Le fabuleux destin de Lonsana Doumbouya, meilleur buteur de la dernière Thai League

Lauréat du prix de meilleur buteur de la saison remis par la Ligue de football thaïlandaise, Lonsana Doumbouya a aujourd'hui 29 ans et s’apprête à découvrir la Chinese League One. Pour Foot Mercato, l'attaquant international guinéen (5 sélections) est revenu sur son expérience thaï.

Par Alexis Pereira - Mathieu Rault - Quentin Dagbert
9 min.
Meizhou Hakka Lonsana Doumbouya @Maxppp

Si son parcours peut paraître cabossé, chaque échappée est justifiée. Chaque rebond naît de la nécessité d’aller voir ailleurs, non désiré après avoir pourtant été adulé. Le joueur, lui, est en quête de stabilité. Neuf, dix buts par saison. Sur le terrain, le boulot est fait. La récompense, elle, ne vient pas. Jusqu’à cette escapade exotique en Thaïlande. Royaume des excès et des exploits. Lonsana Doumbouya a débarqué au pays du contrat précaire et où le footballeur brésilien – ou étranger dans un sens plus large – est roi. Le championnat thaïlandais offre aux clubs de première division la possibilité d’engager trois expatriés. Une pige d’une saison, renouvelable. C’est ce que signe l’attaquant guinéen début 2018.

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À 27 ans, le grand gaillard du quartier du Vigenal à Limoges s'engage avec le PT Prachuap FC. L'attaquant, qui sortait d'une parenthèse à l'issue malheureuse, une de plus, en Autriche, à Sankt Pölten, s'imaginait signer en Corée du Sud, sollicité par plusieurs écuries. Mais les pensionnaires de Toyata Thai League 1 sont les plus concrets et il accepte de relever le défi. Avec bonheur, puisqu'il termine son premier exercice avec 16 buts inscrits en 26 matches de championnat. «Je pensais vraiment que j’allais être en roue libre mais j’ai été surpris par l’intensité physique. Physiquement, c’est un championnat qui est intense. Après, pour être honnête, le physique est un de mes atouts. Donc si je vous le dis, c’est que c’est sérieux», nous a-t-il confié avant de poursuivre.

«Tactiquement, ils ne sont pas encore là. Ce n’est pas comme en Europe. Il faut se le dire. Quand tu vas dans une équipe comme ça, dans un championnat comme ça, il faut être malin», nous a-t-il expliqué. Le renard des surfaces devient vite une star dans une ambiance digne du haut de tableau de Ligue 2 en France. «Moi, ça m’a surpris, parce qu’en Thaïlande les Brésiliens sont très mis en avant. C’est un truc de malade. Et là, j’ai été choqué parce que j’ai vu de grandes pancartes avec ma tête, des panneaux publicitaires, à Bangkok notamment. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé. Et je reconnais que ça m’a plu d’avoir un peu de reconnaissance. Ils m’ont bien médiatisé, même en dehors de la Thaïlande, un peu partout en Asie», nous a-t-il expliqué.

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20 buts sinon rien

Une notoriété et un statut nouveaux qui l'ont parfois dérangé. «Quand tu es étranger et que tu marques des buts, ils veulent vraiment te montrer, même un peu trop, que tu es la star et que tu peux avoir tout ce que tu veux. C’est la particularité de mon club, dans d’autres, c’est différent», nous a-t-il raconté, évoquant certaines coutumes locales déroutantes. « Quand on allait manger, il y avait la table des étrangers. Je pense que c’est culturel. Ils ont leur roi, il y a un fossé très marqué entre les différentes couches sociales de la population. Il y a des traitements de faveur sur tout. C’est pour ça que si tu étais bon, ils te traitaient très bien. Par contre, si tu n’étais pas bon… En Europe, on va te mettre avec la réserve. En Thaïlande, on va casser ton contrat », nous a-t-il expliqué.

