Ligue 1

L’homosexualité et le football, un tabou toujours aussi marqué !

Alors que ce week-end était marqué en Ligue 1 par la journée de lutte contre l’homophobie, de nombreuses polémiques ont entaché ce qui se devait être un moment de soutien pour les personnes de LGBTQ+. De tristes évènements qui montrent que si des actions existent afin de faire bouger les choses et de valoriser la tolérance, le chemin reste encore très long…

Par Aurélien Macedo
9 min.
L'Allianz Arena du Bayern Munich sous les couleurs du drapeau LGBTQ+ @Maxppp

Ce mercredi 17 mai se tiendra comme chaque année la Journée mondiale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie. En amont, la Ligue 1 a apporté son soutien pour lutter contre l’homophobie et toute forme de discrimination en arborant un flocage aux couleurs de l’arc-en-ciel. Si cette campagne de la LFP devait se constituer autour de l’acceptation d’autrui, cela n’a pas vraiment eu l’effet escompté. Plusieurs joueurs ont refusé de jouer avec les couleurs de l’arc-en-ciel sur leur maillot à l’image du Nantais Mostafa Mohamed ou encore les Toulousains Zakaria Aboukhlal, Fares Chaibi, Moussa Diarra et Saïd Hamulic. L’an dernier, Idrissa Gueye avait défrayé la chronique en refusant aussi de jouer pour le Paris Saint-Germain. Coach du Stade Brestois, Eric Roy avait lui déclaré que cette journée faussait l’équité du championnat : «la programmation de cette journée de lutte contre l’homophobie ? C’est catastrophique. On voit bien qu’il y a des joueurs à qui ça pose problème. Après, chacun est libre de ses opinions. Personnellement ça ne me pose pas de problèmes. Mais il y a des joueurs à qui ça peut poser problème. Donc quand tu sais que ça peut être un problème pour les joueurs…» On est donc loin de la tolérance qui était recherchée par cette campagne. Encore une fois, l’image du football sur les questions d’homosexualité n’en sort pas grandie.

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Le drame Justin Fashanu

Sujet grave de notre société, l’homophobie touche tous les secteurs et le monde du football n’en est pas exempt. L’exemple le plus frappant est celui de Justin Fashanu ancien joueur de Norwich, Nottingham Forest, Manchester City ou encore West Ham. Vite étiqueté comme future pépite du football anglais et devenu le premier joueur britannique noir à atteindre la barre du million de livre pour son transfert, Justin Fashanu n’a pas réussi à confirmer les promesses entrevues. Si sportivement, il a connu un échec, cela n’enlève pas le contexte difficile qu’il a connu au sein du club anglais. Aperçu dans des bars gays, très vite l’information est revenue aux oreilles de son coach qui a alors tenu des propos injurieux et homophobes à son encontre. Son ancien agent Roger Haywood avait d’ailleurs expliqué dans une tribune pour le Daily Mail que cet épisode de sa vie avait profondément marqué le joueur : «Justin a été dévasté et cela a anéanti sa confiance. Il n’a jamais été dérangé par le racisme, il l’a juste accepté et a montré aux gens à quel point il était un bon footballeur. Mais les commentaires de Clough l’ont découragé.» Prenant son courage par les deux mains, Justin Fashanu a décidé de faire son coming-out.

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Une révélation dans une interview pour The Sun qui ne connaîtra pas l’écho voulu. Il sera lâché de toute part et même par son propre frère John qui a également eu une carrière de joueur (Norwich, Milwall, Wimbledon, Aston Villa …) Ce dernier ira même loin dans ses déclarations : «il n’est pas vraiment gay. Il n’est qu’un paria qui veut qu’on parle de lui […] Maintenant, il doit en assumer les conséquences. Je n’aimerais pas jouer et me changer dans les vestiaires avec un joueur gay. C’est ce que je ressens donc j’imagine que les autres footballeurs sont comme moi.» Huit ans plus tard, Justin Fashanu sera retrouvait mort pendu à un câble électrique dans son garage accompagné par une lettre de suicide a seulement 37 ans. Une histoire tragique pour le premier joueur professionnel à avoir officiellement déclaré son coming-out. Si depuis la société et le football sont davantage marqués par une sensibilisation sur le respect des différentes orientations sexuelles, cela ne veut pas dire pour autant que l’avancée est significative.

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Une volonté de briser le tabou

Depuis Justin Fashanu, il y a eu d’autres personnalités du monde du football qui ont brisé le tabou en réalisant leur coming-out. On peut penser à l’international allemand Thomas Hitzlsperger (Aston Villa, Stuttgart, West Ham …) ou encore à l’international français Olivier Rouyer (Nancy, Strasbourg, Olympique Lyonnais) parmi les plus connus. Ce dernier estime d’ailleurs que sa sexualité aurait conduit à la fin de sa carrière de coach avec l’ASNL en 1994. Impliqué dans cette cause, il s’est souvent exprimé sur le sujet dans les médias à l’image d’une tribune dans le JDD suite au refus d’Idrissa Gueye de porter le maillot arc-en-ciel : «à l’inverse de Valérie Pécresse, je trouverais idiot et contre-productif de le sanctionner, cela ne ferait qu’empirer un recul de la cause homosexuelle. Pour autant, il ne faudrait pas que le joueur passe pour une victime dans cette histoire, comme cela semble être le cas sur les réseaux sociaux.»

