Ligue des Champions

Le projet fou de la NBA pour révolutionner le football mondial

L’expansion de la NBA en Europe n’en est qu’à ses débuts, mais avec l’implication de clubs puissants comme le Real Madrid, le PSG et Manchester City, le projet a le potentiel de remodeler le paysage du basket-ball européen.

Par Valentin Feuillette
10 min.
NBA Foot @Maxppp

Depuis plusieurs années, le football européen use de moyens toujours plus innovants pour moderniser son paysage. La Super League de football en est le parfait exemple. Ce projet visait à créer une compétition européenne fermée à l’américaine avec les clubs les plus riches et populaires d’Europe, sans promotion ni relégation. Les équipes fondatrices incluaient des clubs comme le Real Madrid, le FC Barcelone, la Juventus, et d’autres grands noms. L’idée était de concurrencer la Ligue des Champions, mais en créant une ligue avec des matchs garantis entre les plus grands clubs. Le projet a été annoncé en avril 2021, mais a rapidement suscité une vive opposition de la part des fans, des instances dirigeantes du football (comme l’UEFA et la FIFA) et des gouvernements. Suite à cette pression, plusieurs clubs ont abandonné l’idée, et le projet a été suspendu, bien qu’il n’ait pas été complètement abandonné. Les clubs fondateurs espéraient générer des revenus considérables grâce à des droits de télévision plus élevés, des accords de sponsoring et des recettes commerciales supplémentaires. En réduisant la dépendance aux compétitions nationales et en garantissant des matchs entre les meilleures équipes, la Super League visait à maximiser ses revenus. Sans pour autant parler de Super League, l’UEFA et la FIFA pourraient se tourner vers la NBA pour renflouer leurs caisses en participant à la création de la NBA Europe, futur concurrent potentiel de l’Euroleague (plus grande compétition européenne de basketball, équivalent à la Ligue des Champions).

La suite après cette publicité

«Lire des commentaires sur une autre ligue en Europe n’a aucun sens selon moi. On a déjà quatre ligues différentes. En tant qu’Euroleague, on a le meilleur produit possible. Je ne pense pas que ce soit quelque chose qui ne devrait pas être valorisé, compris et apprécié, parce que ce que les clubs et la ligue ont réalisé en 25 ans, c’est incroyable. Je comprends l’approche de la NBA et je mesure son importance, c’est la première ligue de basket au monde. Il est évident que tout le monde veut écouter la NBA ou voir ce qu’elle peut offrir. Mais avoir cinq ligues (signifierait) qu’on oublie les fans. Vous allumez la télévision et vous ne savez pas quelle équipe joue contre quelle compétition. Encore une fois, c’est difficile à comprendre. Si on pense à la NBA, à la FIBA et à l’Euroleague, on doit protéger le basket, rivaliser avec d’autres sports et développer le jeu. Je comprends la volonté de s’étendre et de venir jouer les matchs NBA. Mais on doit, ensemble, protéger le basket et si nous sommes en compétition les uns avec les autres, les autres sports prennent de l’ampleur ; ils deviennent meilleurs que nous», a expliqué Paulius Motiejunas, le patron de l’Euroleague. Mais pourtant la NBA dirigée par Adam Silver continue de faire des pas significatifs dans le projet.

