Ligue 1

PSG - OM : Roberto De Zerbi a-t-il raison d’enterrer le Classique ?

Quelques instants après la nouvelle défaite (1-3) de l’OM contre le PSG, dimanche soir, lors de la 26e journée de Ligue 1, Roberto De Zerbi a assuré que le terme Classique n’était, selon lui, plus approprié. Aveu d’impuissance, communication discutable ou simple constat lucide ? Éléments de réponse.

Par Valentin Feuillette - Josué Cassé
9 min.

Le Paris Saint-Germain est inarrêtable. Dimanche soir, en clôture de la 26e journée de Ligue 1, les hommes de Luis Enrique ont, en effet, un peu plus confirmé leur suprématie à l’échelle nationale. Sur un petit nuage après sa qualification historique sur la pelouse d’Anfield, le club de la capitale - bien qu’émoussé physiquement - a ainsi assuré l’essentiel en dominant (3-1) l’Olympique de Marseille, auteur d’une performance collective aboutie mais finalement insuffisante. Plombé par ses errements défensifs, le club olympien rendait finalement les armes face à la bande d’Ousmane Dembélé, auteur de son 30e but toutes compétitions confondues pour l’occasion. Une défaite frustrante mais globalement révélatrice du gap séparant un collectif qualifié pour les quarts de finale de la Ligue des Champions et une équipe aussi séduisante qu’irrégulière.

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Roberto De Zerbi annonce la mort du Classique, Luis Enrique répond

Présent en conférence de presse après la rencontre, Roberto De Zerbi ne cachait d’ailleurs pas sa frustration : «on aurait pu éviter les trois buts. Le premier, je vais en faire des cauchemars jusqu’à Reims», regrettait ainsi le technicien italien avant de s’offrir une sortie pour le moins étonnante sur la rivalité avec le PSG. «Vous appelez ça un clasico, pour moi, ce n’est pas un clasico. On ne peut pas comparer l’effectif et la force économique des deux clubs. Le clasico, c’est quand il y a une lutte, tu prends un coup, tu en remets un. J’aime la pression mais ce n’est pas la réalité entre Paris et Marseille. Je suis peut-être fou mais je vois ça comme ça. Il n’y a pas de compétition, vraiment». Invité, dans la foulée, à réagir aux propos de son homologue, Luis Enrique livrait lui son explication sur l’incontestable écart de niveau entre les deux équipes.

«La question n’est pas que je veuille ou pas (un rival, ndlr). C’est la réalité de la Ligue 1. Nous avons 19 points d’avance parce que mon équipe a été infiniment supérieure aux autres mais je vois les équipes jouer en Europe et elles concurrencent les meilleures. Lille a été en Ligue des Champions à un niveau très haut. Brest a eu la malchance de jouer contre nous en huitièmes. Brest aurait pu éliminer beaucoup d’équipes de haut niveau. Je ne sais pas pourquoi il y a cette tendance à déprécier les équipes françaises. Je ne sais pas. Ce que je sais c’est que notre version est très haute. Nous pourrions disputer n’importe quel championnat, l’anglais, l’espagnol… sans aucun problème, face à n’importe quel rival et nous le démontrons. Je dirais même plus dans ces championnats notre rendement serait encore supérieur car notre régularité est l’un de nos grands points forts», confiait le natif de Gijon avant d’assumer pleinement la jalousie provoquée par une telle domination.

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«Il n’y a pas de doutes que le PSG est une équipe qui a un grand potentiel économique et c’est quelque chose qui me plaît, pouvoir accéder à n’importe quel joueur, il ne manquerait plus que ça me gêne. A ceux à qui ça ne plaît pas, dommage, c’est le football. Nous voulons être compétitif pour écrire l’histoire et battre les meilleures équipes. Pour ça, il faut de l’argent, des joueurs et une bonne idée de jeu et c’est notre projet. Bien sûr beaucoup sont jaloux quand ils voient la différence mais le monde du football est ainsi fait. Les équipes puissantes financièrement dominent et c’est notre objectif : dominer en France comme en Europe. Nous verrons si nous y arriverons». Après cette passe d’armes à distance entre les deux techniciens, une question subsiste toutefois : Roberto De Zerbi a-t-il raison d’enterrer le Classique ?

