Relégation en Série B, scènes de guerre civile en ville : récit d’une nuit en enfer à Santos

Par Matthieu Margueritte
6 min.
Santos @Maxppp

Cette nuit, Santos s’est incliné à domicile contre Fortaleza (1-2). Pour la première fois de son histoire, le Peixe est relégué en deuxième division. De quoi mettre le feu en ville.

Santos a 111 ans d’existence et hier, pour la toute première fois de son histoire, l’un des clubs mythiques du football brésilien a été relégué en deuxième division. Un monstre sacré est tombé. La chute du Peixe n’est cependant pas une énorme surprise. Depuis la mi-août, le club de Pelé et de Neymar végétait dans les bas-fonds du classement de la Série A. Sorti de la zone rouge fin novembre, Santos a enchaîné trois défaites fatales pour terminer sa saison. Et hier, Fortaleza a donc condamné une équipe (2-1) qui n’avait besoin que d’une victoire pour se sauver. Une condamnation qui a fait très mal puisqu’elle s’est produite à Vila Belmiro, l’antre de Santos.

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Très vite sur ses réseaux sociaux, Neymar a tenu à envoyer un message de soutien : « Santos, toujours Santos. Nous sourirons à nouveau », mais la sidération est totale partout au Brésil. Et ce matin, beaucoup d’amoureux du Peixe ont eu la même pensée qu’Isabel, une supportrice interrogée par Lance! : « heureusement que Pelé (décédé il y a près d’un an, ndlr) n’a pas vu ça. » Avant la sidération, c’est la colère qui a envahi un grand nombre des fans du club. Dans le stade, tout d’abord. Dès le deuxième but de Fortaleza, inscrit au bout du temps additionnel, les choses ont commencé à dégénérer. Des bruits d’explosion ont été entendus et certains supporters ont tenté d’envahir le terrain, ce qui a poussé les joueurs adverses et l’arbitre à filer directement aux vestiaires. Les joueurs de Santos, eux, sont restés sur le terrain, abasourdis, certains ne donnant pas l’impression d’avoir pris conscience de l’ampleur d’un tel fiasco sportif.

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Des scènes de guerre civile en ville

Certains joueurs ont également été filmés en train de pleurer derrière les buts. L’équipe pauliste est finalement rentrée dans son vestiaire, obligée de se couvrir le visage en raison des gaz lacrymogènes utilisés abondamment par la police pour disperser les supporters à l’extérieur du stade. Car en ville, la situation était bien plus chaotique si l’on en croit le récit de Globoesporte. « Les premières heures de la matinée dans la ville de Santos ont été marquées par des scènes de guerre : au moins trois bus ont été incendiés et quelques voitures ont connu la même fin », écrit le média local. Pour l’anecdote, l’une des voitures brûlées appartenait à l’ancien joueur d’Amiens (2018-2021), l’attaquant Stiven Mendoza. Le Colombien n’était pas spécialement ciblé, les auteurs de ces dégradations ayant surtout visé les véhicules se trouvant à proximité de Vila Belmiro. Après cette nuit de déflation et de violences, une question se pose : mais comment Santos a-t-il pu en arriver là ?

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Sept facteurs ont été soulignés par les médias locaux. Le premier concerne le mercato. En début de saison, les dirigeants avaient misé sur un recrutement low cost. Et quand ils ont vu que leur équipe allait devoir se battre pour son maintien, ils ont enfin sorti le chéquier. Résultat : presque 20 joueurs ont été recrutés au total en 2023 ! Un recrutement incohérent sans aucune logique de profils. Deuxième point évoqué : les trop nombreux changements d’entraîneurs. Entre novembre 2022 et aujourd’hui, pas moins de quatre coaches se sont succédé sur le banc de touche (Odair Hellmann, Paulo Turra, Diego Aguirre et Marcelo Fernandes). Troisième point : le cas Marcelo Fernandes. Nommé en septembre dernier, ce dernier n’était qu’un intérimaire. Il a finalement été maintenu malgré les nombreux reproches. Le principal argument pour garder Marcelo Fernandes jusqu’à la fin de la saison était qu’il « connaissait Santos », mais pas ses tactiques… « Le style de jeu était trop simple et s’est rapidement essoufflé », confirme Lance!. Santos pensait que son intérimaire allait être son sauveur et s’est gravement trompé. Quatrième point : le rôle de Paulo Roberto Falcão. Ce dernier occupait la fonction de coordinateur du football, mais il était rarement présent avec l’équipe, notamment durant les moments chauds. Déconnecté de la réalité, il a été remplacé il y a quatre mois par Alexandre Gallo. Ce dernier a d’ailleurs évoqué les maux qui minent de l’intérieur le club.