L’idée innovante proposée par Adam Silver

Bien que de nombreux détails restent flous, la liste des équipes ciblées par la NBA commence à prendre forme dans le cadre des négociations. Les projets de la NBA en Europe ciblent principalement les marchés européens financièrement forts, privilégiant le pouvoir économique par rapport aux bases de fans de basket-ball existantes en s’appuyant sur les grandes écuries du football. Le joyau de la couronne du basket-ball européen, le Real Madrid, est la principale cible de la NBA parmi les organisations européennes. Le président Florentino Perez avait déjà hésité à s’engager dans un nouvel accord de 10 ans avec l’Euroleague, laissant la porte ouverte à un éventuel passage en NBA Europe. Si la Casa Blanca devait franchir le pas, le FC Barcelone serait considéré comme le candidat le plus probable pour rejoindre l’équipe en tant que deuxième représentant espagnol : «Alors que l’Europe continue de former certains des meilleurs joueurs du monde - beaucoup de nos plus récents MVP sont bien sûr européens - nous pensons que les opportunités commerciales n’ont pas suivi le rythme de la croissance du jeu. Et ce que nous faisons à la NBA, c’est gérer des ligues. Nous gérons bien sûr la WNBA, nous avons la Basketball Africa League, nous avons la G League, nous avons une ligue vidéo 2K. Nous gérons donc cinq ligues différentes et nous pensons que c’est une expertise que nous avons. Nous étudions donc de très près pour voir s’il existe une opportunité de professionnaliser le jeu à un autre niveau ici pour créer une opportunité commerciale plus importante», a expliqué Adam Silver lors d’une conférence de presse à Paris. Sur le marché français, des sources américaines indiquent que la principale cible de la NBA reste le Paris Saint-Germain qui souhaite relancer son équipe de basket-ball. Le PSG avait déjà géré une équipe de basket dans les années 1990, mais sa plus grande percée a eu lieu en 2018 lorsqu’il s’est associé à Jordan Brand, incorporant le logo Jumpman dans ses kits et ses produits dérivés.

La suite après cette publicité

La NBA souhaite également implanter une franchise en Angleterre, et plus précisément à Manchester. Certaines sources suggèrent que Manchester City pourrait être le club que la NBA souhaite voir créer une équipe de basket. L’apport de Liverpool, qui possède la légende LeBron James au sein de ses propriétés minoritaires, n’est pas à sous-estimer dans le projet. Le lien entre les Cityzens et les Parisiens est important selon la NBA : les deux clubs sont soutenus par des investisseurs du Moyen-Orient. Manchester City est contrôlé par le cheikh Mansour bin Zayed Al Nahyan, tandis que le PSG appartient à Qatar Sports Investments, lié au gouvernement qatari. La NBA y voit donc un formidable moyen de continuer son développement au Moyen-Orient alors que la ligue américaine organise déjà des matchs à Abu Dhabi depuis quelques années désormais. Le marché italien intéresse aussi la NBA qui devrait prendre contact avec l’AC Milan et l’Inter Milan pour jauger la faisabilité du projet. L’Allemagne est un autre pays clef dans les plans d’expansion de la NBA en Europe, avec deux places réservées aux Allemands. Des sources indiquent que la NBA, avec le soutien du Bayern, pourrait faire pression pour créer une toute nouvelle équipe de basket-ball à Munich qui jouerait dans une salle nouvellement construite. Au total, la NBA Europe envisage une structure à 10 équipes, mettant fortement l’accent sur la génération de revenus via les arènes et les droits médiatiques. La ligue pourrait être alimentée par les fonds provenant du prochain accord de droits médiatiques de la NBA, qui devrait prendre effet à partir de la saison 2025-26. L’accord de 11 ans est évalué à environ 76 milliards de dollars, créant ainsi une base financière pour l’expansion.

Le commissaire de la NBA, Adam Silver, doit encore convaincre les 30 propriétaires de la NBA d’approuver le projet. L’une des préoccupations des propriétaires, comme le souligne ESPN, est que les autres ligues internationales de la NBA ne sont pas systématiquement rentables. Cependant, ESPN rapporte que la ligue européenne pourrait générer des revenus importants grâce aux frais d’expansion. Des dirigeants de la NBA étaient à Paris en janvier dernier, à l’occasion des deux NBA Paris Games, pour rencontrer des équipes potentielles, des partenaires médias et des sponsors, ce qui témoigne d’une volonté agressive de faire avancer le projet : «Notre plan depuis le début était de passer du temps ici l’été dernier, lorsque nous étions là pour les Jeux olympiques, pour tenir une série de réunions, et nous étions sur place pendant environ deux semaines pour regarder le basket nous-mêmes. nous reviendrons, ferons un peu de travail supplémentaire, sachant toujours que nous serions ici cette semaine en janvier pour organiser une série de réunions ici et profiter de cette opportunité. Nous avons une réunion du conseil d’administration de la NBA fin mars, nous ferons le point avec nos patrons, en substance. La teneur des réunions a été très positive. Il n’y a pas d’opposition à qui que ce soit ou à une quelconque autre organisation», a précisé Adam Silver. L’espoir est de lancer la compétition en 2026.