Oui : la rivalité n’existe plus

C’est un secret de polichinelle, mais depuis plusieurs années désormais, la domination du PSG sur le plan sportif est incontestable, qui plus est depuis le début de l’ère QSI. Rien de mieux que des données chiffrées pour illustrer ce phénomène. Pour exemple, lors des 7 derniers matchs de Ligue 1, le Paris Saint-Germain a empoché 7 victoires avec un bilan détaillé exemplaire. En effet, les Parisiens affichent un total de 18 buts marqués pour seulement 2 petits buts encaissés. Les Marseillais ont néanmoins un petit lot de consolation avec cette date gravée du 24 octobre 2021, où ils ont empoché un match nul en Ligue 1 (0-0), sur la pelouse du Vélodrome sous la houlette de Jorge Sampaoli avec notamment l’expulsion d’Achraf Hakimi. Et évidemment, difficile d’oublier pour les supporters marseillais, cette soirée merveilleuse du 8 février 2023, où l’Olympique de Marseille a éliminé le Paris Saint-Germain en 8e de finale de la Coupe de France avec Igor Tudor.

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«On ne peut pas comparer l’effectif et la force économique des deux clubs». Autre point qui paraît évident lorsque l’on analyse la déclaration de Roberto De Zerbi : la surpuissance financière du PSG, qui n’a plus véritablement de rival dans l’élite du football français. Sans star mondialement connue comme par le passé, le PSG nouvelle version sous Luis Enrique compte, malgré tout, 19 points d’avance et est d’ores et déjà quasi assuré d’empocher un 13ème titre de champion de France pour asseoir sa domination sur l’Histoire face à l’AS Saint-Etienne, l’Olympique de Marseille, le FC Nantes ou encore l’AS Monaco. Comment rivaliser donc face à une équipe qui débourse 70 millions d’euros en plein mercato d’hiver pour s’offrir Khvicha Kvaratskhelia, pendant que le duo Pablo Longoria - Medhi Benatia se doit de batailler pour convaincre et persuader Adrien Rabiot, Mason Greenwood, Pierre-Emile Højbjerg ou encore Ismaël Bennacer de quitter les strass et paillettes de la Juventus, de Manchester United, de Tottenham et de l’AC Milan pour prêter allégeance à une écurie, certes historique, mais privée de compétition européenne.

En ce sens, pouvons-nous réellement contredire les propos de Roberto De Zerbi ou simplement attendre avec plus d’impatience d’autres affiches dorées telles que le fameux Olympico face à l’Olympique Lyonnais, la deuxième et troisième plus grande ville de France après la capitale inatteignable que représente Paris. A une autre échelle, il est difficile de faire la moue quand des Marseillais se déchirent et s’excitent sur les derbys du sud de la France contre l’OGC Nice et l’AS Monaco avec la mission capitale de prendre possession et ainsi de contrôler toute la Côte d’Azur. Au rayon des autres grandes rencontres attendues, les duels entre le LOSC et l’OM peuvent aisément attirer plus de projecteurs en cité phocéenne, tant cela annonce des matches décisifs dans la course aux places européennes. Êtes-vous dubitatifs devant cet argumentaire ? Demandez aux Marseillais s’ils n’attendent pas les rencontres face à Monaco du 13 avril ou Lille du 4 mai avec plus d’impatience que ce Classique couru d’avance sur la pelouse du Parc des Princes.

