on n’est vraiment pas bien, dans le doute, on cherche des solutions. Chaque parcours est différent et on est dans une quête permanente de progression. On voit du paysage, on marche, on se fait plaisir. C’est un sport très agréable. Contre soi-même, où l’on veut performer. C’est vrai qu’il y a pas mal d’entraîneurs qui pratiquent. J’ai fait quelques tournois avec les Laurent Blanc, Antoine Kombouaré… ça nous fait sortir du quotidien du foot, ça permet de s’évader, de penser à autre chose. Ça nous va bien.
Daniel Moreira joue au golf à Arras en mars 2004
FM : Est-ce que vous jouez encore au foot aujourd’hui ?
D.M. : oui ! Je joue avec les anciens du RC Lens. Tous les jeudis, on se fait plaisir, on se retrouve. On fait plaisir à des entreprises qui viennent jouer contre nous, ou des clubs aux alentours. On se fait deux fois 35 minutes et après on mange un petit truc tous ensemble et on est contents de se revoir. Il y a Alou Diarra, Eric Sikora, Jimmy Adjovi-Boco, Aruna Dindane qui est là aussi, parce qu’ils sont tous à peu près dans la région. C’est un plaisir, on se souvient de ce qu’on a fait à Lens. Il y a Didier Sénac qui est tout le temps là aussi et puis Patrick Barul ou Dagui Bakari. On est une belle équipe, qui a joué pas mal de matches en Ligue 1. Et puis ça nous fait du bien aussi de garder la forme.
F.M. : Il y a un an, votre binôme Eric Sikora déclarait être en quête d’un banc de touche, en Ligue 2, National ou même à l’étranger. Qu’en est-il aujourd’hui ? Êtes-vous toujours entraîneur ?
D.M : c’est toujours d’actualité. Mais c’est vrai que ça fait un an qu’on n’avait rien fait. J’avais aussi envie de bouger, de faire des choses. Je me suis donc lancé avec Franck. Après, Siko est toujours à la recherche et quand il aura trouvé le club qu’il faut, s’il faut que je l’accompagne je vais l’accompagner. Parce qu’on se connaît super bien et que ce sera un plaisir d’être dans un club de foot. Ça reste ce qu’on a fait toute notre vie. Être entraineur ça a été une autre passion, car ça a été complètement autre chose que lorsqu’on était joueur. On veut basculer dans un autre monde et vu que c’est compliqué je me suis dit que j’allais monter ma société. Derrière, s’il m’appelle bien sûr que je serais disponible.
F.M. : Eric Sikora ou vous-même avez eu des contacts avec des clubs ?
D.M. : il y a eu quelques contacts, notamment avec Orléans ces dernières semaines. Il fait toujours partie des short-lists à droite et à gauche, en Ligue 2 et en National. Il y a un an, il était allé en Belgique car un club le voulait. Mais c’était une D2 belge qui était en difficulté.
Le duo Moreira-Sikora en avril 2019
F.M. : La difficulté avant même de commencer, ça vous rappelait un peu trop votre expérience sur le banc du Racing Club de Lens, lors de la saison 2017/18 ?
D.M. : on ne voulait pas repartir dans des choses compliquées dès le départ. Si on ne peut pas amener des joueurs à nous, cela ne sert à rien. Quand on a repris le club à Lens (après la 4e journée de Ligue 2, en août 2017, ndlr), on ne pouvait rien faire. On nous disait, « vous avez cette équipe-là, vous vous débrouillez avec ça ». Nous, on avait pas mal de touches avec certains joueurs, on voulait les faire venir, mais on nous disait à chaque fois que ce n’était pas possible. On a fini l’année comme ça. On nous avait demandé le maintien et promis qu’on repartirait pour une deuxième saison, avec la possibilité de choisir nos joueurs. On était contents. Mais à la fin de la saison, on avait maintenu le club et ils nous ont dit « bah non, on va trouver quelqu’un d’autre ». C’est dommage que ça se termine comme ça, mais c’est la vie d’entraîneur de foot.
F.M. : Justement, votre successeur, Philippe Montanier vient de se faire éjecter du banc du RC Lens, alors que le club est deuxième et en course pour la montée en Ligue 1. Une nouvelle incompréhension ?