«J’aimerais savoir comment il réagirait face un ado qui lui dirait : « M. Gueye, je joue au foot, je suis fan de vous et je suis gay. Pouvez-vous m’expliquer votre position ? » Ce serait d’autant plus intéressant qu’il est un homme responsable, capable de choses extraordinaires comme cette récente levée de fonds pour soigner les enfants malades du sida. Allez, oublions Idrissa Gueye ! Je souhaite que l’on retienne qu’un joueur anglais de 17 ans, Jake Daniels, évoluant en deuxième division à Blackpool, a fait cette semaine son coming-out avec une maturité épatante. À mon époque, cela n’aurait pas été envisageable. Voilà l’avenir. Voilà un acte fort, bien plus puissant que l’attitude d’Idrissa Gueye. Et cela a suscité des réactions positives. Si l’une fait un peu peur, l’autre est porteuse d’espérance» a poursuivi Olivier Rouyer. L’espoir d’une libération de la parole existe et récemment d’autres joueurs ont fait leur coming-out.

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Des coming-out récents

Outre Jake Daniels, l’Australien Josh Cavallo (23 ans) avait également fait son coming-out en 2021 et avait reçu des soutiens de personnalités du football comme Antoine Griezmann, Zlatan Ibrahimovic, Robbie Fowler ou encore Gilberto Silva. International tchèque évoluant au Sparta Prague en prêt de Getafe, Jakub Jankto (27 ans) avait annoncé lui aussi son homosexualité en février dernier : «comme tout le monde, j’ai mes forces, j’ai mes faiblesses, j’ai une famille, j’ai des amis, j’ai un métier que j’exerce au mieux de mes capacités depuis des années, avec sérieux, professionnalisme et passion. Comme tout le monde. Je veux aussi vivre ma vie en toute liberté. Sans peurs. Impartial. Pas de violence. Mais avec amour. Je suis homosexuel et je ne veux plus me cacher»

Son ex-épouse Markéta Ottomanská l’a immédiatement soutenu dans sa démarche : «je suis très fière qu’il ait pu rassembler la force de rendre cela public. C’est le premier footballeur en activité qui l’annonce. Les seuls à l’avoir avoué sont des retraités, tout le monde garde le secret… Ils ont peur de ce que les gens diront. C’est juste l’histoire de Jakub, sa confession. Quand Jakub me l’a dit, il m’a aussi laissé une grande liberté. L’important maintenant est qu’il soit en sécurité et heureux (…) Il avait peur que les gens ne l’acceptent pas tel qu’il est. Il en était stressé. Je pense que les gens l’aimeront autant que maintenant. Tout ce que vous avez à faire est d’être gentil avec lui. Il y a encore beaucoup de gens qui envoient des messages privés et vous menacent. C’est terrible que cela se produise encore aujourd’hui.»

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Une parole qui se libère, un chemin encore très long…

La parole se libère sur le sujet aussi bien pour les principaux concernés que par d’autres footballeurs. Interrogé par Le Figaro en 2018, Olivier Giroud avait eu des mots forts pour soutenir les footballeurs homosexuels : «quand j’ai vu l’Allemand Thomas Hitzl­sperger faire son coming out en 2014, c’était fort en émotion. C’est là où je me suis dit qu’il était impossible d’afficher son homosexualité dans le football. Dans un vestiaire, il y a beaucoup de testostérone, de chambrage, les douches collectives… C’est délicat, mais c’est comme ça. Je comprends la douleur et la difficulté des gars à faire leur coming out, c’est une vraie épreuve après un travail sur soi pendant des années. Je suis ultra-tolérant là-dessus, quand j’étais à Montpellier, je m’étais engagé dans ce combat en faisant notamment la une de Têtu […] Il y a encore beaucoup de travail dans le monde du foot sur ce sujet, c’est le moins qu’on puisse dire.»

Voir que la journée de lutte contre l’homophobie provoque de tels remous montrent que cinq ans plus tard, la situation n’a pas changé. Le sujet est aussi revenu à l’Euro 2020 quand une loi défavorable à la communauté LGBTQ+ a été votée en Hongrie. L’Allemagne voulait décorer le stade de l’Allianz Arena pour le match de poules contre ces derniers, mais l’UEFA s’y était opposé. À la Coupe du monde 2022 au Qatar dans un état où l’homosexualité est considéré comme un crime, le pays annonçait vite la couleur aux supporters : «si un supporter brandit un drapeau arc-en-ciel dans un stade et qu’on le lui enlève, ce ne sera pas parce qu’on veut l’offenser, mais le protéger. Si on ne le fait pas, un autre spectateur pourrait l’agresser. Si vous souhaitez manifester votre point de vue concernant la cause LGBT, faites-le dans une société où cela sera accepté […] Nous ne pouvons pas changer les lois ou la religion pour les 28 jours de la Coupe du Monde.»

Une position très critiquée tout au long de la compétition, notamment par l’Allemagne qui voulait porter un brassard One Love pour apporter son soutien à la communauté LGBTQ+. La FIFA a poussé cependant les Allemands, mais aussi l’Angleterre et d’autres nations européennes à ne pas porter ce brassard en menaçant de suspension les joueurs. Une nouvelle polémique qui a encore une fois démontré le dur et long chemin vers la tolérance sur ce sujet. Si dans les déclarations on peut noter une volonté de faire bouger les mentalités et de mener des actions pour faciliter l’intégration et la libération de la parole, dans les actes cela passera par un soutien total des acteurs du football. Quand on voit les désaccords entre l’UNFP et la LFP, on peut se dire que ce n’est pas encore gagné…

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