Depuis l'été dernier, on entend à nouveau parler de la clause de stabilité, permettant aux joueurs de résilier leur contrat de manière unilatérale. Qu'est-ce que cette clause et pourquoi n'est-elle pas utilisée ?
« Période protégée : période de trois saisons entières ou de trois ans – la période dont le terme survient en premier étant retenue – suivant l’entrée en vigueur d’un contrat, si le contrat en question a été conclu avant le 28e anniversaire du joueur professionnel, ou une période de deux saisons entières ou de deux ans – la période dont le terme survient en premier étant retenue – suivant l’entrée en vigueur d’un contrat si le contrat en question a été conclu après le 28e anniversaire du joueur professionnel. » Vous n'avez rien compris ? C'est parfait, parce que c'est ce que nous allons tenter d'expliquer dans cet article.
La période protégée et sa définition susmentionnée sont tirées du règlement FIFA. Ladite période est en fait ce qui survient avant ce qu'on appelle plus communément la clause de stabilité du joueur. Depuis l'été dernier et le transfert avorté de Neymar au FC Barcelone, on évoque à nouveau cet article 17 du règlement de la Fédération internationale de football (FIFA) pour expliquer qu'il existerait une mystérieuse clause permettant à Neymar de quitter le Paris SG pour rejoindre son ex-club et retrouver la Catalogne.
Que dit la FIFA ?
En clair, il suffirait à Neymar, l'été prochain, de verser le reste de son salaire dû, entre autres, par le PSG afin de rompre son contrat et s'engager avec le Barça ou n'importe quelle équipe d'un autre pays. Précisément, l'article 17 stipule : « lorsqu’un contrat est résilié dans juste cause, la partie ayant rompu le contrat est tenue de payer une indemnité ». Pour sortir de cette période protégée, il faudra avoir, pour un joueur de moins de 28 ans, évolué dans son club pour au moins trois saisons, et pour un joueur de plus de 28 ans deux saisons.
Cette indemnité, dite compensatoire, est calculée en fonction du droit en vigueur dans le pays où évolue le joueur. « Ces critères comprennent notamment la rémunération et autres avantages dus au joueur en vertu du contrat en cours et/ou du nouveau contrat, la durée restante du contrat en cours jusqu’à cinq ans au plus, les frais et dépenses occasionnés ou payés par l’ancien club (amortis sur la période contractuelle) si la rupture intervient pendant une période protégée », peut-on lire sur le règlement de l'instance internationale. Mais plusieurs cas ont déjà été étudiés et les commissions de la FIFA ou encore le Tribunal arbitral du sport (TAS) ont rendu des décisions différentes.
Les cas Mexès et Webster
Petit retour en arrière. En 2004, Philippe Mexès, alors joueur à l'AJ Auxerre, tente de faire valoir cette clause pour rejoindre l'AS Roma et y signer quatre années. Les dirigeants auxerrois ont contesté cela en arguant que le joueur avait signé une prolongation de contrat et que donc une nouvelle période protégée débutait. Finalement, après moult tergiversations des autorités saisies (la Chambre de règlement des litiges de la FIFA [CRL] et le TAS) rendaient leur verdict. La CRL validait le fait que le défenseur n'était plus Auxerrois, alors qu'il lui restait deux ans de contrat, et que son contrat romain était valable tout en expliquant que la prolongation de contrat entraînait automatiquement une nouvelle période protégée. Par conséquent, le joueur a « rompu son contrat sans juste cause durant le délai de protection » et a été suspendu six semaines à partir du début du championnat italien en septembre 2004 et qui sera suspendu par un appel du joueur. L'année suivante, la CRL demandera à Rome de verser 8 M€ à Auxerre, montant ramené à 7 en appel.
Deux années plus tard, un cas s'est bien déroulé. En 2006, le défenseur central international écossais Andrew « Andy » Webster est sur le départ. Son club, Hearts of Midlothian, demande deux millions d'euros pour le libérer. Finalement, Wigan fait jouer l'article 17 susmentionné et ne payera que 370 000 € (solde des salaires dus au joueur à la date de résiliation du contrat) pour le récupérer après intervention du TAS, une nouvelle fois. Depuis cela, un arrêt porte son nom afin de permettre aux joueurs de casser unilatéralement leur contrat dans certaines conditions.
« Cette disposition est devenue caduque »
Alors, oui, vu comme cela, tout se déroule bien. Mais cela n'a pas été le cas de tous les éléments qui ont essayé de faire valoir cette clause de stabilité. Deux années plus tard (une nouvelle fois) arrive « l'arrêt Matuzalem ». Depuis 2004, Francelino Matuzalém da Silva, dit Matuzalém évolue en Ukraine, au Shakhtar Donetsk. Il essaie de faire valoir cette clause pour rejoindre le Real Saragosse. Sauf que la formation ukrainienne porte le cas devant la CRL et réclame le montant de sa clause libératoire de l'époque, soit 25 M€. Finalement, la CRL estime le préjudice à 6,8 M€ sauf que la formation de Donetsk ne s'arrête pas en si bon chemin et saisit le TAS. Ce dernier décide d'obliger le club espagnol et le joueur brésilien à verser 12 M€.
Depuis, c'est relativement calme, car il est vrai qu'il devient compliqué de savoir à quoi s'en tenir. C'est déjà ce qu'a expliqué le grand patron du syndicat des joueurs Philippe Piat au Parisien : « cette disposition est devenue caduque à défaut de texte d'application. Elle n'est plus utilisée par les joueurs depuis plus de 10 ans, car personne ne sait vraiment à quoi s'attendre en termes d'indemnité compensatoire. On part à l'aveugle ». En résumé, il est peu probable que Neymar joue avec cette clause comme finalement n'importe quel autre joueur puisqu'on ne sait pas réellement ce qu'on devra payer, ni les amendes prévues. En revanche, on connaît déjà les sanctions encourues pour rupture unilatérale de contrat. Pour le joueur, il s'agit d'une suspension allant de quatre à six mois tandis que le club qui récupère le joueur, on présume qu'il l'a incité, sera interdit de recrutement sur deux mercatos. Les agents seront, eux aussi, condamnés pour incitation « à une rupture de contrat entre un joueur professionnel et un club, en vue de faciliter le transfert d’un joueur ». Le grand flou règne et cette fois, il protégera les clubs et la loi du marché.