D.M. : il reste douze matches… Même nous on ne comprend pas qu’il soit viré. J’en ai discuté avec beaucoup de monde ici qui m’ont dit ne pas comprendre. Lens est troisième (passé deuxième depuis, ndlr), complètement en course pour la montée. Ils n’ont perdu qu’une fois à domicile en 2020 (le dernier match, 1-4 contre Caen, ndlr) et derrière ils le font partir. S’il y avait des embrouilles dans le vestiaire, ça on n’est pas au courant. Il y avait peut-être des embrouilles dans le vestiaire ou entre lui et les dirigeants. Comme il y a un board qui décide de tout… s’il s’est un peu embrouillé avec certaines personnes… mais je ne peux pas vous dire.
F.M. : Pensez-vous que cette décision soudaine puisse compromettre les chances de montée en Ligue 1 ?
D.M. : compromettre, non, parce qu’ils ne sont pas trop loin. C’est les joueurs qui sont sur le terrain. Ils savent qu’ils étaient déjà tout en haut du classement, ils savent quels efforts ils doivent fournir pour franchir ce petit cap pour être deuxièmes ou premiers. Moi je les voyais rester dans les deux premiers avec Lorient. C’est une équipe qui jouait et là ils sont un peu dans le dur et ça m’a semblé très bizarre qu’ils enlèvent Montanier. C’est fait. Au nouvel entraîneur (Franck Haise, ndlr), que j’ai connu quand j’étais en pro alors qu’il était en CFA, de prendre la suite. C’est quelqu’un de très bien. Maintenant, est-ce qu’il aura les épaules pour réussir ? Ça, je ne le sais pas.
Daniel Moreira a croisé la route de Franck Haise au RC Lens
F.M. : Le départ forcé de Philippe Montanier a-t-il ravivé des souvenirs douloureux chez vous ? Votre éviction, avec Eric Sikora, est-elle aujourd’hui digérée ?
D.M. : c’est digéré, oui. On sent maintenant que le football actuel est comme ça. Dès que quelque chose ne va pas on veut tout de suite changer les personnes. Tout le monde est impatient. Pour eux, c’est une année décisive parce que les droits TV changent l’année prochaine, donc les équipes qui vont descendre en Ligue 2 à l’issue de la saison prochaine auront beaucoup plus de budget et pourront donc espérer remonter immédiatement. Je pense que l’objectif des propriétaires était vraiment une montée cette année. Maintenant, nous ça fait plus d’un an et demi qu’on est sur le côté. Pour moi, la page a été tournée.
F.M. : L’histoire entre Daniel Moreira et le RC Lens est-elle définitivement terminée ?
D.M. : si un jour, avec Siko, on nous rappelait pour faire de la formation, moi j’irais avec grand plaisir parce que cela reste notre club de cœur.
F.M. : Vous n’êtes donc pas parti fâché...
D.M. : non, non, pas du tout fâché. C’est comme ça. Après, on a su que quelques personnes nous avaient planté des couteaux dans le dos, mais quand ils sont devant nous ils sourient. Mais apparemment cela marche comme ça dans chaque club. Il y a toujours des personnes qui sont contre. « Siko » reste l’idole de Lens, il y a fait toute sa formation, toute sa carrière, mais même un mec comme lui, dès que des gens ne se sentent pas d’égal à égal avec lui au niveau de la notoriété, ils sont dégoûtés et ils veulent essayer de le casser par derrière. C’est un petit peu dommage, mais c’est le football.
F.M. : Vous pensez à qui ?
D.M. : oh, à personne. Je ne vais pas le dire. Mais il y a des gens qui sont là, qui gèrent mais qui derrière font des choses pas très nettes.
F.M. : Après Eric Sikora et vous, Mickaël Debève, qui était adjoint de Philippe Montanier, est parti. Les anciens sont peu à peu mis dehors. Les temps changent à Lens ?