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Roberto De Zerbi a-t-il raison d’enterrer le Classique ?
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Non : l’affiche demeure historique

Pour autant et pour vous rendre mieux compte de l’ineptie prononcée par Roberto De Zerbi, imagineriez-vous une scène où Hansi Flick déclarerait que le mythique Clasico n’en serait finalement plus un au regard des difficultés financières traversées par le FC Barcelone ces dernières années ? Rien n’est moins sûr. Et le mot est faible. De tout temps, les rivalités ont fait le sport et c’est ainsi que les pages du grand grimoire légendaire du football mondial se sont écrites. D’ailleurs, il faudrait presque souligner un point essentiel : comment un entraîneur italien - qui a grandi avec des joutes historiques comme celles du Derby della Madonnina entre les clubs milanais, du Derby della Mole opposant une Juventus richissime et un Torino fier de ses valeurs sans trop de pécules en banque, du Derby d’Italia avec la Juventus et l’Inter, du Derby della Scala à Vérone au milieu de l’amourette entre Roméo et Juliette, sans oublier le Derby della Capitale avec la Roma et la Lazio - peut renoncer à l’esprit de rivalité ? On pourrait également citer d’autres exemples en Espagne avec le derby de Séville et celui de Madrid, voire même en Ecosse avec le Old Firm qui a continué à briller de sa superbe entre le Celtic et les Rangers, malgré la rétrogradation de ces derniers en quatrième division lors de cette triste année 2013.

La rivalité ne peut être abordée que par le simple prisme économique. En effet, lorsque Roberto De Zerbi minimise cette affiche dorée, quelques minutes après une belle combativité de ses joueurs, il laisse de côté 40 années d’une relation de «je t’aime moi non plus» historique entre l’OM et le PSG. Il réfute, par ailleurs, tout le travail de Monsieur Bernard Tapie, légende marseillaise, qui s’est toujours battu pour que son OM dominateur ait un duel bankable à vendre à l’échelle du monde : Paris contre Marseille, une rivalité géographique entre la province et la capitale. Deux clubs. Deux modes de vie. Et pire encore, De Zerbi a, en réfutant cette affiche de Ligue 1, choisi le pire timing pour sortir ces propos. A l’heure où la Ligue de football professionnel (LFP) peine à vendre son produit, entre piratage, problèmes de droits TV, conflits avec l’arbitrage et clashs en interne entre dirigeants, l’entraîneur italien n’avait pas le droit de piétiner une rivalité qui porte sur ses épaules le championnat de France depuis tant d’années. Monsieur De Zerbi, vous êtes «fuorigioco» comme on dit dans votre merveilleux pays. Revenons, enfin, pour conclure notre débat sur un ultime point essentiel, à savoir la lutte entre supporters, qui continue de perdurer malgré l’écart abyssal sur le plan sportif.

Ce Classique est, en effet, bien plus qu’un simple match de football. C’est une question de fierté et d’ego. En enterrant cette rivalité, RDZ envoie un message osé à une ville de passionnés où l’OM est au centre des débats depuis presque 128 ans. L’OM a pesé de tout son poids en France et en Europe. C’est une locomotive mondiale pour la Ligue 1. Et la dernière chose que le peuple marseillais demande, c’est d’être réduit à un simple adversaire digne du SCO Angers ou du Havre (sans manque de respect aucun), lorsque l’OM croise le fer avec le PSG. Roberto De Zerbi crie sur tous les toits de France et de Navarre que ses Phocéens peuvent terminer à la 2ème position de Ligue 1, qu’ils sont capables de faire plier tous les monstres de l’Hexagone, qu’ils possèdent les qualités pour retrouver la Ligue des Champions dès septembre prochain, alors cela passera automatiquement par ces Classiques tant attendus. On peut d’ailleurs se poser une drôle de question : pourquoi est-ce que le PSG a, de son côté, toujours respecté cette rivalité depuis le rachat de QSI ? Tous les coachs étrangers, tous les joueurs étrangers, en passant par Nasser al-Khelaïfi et Sa Majesté Hamad ben Khalifa Al Thani ont, en effet, précisé que cette affiche était la rencontre à ne pas louper en championnat. Pourquoi donc RDZ abdiquerait, qui plus est après les exploits de l’AS Monaco, du LOSC, de Montpellier, du Stade Rennais, de l’OGC Nice (en Coupe de France), sans oublier les victoires lyonnaises contre Paris ces dernières années ?

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