La suite après cette publicité

Un impact dans le paysage footballistique

C’est toute la question qui nous intéresse. Les bénéfices d’un tel partenariat avec la NBA peuvent sembler maigres pour la FIFA de Gianni Infantino et l’UEFA d’Aleksander Čeferin : «je suis quand même assez surpris parce que je sais que la NBA s’était déjà rapprochée d’équipes d’Euroleague comme le Paris Basket et le Real Madrid notamment. Et la voir se rapprocher de sections football déjà établies, ça me surprend, mais à moitié. Sportivement, ça n’a pas vraiment de sens à cela, à part qu’il y a déjà un côté légende et franchise, parce que c’est comme ça qu’on parle en NBA établie, donc avec Manchester City, avec le PSG, ce sont déjà des clubs de foot établis plus ou moins historiques, donc ça ne me surprend pas parce que c’est un aspect marketing avant tout. Mais par contre sportivement ça me surprend énormément parce que c’est surprenant de voir la NBA vouloir créer quelque chose de quasi toute pièce plutôt que d’établir un partenariat qui serait à mon sens plus logique sportivement pour les passionnés de basket», nous explique Enzo Derrick, influenceur et fondateur du compte Lockedin sur le réseau social X.

Il est évident que le football européen y gagnerait un boost marketing flagrant sur le marché américain. Entre le développement de la MLS et la future Coupe du Monde aux Etats-Unis, les grandes écuries d’Europe espèrent toujours s’implanter dans le pays de l’Oncle Sam et ses voisins : «je pense que c’est vraiment purement marketing. Étant entraîneur au Stade Français, je sais que de ce qu’on m’a dit, on a souvent demandé au PSG, parce qu’on s’entraîne juste en face du Parc des Princes, des partenariats ou des trucs comme ça, ils n’ont jamais donné de réponses positives. Le PSG basketball a déjà existé sans s’éterniser, donc je pense que ce n’est pas leur intérêt premier de développer le basket. Par contre, je pense qu’en termes de marketing, de visibilité et tout ça, je pense que oui, ça peut être un énorme coup de pouce, ça peut être vraiment quelque chose de bénéfique pour le club. Sportivement, j’en doute, pareil pour Manchester City, sachant qu’en plus, en Angleterre, le basket, même s’il commence un petit peu à se développer, c’est très maigre et d’ailleurs, c’est un marché qu’Adam Silver va chercher à développer, puisqu’il me semble qu’il va avoir le NBA Manchester Game l’année prochaine, c’est dans les cartons. Je pense qu’Adam Silver, lui, veut développer son marché européen en utilisant le rendement des clubs que j’ai installés et je pense que les clubs vont juste prendre un peu leur bout de pain et sans trop s’investir non plus de ce que je vois», poursuit Enzo Derrick, également entraîneur de l’équipe U11 masculine et l’équipe féminine en Régionale 2 au Stade Français Basket.

La suite après cette publicité

«Lorsque nous examinons cette opportunité et ces partenaires potentiels, ce qu’ils nous disent, c’est qu’ils pensent que d’un point de vue commercial, en termes de réseaux qu’ils représentent ou dont ils font partie, ou des entreprises de consommation qu’ils représentent, ils pensent qu’il y a un désir de se connecter avec les consommateurs, en particulier les jeunes consommateurs, qui sont généralement la base de fans de la NBA, et qu’ils pensent que le marché est prêt à faire plus dans ce sport». Dans le cadre de cet effort, la NBA semble prête à planifier des matchs NBA dans différentes régions d’Europe. Après avoir joué des matchs de saison régulière à Paris au cours des trois dernières années et à Londres avant la pandémie, la ligue a entamé des discussions sur la possibilité de jouer des matchs de saison régulière dans de nouveaux lieux tels que Manchester, en Angleterre et Berlin dans un avenir proche, où d’éventuelles équipes d’expansion pour une ligue européenne pourraient être implantées. De belles affiches qui ont toujours vu en courtside les meilleurs joueurs de football s’assoir et profiter du show proposé par la NBA. Les liens entre les acteurs de la FIFA et de la NBA sont bien plus étroits qu’on ne pourrait le croire aux premiers abords.

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité
Copié dans le presse-papier