D.M. : c’est ça, les temps changent. Nous, quand on nous avait fait partir il y avait Eric Roy qui était là et qui nous a dit : « ce que vous avez fait c’est bien, ok, mais nous on veut repartir sur une page blanche et écrire un nouveau livre avec le Racing Club de Lens… ». Ce qu’ils ne comprennent pas c’est que tu ne peux pas renier, ni changer ton passé. Beaucoup de clubs comme à Lyon ou au PSG font revenir d’anciens joueurs pour la mentalité, pour beaucoup de choses. Parce que les mentalités changent. Les jeunes sont différents. Nous on est passés par le RC Lens, on a eu des résultats, on aurait pu continuer à la formation. On était prêts à tout pour le club. Mais il y a des gens qui disent « nous on veut des mecs de l’extérieur, comme ça on va les gérer comme on veut ». Ok, mais ça ne marche pas comme ça. Lens a été champion, Lens a gagné la Coupe de la Ligue, Lens a joué la Ligue des champions. Tu ne peux pas tourner cette page. Des gens veulent gâcher tout ce qui a été fait. C’est peut-être pourquoi le club n’arrive pas à passer un cap.
F.M. : Le duo Blanc-Gasset avait fini par se scinder en deux et l’adjoint était devenu coach principal, à Saint-Etienne. Vous êtes très attaché à Eric Sikora, mais devenir coach numéro 1 d’une équipe, cela vous tenterait ?
D.M. : cela ne m’a jamais traversé l’esprit. J’aime bien être en retrait, j’adore faire les entrainements. Un entraineur doit gérer beaucoup d’à côtés, des problèmes en dehors, surtout au niveau des comportements, des conférences de presse, parler avec les dirigeants… C’est quelque chose dont je ne veux pas avoir à faire. Moi, mon truc c’est le terrain. Je m’occupe des entraînements, ce qui concerne le ressenti des joueurs, c’est ce que j’aime. Je n’ai pas envie d’être numéro un.
F.M. : Quels coaches vous inspirent ?
D.M. : tous les jours je regarde du foot. Je suis né là-dedans, j’ai continué à regarder. J’adore regarder Manchester City, pour Pep Guardiola. Quand tu vois les déplacements des joueurs, je suis hyper impressionné. C’est des années et des années de travail. Peut-être qu’ils ont galéré au début, quand il est arrivé. Comme Jürgen Klopp à Liverpool, que j’aime aussi beaucoup, tout ce qu’il demandait au départ réclamait beaucoup d’efforts. Mais derrière si les joueurs comprennent comment se déplacer pour laisser de la place à d’autres joueurs et demandent le ballon, je trouve ça extraordinaire. Il a réussi à faire changer les mentalités. Ce n’est pas facile avec les joueurs actuels.
F.M. : Vous dites que les mentalités changent, que les joueurs actuels sont différents. Y a-t-il un problème avec les nouvelles générations ?
D.M. : les joueurs actuels ne savent plus faire d’efforts. Quand on était en poste au RC Lens, on demandait toujours quelque chose aux joueurs. Ils étaient toujours « oh non, mais non… ». Si tu veux que ton équipe réussisse, il faut faire les efforts. Il y a beaucoup de transitions dans le football actuel et cela demande de faire des efforts, pour attaquer et pour défendre. Tant que les joueurs n’ont pas compris ça, tu vas galérer. Parce qu’il y aura toujours deux ou trois joueurs qui ne voudront pas faire les efforts et ça ne pourra jamais marcher. T’es toujours derrière eux, en train de les engueuler. Mais c’est leur comportement qui est comme ça, c’est leur formation qui a permis ça. C’est hyper dur à changer. Mais un mec comme Guardiola, il y arrive.
F.M. : Christophe Dugarry qui déclare au sujet de Kylian Mbappé : « heureusement qu’il n’était pas dans le vestiaire il y a quinze ans, il aurait pris un coup de tête » (référence à une attitude jugée nonchalante). Vous comprenez ?
