Comment l’AS Saint-Priest, l’un des meilleurs clubs formateurs de Rhône-Alpes, a échappé à l’OL et s’est uni à l’AS Monaco
Après avoir renouvelé son partenariat avec le FC Versailles cette semaine, l’AS Monaco va aussi prolonger sa collaboration avec l’AS Aix-en-Provence prochainement selon nos informations. Entre-temps, le club princier s’est officiellement uni avec l’AS Saint-Priest le 25 mars. Un énorme coup de la part du club de la Principauté puisque le club sanpriot, réputé pour la qualité de sa formation et pour avoir fait éclore de nombreux talents tels que Nabil Fekir, Rayan Cherki et Georges Mikautadze, était encore lié jusqu’à l’été dernier à l’Olympique Lyonnais, l’écurie phare de la région Rhône-Alpes. Les Gones avaient notamment la priorité pour récupérer les meilleurs pépites de l’ASSP. Ce qui ne sera plus le cas. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi l’ASSP et l’ASM se sont rapprochés ? Le directeur sportif de Saint-Priest, Robert Mouangué, nous en dit plus , tout comme Thiago Scuro, Directeur Général de l’AS Monaco.

Foot Mercato : pouvez-vous nous présenter en quelques mots l’AS Saint-Priest, dont vous êtes le directeur sportif ?
Robert Mouangué : l’AS Saint-Priest a été créée en 1945. Cette année, on va d’ailleurs fêter nos 80 ans. C’est un club qui se situe dans la banlieue lyonnaise, dans une ville de 45 000 habitants. L’ASSP est un club qui se caractérise par un positionnement élite puisque toutes nos équipes évoluent au minimum au niveau Ligue. Nos U17 et l’équipe fanion sont en National. Depuis 4 ans, nous avons une section sportive lycée à présent labellisée Sport Étude. Ce qui fait que tous nos licenciés U16, U17 et U18 profitent d’horaires scolaires aménagés grâce aux cinq lycées partenaires. Ils s’entraînent ainsi tous les jours, du lundi au vendredi, avec leur staff comme les clubs pros. Nous proposons d’ailleurs le même contenu pédagogique puisque nous sommes dotés nous aussi d’analystes vidéos intégrés aux staffs et des outils tels que les GPS ou une salle de musculation. Comme vous pouvez l’imaginer, c’est un dispositif très coûteux. Mais pour faire perdurer la qualité de la formation à l’ASSP, on se doit toujours aller de l’avant. Nous ambitionnons de faire monter nos U18 en U19 Nationaux en fin de saison. Ils sont actuellement leaders du championnat avec 15 points d’avance sur le second. Nous y parviendrons à la condition de gagner le match de barrage qui nous opposera au champion de l’autre poule de Rhône-Alpes. Notre équipe Futsal Seniors est leader de sa poule et donc en pôle position pour les barrages d’accession à la D2 pros. Elle est aussi qualifiée pour les 1/4 de finale de Coupe de France (ce samedi soir contre Nantes, ndlr). Sur le plan régional, d’autres équipes du club sont également leaders de leur poule et donc en course pour gravir un échelon (la réserve Seniors, les Seniors 1 féminines, et la réserve U18 F). Cette année sportive est assez palpitante, espérons maintenant qu’elle se clôture avec l’aboutissement positif de nos objectifs. Tout ceci rend l’ASSP particulièrement attractive. D’ailleurs, l’AS Saint Priest est très réputée en Rhône-Alpes, voire en France, pour la qualité de sa formation. Beaucoup de joueurs et joueuses évoluent aujourd’hui dans des clubs pros et en Ligue 1 ou en Ligue 2. Les noms les plus retentissants de ces dernières années sont ceux de Nabil Fekir, Tierno Barry, Georges Mikautadze, Rayan Cherki ainsi que les frères Kalulu. Il y a aussi les sœurs Cascarino, Ève Perisset, Chloé D’Abadie pour les féminines. Ça fait du beau monde non ?
FM : effectivement, la liste est très longue. Comment qualifieriez-vous les relations entre l’OL et l’ASSP ?
R.M : ces dernières années, malgré notre partenariat, les relations avec l’OL étaient extrêmement rares. Comment voulez-vous personnaliser et multiplier les relations avec plus de 50 partenaires… Du côté de l’AS Monaco, nous sommes le troisième club amateur partenaire. D’où pour nous un réel sentiment de considération.