Ces particularités, il en fera aussi l'amère expérience. En Thaïlande, l’indisponibilité est très mal vue. Une blessure qui l’éloigne des terrains pendant 2 mois lors de sa première saison et les portes des gros clubs se ferment devant lui. Les circonstances le poussent à partir à l'issue de cette première saison malgré tout réussie. « Je ne voulais pas forcément partir. Mais les circonstances ont fait que… Une concurrence avec un attaquant brésilien a fait que j’ai dû choisir, eux aussi. J’ai finalement décidé de partir, mais ça ne m’a pas empêché de prouver la saison suivante », nous a-t-il avoué. Direction le Trat FC. Et malgré le rythme d'entraînement bien moins intense qu'en Europe, Doumbouya, lui, reste concentré, déterminé... et toujours aussi réaliste face aux buts adverses. Résultat : 20 réalisations en 28 matches. Une consécration.

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« Mon agent me disait de me reposer quand je ressentais une douleur. Mais moi je lui disais : "il faut que j’arrive à vingt buts !". Je lui répétais et il ne comprenait pas. Pour moi, c’était primordial. J’ai mis 16 buts en championnat l’année dernière, 23 avec la coupe, mais, pour moi, ça ne compte pas. Il fallait que j’atteigne les 20 buts. C’était la toute première fois de ma carrière que je finissais meilleur buteur d’un championnat. Je m’étais dit dès le départ, si tu viens en touriste, terminer meilleur buteur c’est impossible. Mais si tu travailles un petit peu, tu te donnes les moyens, tu peux le faire. Même si c’est la Thaïlande, c’est quand même quelque chose là-bas. Même à l’échelle du continent asiatique. J’ai pu m’en apercevoir en recevant tout un tas de propositions de différents pays », nous a-t-il lancé avant de poursuivre.

Nouveau défi en Chine

« Je vais être honnête, il y avait pas mal de clubs en Thaïlande qui m’ont proposé de signer. J’avais la possibilité de rester. Mais ce n’était pas sur des projets à long terme. Des contrats d’un an cela ne m’intéresse pas. J’avais vraiment envie de m’investir dans un projet». Direction la Chine donc, et le Meizhou Hakka FC, en deuxième division. Avec un bon contrat et des objectifs toujours aussi élevés. Je pense qu’en deux saisons en Chine on peut vraiment essayer de monter en Chinese Super League. L’idée est de rapidement me faire un nom là-bas. Les contrats d’un an, c’est non pour moi. Je n’ai pas envie de prouver, ça je l’ai fait lors des deux dernières saisons. J’ai envie d’aider. Aider le club à grandir. M’investir à 100 %. La Chine, c’est l’endroit où tout est possible. Je suis conscient que si je perce là-bas, et c’est aussi ce qui m’a motivé, cela peut aller très vite, nous a-t-il avancé avant d'insister.

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« Même si j’ai cette sécurité de deux ans, les Chinois n’ont pas forcément peur d’acheter, d’investir. C’est un point dont j’ai tenu compte. Si ça se passe bien, je peux me faire acheter par un club de L1. C’est l’endroit où tout est possible. Tous les ingrédients sont réunis, que ce soit pour ma famille ou pour moi. J’ai repéré tous les éléments qui feront que si ça ne va pas je pourrais rebondir en Chine. Je n’ai pas peur de le dire, je suis sûr à 100% d’aller en L1 chinoise. Je le sais. J’ai clairement confiance en mes qualités. Si j’ai eu des propositions en L1 japonaise, c’est que je peux atteindre ce niveau. Il suffit juste que je garde la même mentalité et la même rigueur dans mon travail. Si je ne me dis pas ça, je vais me poser dans un confort et je vais marquer 7 buts. Ils vont être contents mais moi je ne vais pas être content ».

Une envie débordante de croquer dans cette nouvelle aventure, lui qui a connu de nombreuses galères avant d'en arriver là, passant des divisions amateurs en France à la Bundesliga en Autriche et bifurquant par la Scottish Premier League. Sans jamais baisser les bras. «Je crois que le fait de ne pas avoir eu ce genre de contrat auparavant, d’avoir vu certains jeunes en décrocher un en Ligue 1 et ensuite se retrouver dans des situations où ils ont tout flambé, ça me fait relativiser sur ce succès tardif. Je me dis que j’arrive à un âge où je vais pouvoir faire fructifier ces bénéfices», a-t-il conclu. Quand on s’accroche, quand on redouble d’efforts, on peut arriver à des choses exceptionnelles. Lonsana Doumbouya en est la preuve vivante. Belle histoire.

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