D.M. : avant ça marchait comme ça, exactement. Moi j’en ai connu des mecs qui étaient hyper forts. Au Stade Rennais, il y avait Yacine Brahimi. Il était chez les jeunes. Moi j’adorais ce joueur-là. Sauf qu’il voulait faire des petits ponts au milieu de mecs qui avaient de l’expérience. L’entraîneur, qui était Pierre Dréossi, il avait compris que les anciens, comme Petter Hansson, voulaient le détruire à l’entraînement. Lui voulait s’amuser. Donc le coach l’a écarté un petit peu. Il lui avait dit « cette semaine tu ne vas pas venir t’entraîner avec les pros, tu restes avec la CFA sinon tu vas te faire découper ». Il lui a demandé de changer sa mentalité, de respecter tout le monde et de faire les efforts aux entraînements. Même si tu as envie de faire des petits ponts, tu essaies de penser à autre chose. Et Yacine Brahimi a réussi à changer sa mentalité et j’ai vraiment adoré ce joueur, notamment pour ça. Tout s’est bien passé ensuite et je crois qu’il a mérité sa carrière. Je suis hyper content pour lui.
Yacine Brahimi avec la CFA du Stade Rennais en 2008
F.M. : Qu’est-ce qui a changé chez les jeunes joueurs d’aujourd’hui ?
D.M. : les jeunes savent qu’ils ont une valeur marchande, tout de suite. Aux yeux des présidents, il faut absolument les faire jouer. Tu les fais jouer, ils savent qu’ils valent de l’argent et se disent qu’ils sont intouchables, qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent. Dans les autres pays, ça ne marche pas comme ça. Ailleurs, il y a « l’institution ». C’est comme ça au Bayern notamment. Le joueur passe après. Tant qu’en France on n’aura pas compris qu’il faut avoir une identité forte, avec du caractère… Dès qu’il y en a un qui flanche, bim, ça dégage. Si on ne change pas vite cette mentalité, les mecs vont continuer à se sentir au-dessus de tout le monde, ça ne va parler que d’argent, les parents vont continuer à mettre leurs enfants au foot parce qu’ils savent quelles sommes sont en jeu. Et il y en a pas mal qui vont se casser la gueule.
F.M. : De l’époque où vous étiez joueur, un coach vous a-t-il particulièrement marqué ?
D.M. : j’ai joué sous les ordres de Daniel Leclercq. Il voulait absolument du jeu, du jeu, du jeu. Les entraînements n’étaient basés que sur du jeu. Tous les jours. Je sais qu’apparemment José Mourinho fait beaucoup ça. Il finit tout le temps par du jeu, pour prendre plaisir, avec des thèmes différents. Ça m’a marqué. Avec Daniel Leclercq il y avait beaucoup de travail devant le but et quand on est attaquant c’est royal. J’étais jeune et il défonçait tous les jeunes, il était hyper exigeant avec eux, sur chaque petit détail. Il le disait, il voulait absolument qu’après les entraînements on continue à progresser. Tous nos défauts, il nous les faisait travailler après les entraînements.
Daniel Leclercq est décédé au mois de novembre 2019
F.M. : Il y a-t-il eu des coaches avec lesquels vous n’avez pas accroché ?
D.M. : non. J’ai adoré tout le monde. Je n’ai jamais eu de souci parce que j’étais carré avec moi-même. Si ça n’allait pas, je m’en prenais à moi et pas à l’entraîneur. Si aujourd’hui il y avait plus de joueurs avec ma mentalité, je pense que le travail des entraîneurs s’en verrait facilité. Les mentalités ont changé. C’est ce qui est embêtant. C’est peut-être le mal du PSG actuel, où l’on recherche de petites failles. Certains se disent « bah tiens, il ne fait pas d’efforts. Tiens, cette semaine il est sorti, alors moi je ne vais pas faire d’efforts ». Et avec cette mentalité-là, on ne peut pas réussir si on veut aller tout en haut.
F.M. : De votre passage à Lens, entre votre but contre l’AC Milan en Ligue des champions et celui en finale de la Coupe de la Ligue face à Metz, si vous ne deviez en garder qu’un ?
D.M. : je suis obligé de dire celui en finale de la Coupe de la Ligue (1999), parce que ça reste. Il y a eu un titre derrière. Le Stade de France en furie, avec au moins 50 000 Lensois, puis le lendemain l’arrivée à Bollaert, le stade est complet. Moi, je suis le dernier à passer avec la coupe. Je rentre sur le terrain… Ce sont des moments magiques. Ce sont deux buts différents. L’un nous apporte quelque chose. L’autre, d’une certaine manière, nous a aussi apporté puisqu’on est la seule équipe cette saison-là à avoir battu l’AC Milan, qui remporte la Ligue des champions (2002/03). C’est deux choses différentes mais c’est vrai que ces deux buts là sont restés importants aux yeux des supporters.