FM : comment se passait concrètement votre collaboration avec les Gones ?
R.M : le fonctionnement était le suivant : tant que nous étions partenaires de l’OL, la priorité était donnée à l’OL. Seul l’OL avait le privilège d’inviter nos jeunes licenciés avant la date du 1er janvier. C’est une règle inscrite dans notre charte et connue de tous nos licenciés. Ce n’est qu’à partir de cette date que tous les autres clubs professionnels peuvent inviter nos jeunes joueurs pour des essais, mais sous certaines conditions. Des conditions qu’appliquent une grande partie des clubs professionnels, qui respectent les clubs amateurs. L’une des bonnes pratiques consiste tout d’abord à ce que les clubs pros nous adressent un courrier d’invitation du jeune avec une demande d’autorisation club et une demande d’autorisation parentale. Que les dates prennent en compte les obligations scolaires de l’enfant ainsi que de nos compétitions etc… Nous nous réservons le droit de ne pas autoriser l’essai si certaines règles ne sont pas respectées. En tant que partenaire, l’OL avait le privilège par rapport aux autres clubs pros d’inviter nos jeunes joueurs tout au long de la saison. Vous l’aurez compris ce ne sera plus cas car dorénavant ce privilège reviendra à l’AS Monaco.
FM : selon vous, qu’est-ce qui a entraîné ce premier "divorce" entre vos deux clubs ? Quel a été le tournant ?
R.M : on ne peut pas parler de divorce, puisqu’à l’époque il n’y a jamais eu de véritable union. L’OL prenait certains de nos jeunes et il n’y avait aucune contre-partie, même pas un sac de ballon ou un jeu de chasubles. Par ailleurs, les autres clubs pros, y compris les plus éloignés, ont commencé à organiser une présence et une veille sur le bassin rhônalpin. Plusieurs de nos jeunes ont su ainsi séduire divers clubs pros et ont pu intégrer des centres de formation. L’OL n’avait donc plus le monopole et du coup devenait localement moins attractif que les années 2013-2014. À partir de là, nous avons commencé à réagir et à ne plus accepter de se faire « piller » sans une contribution en équipements ou financière. Aujourd’hui, certains clubs pros le font d’autres non. Tous les clubs amateurs bataillent pour survivre qu’ils aient, comme nous 600 licenciés, 400 licenciés ou le triple. Le dilemme est le même, il faut rémunérer les éducateurs (ils sont tous diplômés à l’ASSP, ndlr) ainsi que les joueurs de l’équipe fanion, distribuer des primes, s’équiper de plus en plus et de mieux en mieux…
Le cordon a été coupé avec l’OL
FM : entre 2014 et 2020, l’ASSP a donc été partenaire de l’AS Saint-Étienne. Ce qui peut surprendre pour un club de la région lyonnaise. Comment s’est passée cette expérience ?
R.M : avec les Stéphanois, on a trouvé un relationnel vraiment chaleureux et beaucoup d’humilité de leur part. Les dirigeants et d’anciens joueurs étaient présents à chaque fois que nous organisions un événement. Ils serraient la main et discutaient avec tout le monde dans la salle. Il y avait une proximité et une humilité incroyable. Rien que ça, c’était déjà une marque de respect qu’on appréciait au-delà même d’attendre de l’argent, des équipements ou du matériel. Mais c’est vrai que quand géographiquement on est basé en banlieue lyonnaise, c’est quand même une anomalie d’aller chez l’ASSE, qui est «l’ennemi juré» des Lyonnais.
FM : après plusieurs années passées aux côtés des Stéphanois, l’ASSP s’est finalement rapprochée de l’OL en 2020. Pourquoi ce choix ?
R.M : au bout de 4-5 ans, grâce au Maire de Saint-Priest Mr Gilles Gascon, qui avait une bonne relation avec Jean-Michel Aulas, on a pu rencontrer les dirigeants lyonnais. La rencontre fut organisée au Groupama Stadium dans les bureaux de Monsieur Vincent Ponsot. Il y avait autour de la table Pierre Sage et d’autres cadres techniques de l’OL. Pour nous, c’était enfin une marque de considération. Après cela, le partenariat a été convenu. Mais hormis une dotation financière et un nombre de places gratuites pour les matches, toutes nos attentes sur les échanges et le partage de process ou de savoir-faire furent lettres mortes
FM : depuis l’été dernier, vous n’êtes plus liés à l’OL et la nouvelle direction, incarnée par John Textor. Comment en est-on arrivé là ?