Les 7 raisons d’un fiasco historique

« J’ai été très contrarié par ce qui s’est passé. Très contrarié ! Parce que c’est la responsabilité de chacun. Beaucoup de choses n’allaient pas. J’ai découvert beaucoup de choses qui n’allaient pas à Santos, dans tous les domaines. Je suis prêt à cela, à toujours défendre Santos. On bousille Santos ? Personne ne fait ça. (…) Aujourd’hui, je comprends le fonctionnement de Santos, je comprends ce qui se passe dans les départements. Mais je ne pouvais pas agir, parce que c’était l’accord avec le président Rueda. Je n’aurais pas eu le temps si je ne m’étais pas concentré à 100 % sur le terrain. (…) Nous avons essayé d’améliorer toutes les situations, nous avons fait absolument tout ce qu’il fallait pour que cette situation se produise et il nous a manqué un ou deux points pour nous en sortir. C’est quelque chose que je n’ai pas à rendre public, c’est quelque chose d’interne, il doit y avoir des corrections importantes, des changements importants. (…) Il y a des choses qui ne peuvent pas arriver, qui ne peuvent pas fuiter (dans les médias, ndlr). Vous voulez que le club bouge, arrêtez les fuites. Ça n’arrive pas dans les autres clubs. Ce niveau de fuite signifie que des décisions qui doivent être prises… Ce genre de situation n’est pas bonne pour l’institution. L’institution a ses murs et ses problèmes à l’intérieur. Un joueur s’est blessé et la presse en a été informée avant que moi, Marcelo (Fernandes) et le médecin ne le sachions », a-t-il confié hier, après la rencontre.

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Classement général Série A (Brésil)

# Équipe Pts J DIF G N D BP BC
10 Fortaleza Fortaleza 54 38 1 15 9 14 45 44
11 São Paulo São Paulo 53 38 2 14 11 13 40 38
12 Cuiabá Cuiabá 51 38 1 14 9 15 40 39
13 Corinthians Corinthians 50 38 -1 12 14 12 47 48
14 Cruzeiro Cruzeiro 47 38 3 11 14 13 35 32
15 Vasco Vasco 45 38 -10 12 9 17 41 51
16 Bahia Bahia 44 38 -3 12 8 18 50 53
17 Santos Santos 43 38 -25 11 10 17 39 64
18 Goiás Goiás 38 38 -17 9 11 18 36 53
19 Coritiba Coritiba 30 38 -32 8 6 24 41 73
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Cinquième point : le clash avec l’attaquant Marcos Leonardo. Meilleur buteur de son équipe avec 13 réalisations en 2022 et autant en 2023, le jeune de 20 ans avait trouvé un accord avec sa direction pour un départ l’été dernier. Mais après la vente de Deivid Washington à Chelsea en août, Santos décide finalement de conserver Marcos Leonardo. Furieux, ce dernier a alors refusé de s’entraîner. Et depuis cet épisode, le joueur qui empilait les buts n’a marqué que 5 buts en 17 matches. De quoi priver Santos d’un atout pour se sauver. Sixième point : le comportement des supporters. À plusieurs reprises cette saison, les fans de Santos ont commis des débordements en tribunes. De quoi renforcer ce climat très pesant. Enfin, septième et dernier point : la gestion du président Andrés Enrique Rueda Garcia. Boss du Peixe depuis 2020, Rueda Garcia avait organisé une conférence de presse en avril dernier pour annoncer que son équipe jouerait le titre cette saison et qu’elle faisait partie des rares clubs à n’avoir jamais été relégués. Samedi prochain, les élections présidentielles du club se tiendront et Rueda Garcia passera la main en laissant un club historique en D2 en héritage. Le roi Pelé a de quoi se retourner dans sa tombe…

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