F.M. : Quel est le joueur qui vous a le plus marqué, de l’époque où vous jouiez ?
D.M. : je dirais John Utaka (à Lens de 2002 à 2005, à Rennes de 2005 à 2007). Il faisait tout avec le ballon. Il était impressionnant. Il avait tout, la technique, il allait vite, il réalisait tous les gestes facilement. Il dribblait… Et puis il était gentil comme tout sur et en dehors du terrain. C’était un gagneur comme j’ai rarement vu. Pour moi ça reste John Utaka. Je l’ai même revu après quand j’ai signé au Stade Rennais, il ne voulait plus jouer sur un côté, où moi je le préférais. Il disait qu’il aimait bien jouer dans l’axe. Comme il avait eu quelques blessures il disait que dans l’axe il y avait moins d’efforts à faire.
John Utaka célèbre sous les yeux de Daniel Moreira
F.M. : Partir de Toulouse pour aller à Rennes, est-ce vraiment un regret ?
D.M. : après coup, je peux dire oui. Mais sur le coup non. C’était la meilleure chose pour moi. Il y avait la coupe d’Europe. J’avais le choix entre Rennes et Saint-Etienne. C’est vrai que la mentalité de Saint-Etienne m’aurait peut-être plus plu, parce que ça ressemblait à Lens. Sur le coup, c’était le meilleur choix. Il y avait des mecs intéressants qui arrivaient comme Bruno Cheyrou, que je connaissais d’avant. Malheureusement, je me suis blessé tout de suite. Je me suis pas mal blessé là-bas et c’est la raison pour laquelle les choses se sont mal passées.
F.M. : Ce sont les blessures à Rennes qui vous ont poussées vers la sortie ?
D.M : c’était une période difficile. La mentalité à Rennes était vraiment différente de tout ce que j’avais connu avant. On est tout seul, on vous laisse tranquille. Faut se refaire, on n’a pas trop d’aide, laissé un peu comme ça. Dans la tête il faut être très costaud. Heureusement, ma femme était avec moi et cela a coïncidé avec la naissance de ma fille. Je me suis raccroché à ça. Et je voulais absolument rebondir ailleurs. Quand j’ai eu l’opportunité d’être prêté à Grenoble, je suis parti tout de suite. Je ne voulais surtout pas continuer là-bas parce que j’avais été tellement déçu par le comportement de certaines personnes… Je ne pouvais pas remettre le maillot à Rennes.
F.M. : On vous a mis dehors ?
D.M. : les dirigeants n’étaient pas d’accord. Il y avait le coach qui voulait que je reste et un autre qui voulait que je parte. Une fois que ce genre de discussions apparaît, quand ça se contredit, c’est là qu’il faut partir. Guy Lacombe était le coach, il est venu me voir, il m’a dit qu’il voulait me garder. Il m’a dit « je te voulais au PSG, je voulais faire un duo avec Pauleta ». Mais il m’a aussi dit que pour les dirigeants, ce serait mieux que je parte.
Daniel Moreira est présenté par Pierre Dréossi au Stade Rennais à l'été 2006
F.M. : Et donc, direction Grenoble…
D.M. : à Grenoble, ça s’est super bien passé. Il y avait le coach, Mecha Bazdarevic, qui était là. Il poussait pour me garder mais avec les dirigeants c’était compliqué parce qu’il me restait encore un an de contrat à Rennes.
F.M. : Et nouveau rebond à Boulogne…
D.M. : Boulogne s’est présenté. Je me suis dit que j’allais me rapprocher de la famille. J’ai fait deux ans et je me suis blessé. Je fais la moitié d’une saison quand ils étaient en Ligue 1, puis je me blesse, au cartilage. Je n’ai plus de cartilage aujourd’hui. Et encore heureux, j’ai pu faire une quinzaine d’années en Ligue 1 et derrière je me blesse et on s’aperçoit que je n’ai plus de cartilage. Il fallait absolument que j’arrête. Ça s’est fini comme ça.