R.M : après quelques relances de notre part, pour savoir si un renouvellement était envisageable ou pas, nous avons finalement été reçus le 22 août. Mais là, rien à voir avec le précédent rendez-vous au Groupama Stadium. Deux jeunes personnes de l’OL nous ont reçus, aucun cadre autour de la table, aucun responsable technique, ni même le responsable de l’académie. Par rapport à la précédente mise en place du dernier partenariat, là on redescendait de plusieurs strates. S’en est suivi un silence radio de plusieurs mois de la part de l’OL alors que nous recevions des marques d’intérêts de clubs professionnels étrangers et français, dont l’AS Monaco
FM : cet entretien a visiblement marqué une rupture entre l’OL et vous…
R.M : il faut se rappeler que c’était une période où plusieurs éducateurs emblématiques de l’OL étaient remerciés, des personnes qu’on avait l’habitude de côtoyer depuis une décennie. Comme nous n’avons pas eu de retour après cet entretien, alors qu’on nous avait dit qu’on nous enverrait un compte-rendu de la réunion ainsi qu’une offre, on les a relancés fin novembre. Ils nous ont dit qu’ils étaient un peu débordés, que ce n’était pas qu’un oubli. Nous avons interprété cela comme un manque d’intérêt à notre égard. En janvier, ils nous ont sollicité pour une rencontre. Seulement, durant tout ce laps de temps, sans nouvelles de l’offre concrète de l’OL, d’autres clubs nous ont sollicité comme nous n’étions plus liés par un partenariat. Donc ça laissait la porte ouverte pour écouter ces autres clubs. Dès les premiers échanges avec l’AS Monaco, nous avons coupé court à toutes les autres discussions avec les autres clubs. On a senti très vite qu’il y avait un feeling avec Monaco, un truc spontané qui se passait. Pour l’anecdote, les trois interlocuteurs de Monaco sont à la base des Lyonnais.
La naissance d’une nouvelle collaboration avec l’AS Monaco
FM : à vous écouter, on sent que le discours et l’attitude du club princier ont fait mouche…
R.M : on s’est vite rendu compte qu’on avait un alignement sur nos visions humaines et sportives respectives. Monaco, ça représente le raffinement, la sagesse, la discipline, la rigueur, le respect total. D’ailleurs, d’après le sondage Ipsos 2024-25 concernant la perception des clubs pros par le grand public, le club qui ressort numéro 1 en termes d’image et d’attractivité, c’est l’ASM. Donc ce n’est pas un hasard que nous ayons été attirés par un tel club. Le savoir-faire et le savoir être de ce club prestigieux est très inspirant et légitime notre positionnement, voilà pourquoi on s’est rapproché d’eux. Quand on voit le contenu de notre partenariat, c’est tout ce à quoi on aspirait. Un vrai échange de process, aussi bien au niveau des joueurs que des éducateurs. Ils ont aussi une humilité dans leur approche. Ils se sont déplacés à 6 mardi à Saint-Priest pour la signature de notre partenariat. Il y avait le directeur de l’académie, son adjoint, le responsable technique de la formation, les recruteurs régionaux, le recruteur Europe. Sans qu’on leur demande, ils ont tenu à assister aux entraînements de nos équipes du Sport-Étude. Après le protocole, ils ont échangé avec les éducateurs présents, avec écoute et bienveillance, sans être donneurs de leçon. Ils ont séduit tout le monde, c’était génial.
FM : combien de temps va durer cette collaboration avec l’ASM ?
R.M : on n’a pas fixé d’année. Si à un moment donné il y a un problème, on se mettra autour d’une table et on essayera de trouver des solutions. Si c’est irrémédiable, on se sépare. Mais on n’est pas bloqués par une date. C’est un exemple de la confiance et du type de relations qu’on souhaite avoir. Il y a 100% de confiance.
FM : pouvez-vous nous détailler concrètement le fonctionnement de ce partenariat ?