F.M. : La fin d’une carrière, c’est dur à vivre ? On est accompagné, préparé ?
D.M. : ah non, il n’y a pas d’accompagnement. Pour essayer de m’entraîner il fallait me faire des piqures. Mais après c’est de pire en pire. On se dit qu’on est maudit, qu’on n’y arrivera pas. J’étais allé voir des chirurgiens pour savoir ce que je pouvais faire de mieux. Mais on m’a dit que je n’y arriverais pas, donc j’ai préféré arrêter. Au début, c’est vrai que c’est un peu compliqué, il faut tourner la page. Au bout d’un an, Antoine Sibierski m’a appelé. Il était directeur sportif à Lens. Il m’a dit qu’il aimerait bien m’avoir au club. Il m’a proposé de débuter avec les attaquants, les U17, les U19. Il m’a demandé de les faire travailler devant le but, de pratiquer ce que j’avais appris dans ma carrière. Puis après en CFA, et enfin une saison avec les pros.
Daniel Moreira aux côtés de Rio Mavuba avec l'équipe de France, en 2004
F.M. : Vous avez fréquenté l’équipe de France, trois sélections de 2002 à 2004. Quels souvenirs gardez-vous de cette expérience ?
D.M. : c’est des supers souvenirs parce que ça reste l’équipe de France. Moi ma première (le 20 novembre 2002 face à la Yougoslavie, ndlr) il y avait tout le monde. Il y avait Zidane, Desailly, l’entraîneur c’était Jacques Santini. C’est lui qui m’avait appelé la première fois. Ce ne sont que des bonnes choses, le summum. Tu as envie de prouver que tu mérites d’être là. Des entraînements avec Patrick Vieira et Claude Makélélé, qui sont les deux meilleurs joueurs que j’ai pu voir sur un terrain. Tous les ballons qu’ils récupèrent, ils les frappent ou ils nous les donnent. Ils étaient toujours de bon conseil et se montraient aussi curieux. Ils savaient ce que j’avais pu faire en club, ils n’étaient pas au-dessus des autres. Mais c’était à moi de m’imposer. Eux avaient fait de grandes choses en Coupe du Monde, à l’Euro, j’avais du respect par rapport à tout ça. Il fallait essayer de trouver sa place. Ma génération en Espoirs c’était les Thierry Henry, les David Trezeguet, c’était finalement normal qu’on se retrouve à un moment.
F.M. : Les grands joueurs que vous évoquez ont tous fait carrière à l’étranger. Cela ne vous a jamais tenté ?
D.M. : non, j’ai eu des opportunités mais je n’ai pas voulu partir. J’étais focalisé sur la France, je voulais faire un maximum de match ici. Mon objectif n’était pas d’aller prendre de l’argent à droite et à gauche. Je voulais m’imposer en France.
F.M. : Un mot sur le Toulouse Football Club, par lequel vous êtes passé, qui traverse une saison cauchemar ?
D.M. : je suis déçu, triste de voir dans quelle galère ils sont. C’est dommage de voir un club comme ça dans un tel état. En plus Olivier Sadran se fait attaquer de partout alors qu’il est passionné par ce qu’il fait. Je l’ai côtoyé deux ans à Toulouse et c’était un super président. Qu’il se fasse attaquer sur beaucoup de choses, que le club soit dans le rouge… Et puis il a changé une fois, deux fois d’entraîneur, trop de choses n’ont pas été. En plus ils n’ont pas de réussite, ils ont des blessés. Tout se passe mal pour Toulouse ! Cela va être dur de rebondir mais j’espère au moins que l’an prochain, s’ils descendent, qu’ils remonteront tout de suite. Cela reste une grande ville et même si c’est une ville de rugby il y a des supporters de football. Je garde un bon souvenir de Toulouse et de voir le club aussi mal ça me peine.
F.M. : Vous aideriez le TFC à se remettre d’aplomb ?
D.M. : j’aimerais bien ! S’ils ont besoin d’aide à la formation là-bas, s’ils m’appellent, j’irais sans réfléchir. La mentalité toulousaine m’a beaucoup plu. J’ai adoré mon passage au TFC
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