R.M : je vais leur envoyer tous les mois un tableau des sollicitations des autres clubs afin qu’ils soient informés des invitations que nous recevons pour nos jeunes. Nous leur recommanderons nos meilleurs talents. S’ils s’intéressent à l’un d’entre eux, il y aura alors beaucoup de tact et de sensibilité dans leur approche pour que le joueur et la famille ne s’emballent pas trop non plus. Un essai ne veut pas forcément dire une signature. Ils n’inviteront pas non plus à tour de bras, ils le feront à bon escient. L’invitation portera sur une immersion complète sur une semaine au centre de formation et à l’internat. Pour le reste, il y a tout un panel d’actions de prévues. Cela concerne autant les joueurs que les éducateurs : partages de process, échanges sur les savoir-faire, séances cadres, matches amicaux, etc… L’idée est qu’il y ait pour tous une montée en compétence. Plusieurs actions concrètes sont même déjà en cours de planification. De même qu’un premier jeune joueur de l’AS Saint Priest, Jassim Djelloul Benchérif, vient de signer un contrat de 3 ans avec l’ASM (il a signé avant le partenariat entre les deux clubs, ndlr). Il intégrera le centre de formation dès le mois de juillet
FM : il y a beaucoup de supporters de l’OL parmi vos jeunes joueurs. Comment vivent-ils cette nouvelle ? Y a-t-il une crainte chez eux de ne pas pouvoir rejoindre leur club de cœur?
RM : avant, c’était peut-être le cas. À présent, c’est certainement moins le cas avec toutes ces rumeurs sur l’avenir et le maintien de la préformation et de l’école de foot à l’OL. D’autre part, à Lyon il y a aussi beaucoup de supporters du PSG et de l’OM. Lorsque l’OL fera une proposition à l’un de nos licenciés, celui-ci sera libre de l’accepter ou pas. Mais l’AS Monaco aura la primeur de nos recommandations. Pour faire vivre et faire perdurer notre club au niveau de l’encadrement pédagogique, au niveau de nos structures, de nos infrastructures et équipements, on a décidé que c’est avec l’AS Monaco qu’on va pouvoir continuer à aller de l’avant et faire progresser nos jeunes.
FM : la porte est-elle totalement fermée avec l’OL ?
R.M : la porte est fermée au niveau d’un partenariat. Mais si un de nos joueurs tient à aller à l’OL, si l’OL s’y prend bien tout en respectant notre club, alors il n’y a pas de raison.
Réaction de Thiago Scuro, Directeur Général de l’AS Monaco :
Footmercato : pourquoi l’AS Monaco a choisi l’AS Saint-Priest ?
Thiago Scuro : ce partenariat s’inscrit dans la stratégie de développement de l’AS Monaco en matière de détection, de formation et d’accompagnement des jeunes joueurs vers le plus haut niveau. C’est un partenariat gagnant-gagnant, le but étant d’étendre le champ d’observation et de présence de l’AS Monaco tout en partageant notre savoir-faire, ce que nous faisons chez nous, ainsi que les ressources dont nous pouvons leur faire profiter. Saint-Priest, qui est l’un des meilleurs clubs formateurs de la région rhodanienne, a une excellente réputation et possède une vision et des valeurs communes à l’AS Monaco. C’est pourquoi nous avons pu trouver un terrain d’entente et une très bonne façon de travailler ensemble. Le développement des joueurs, leur donner l’opportunité de grandir, c’est une chose à laquelle nous croyons beaucoup, ici, à Monaco. C’est dans notre ADN, cela fait partie de l’héritage du club. Cette saison, nous avons 6 joueurs du centre de formation dans l’équipe professionnelle. Nous investissons dans la formation pour améliorer ce chiffre dans le futur. C’est une partie importante de notre stratégie à long terme. Nous avons des conditions propices, à Monaco, à l’épanouissement des jeunes et à leur développement. Le partenariat avec Saint-Priest, dans une région qui est connue pour être un vivier de footballeurs important en France, s’inscrit dans cette logique. Tout comme notre partenariat avec le FC Versailles, en région Ile-de-France, également reconnue pour être un des plus grands viviers de footballeurs.
FM : qu’attendez-vous de cette collaboration ?
T.S : la volonté est de créer une relation forte avec Saint Priest. Ce partenariat prévoit la possibilité pour des profils de l’ASSP de nous rejoindre, mais pas uniquement. L’ambition est d’être présent à leurs côtés, de partager nos connaissances en matière de recrutement, d’entraînement et d’encadrement des joueurs.
Nous croyons fort dans cette notion de collaboration et d’échanges, car nous avons aussi beaucoup à apprendre de Saint-Priest, tout comme du FC Versailles. Nous souhaitons grandir ensemble.
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