Maniche : «quand le FC Porto a tiré l'OL, ça a fait remonter tous ces souvenirs de 2004...»

Par Alexis Pereira
11 min.
Maniche, sous le maillot du FC Porto, face à Sidney Govou et l'OL @Maxppp

L'Olympique Lyonnais, voilà un excellent souvenir pour Maniche. En 2004, le milieu portugais, alors au FC Porto, avait inscrit un doublé sur la pelouse de Gerland, synonyme de qualification des siens pour les demi-finales d'une Ligue des Champions que les Dragões de José Mourinho finiraient par remporter. Alors que les 8es de finale de Ligue Europa mettent les deux formations aux prises, l'ancien international lusitanien (52 sélections, 7 réalisations), aujourd'hui consultant pour Canal 11 au Portugal, a évoqué pour Foot Mercato ses souvenirs de cette double confrontation, de ce parcours magique en C1, mais aussi de sa fantastique carrière en club et en sélection. Sans oublier de donner son pronostic. Entretien.

Foot Mercato : Maniche, quand vous avez vu que le FC Porto allait affronter Lyon en 8e de finale de Ligue Europa, j'imagine que vous avez eu de jolis souvenirs en tête ?

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Maniche : oui, c’est vrai, ça m’a rappelé de bons souvenirs. Nous avions affronté Lyon à un moment important de la saison, nous avions réussi à l’emporter, j’avais marqué deux buts. Ce sont des souvenirs qui restent gravés à vie. Et quand Porto a tiré Lyon, ça a fait remonter tous ces souvenirs.

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FM : ce quart de finale contre l'OL fait partie de votre parcours gagnant en Ligue des Champions en 2004. Au retour, à Gerland, vous aviez inscrit un superbe doublé sur des passses de Deco. Vous rappelez-vous de ce match, de ces buts ?

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M : je me souviens parfaitement de ces matches. Nous avions gagné à Porto (2-0). Nous avions un avantage conséquent avant le retour. Mais nous savions que ce serait un match difficile, parce que jouer Lyon, chez lui, en quart de finale de Ligue des Champions, c’était compliqué. L’OL avait d’excellents joueurs, un excellent entraîneur (Paul Le Guen). Nous savions que nous ne pouvions pas nous relâcher. Deco m’a offert deux passes fantastiques, j’ai marqué deux buts incroyables, qui nous ont permis de nous qualifier pour les demi-finales de la compétition.

FM : aviez-vous préparé ce match d'une manière particulière ? José Mourinho craignait-il un joueur de l'OL en particulier ? Quelle était la stratégie pour ce match ?

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M : la préparation avait été normale, comme pour tous les matches. On savait que Lyon était une bonne équipe, spécialement sur le plan offensif. Mourinho nous avait dit de surtout éviter les fautes à l’entrée de la surface, parce que Lyon avait Juninho et qu'il tirait très bien les coups francs. Il était capable de marquer sur ces phases de jeu. Nous devions aussi faire attention à (Florent) Malouda parce qu’il était très rapide sur son aile. Nous ne devions pas le laisser en un contre un avec nos défenseurs. Ensuite, au milieu, il fallait aussi faire attention, parce qu’ils étaient très forts, avec (Michael) Essien et (Mahamadou) Diarra. Mourinho nous avait dit d’essayer d’avoir la maîtrise du ballon pour gagner la bataille du milieu. Voilà quelles étaient les consignes. Ensuite, nous devions nous concentrer sur nous pour parvenir à gagner ce match difficile.

FM : défensivement, vous avez réalisé un grand match, malgré les deux buts encaissés, en gérant bien les offensives de l'OL, avec notamment une grande prestations de Vitor Baia. Cette capacité de résilience vous avait-elle servi pour le reste de la compétition ?

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M : nous avions une équipe extrêmement offensive, qui marquait beaucoup de buts. Mais dans ce genre de compétitions, il faut avant tout savoir bien défendre, être compact. On savait que si on y parvenait, on pouvait marquer à tout moment. Il ne fallait pas juste bien défendre, il fallait aussi mieux attaquer que l’adversaire. C’est ce que nous avons fait pendant tout notre parcours en Ligue des Champions cette saison-là.

Souvenirs, souvenirs

FM : vous aviez éliminé Lyon en quarts de finale, vous aviez battu Monaco en finale, à Gelsenkirchen. Les clubs français vous avaient bien réussi cette année-là n'est-ce pas ?

M : Lyon et Monaco nous laissent de bons souvenirs. Nous avions gagné et mérité de l'emporter. Nous avions très bien joué. Monaco, c’était un match que nous avions su nous rendre facile. Nous savions que Monaco avait d’excellents joueurs, qui pouvaient décider du sort du match à tout instant. Nous avions eu chaud en début de match, mais ensuite, nous avons parfaitement joué en équipe. Nous avons parfaitement exploité les points faibles de Monaco. Tout le monde s’attendait à ce que nous gagnions cette finale, nous l’avons fait parce que nous avions la meilleure équipe, les meilleurs joueurs. Nous nous sommes ensuite rendu le match facile, nous avons fini par gagner tranquillement, avec tout le respect que je dois à Monaco.

FM : comment imaginez-vous ce 8e de finale de 2022 ? Porto est très bien en Liga Bwin et vient d'éliminer la Lazio. Lyon n'est pas au mieux en Ligue 1 mais a été dominant en phase de poules d'Europa League.

M : chaque match a son histoire. Le FC Porto réalise une super saison, tant en championnat qu’en Europe. Il est, selon moi, un des favoris pour la victoire finale en Ligue Europa. Lyon n’est pas très bien en Ligue 1 cette saison, mais a fait d’excellents matches en Ligue Europa. Ce sont des matches différents, à part, où chaque équipe donne tout pour passer. Je vois un match équilibré, difficile, mais je pense que le FC Porto est légèrement favori vu ce qu’il fait depuis le début de la saison.

FM : comment jugez-vous le travail de Sérgio Conceição, votre ancien partenaire au FC Porto et en sélection, à la tête des Dragões ?

M : Sérgio Conceição réalise un excellent travail à la tête du FC Porto. Il a catapulté certains joueurs dans une autre dimension. Il a valorisé, rentabilisé les actifs du club dans un moment compliqué pour le club sur le plan économique. Il fait un super travail, en tant qu’entraîneur, aussi parce qu’il a été un joueur du club et, surtout, parce qu’il en est supporter. Il a su transmettre ce sentiment à ses joueurs et à le transposer sur le terrain de jeu. Il leur a donné l’ADN du FC Porto, cela se ressent sur le terrain, au sein de cette équipe compacte, qui ne lâche rien et qui a également la qualité pour jouer et gagner. Son bilan jusqu’ici, cette saison encore, suffit à le prouver.

FM : si vous deviez mettre en lumière une individualité du FC Porto, quelle serait-elle et pourquoi ?

M : le FC Porto possède d’excellents joueurs, principalement au milieu et en attaque. Il n’y a pas un joueur qui se détache particulièrement. Uribe est un monstre au milieu de terrain ces derniers temps. Vitinha, avec beaucoup de classe et de technique, lui aussi. Otavio est indispensable dans l’organisation tactique de Sérgio Conceição. Mehdi Taremi est un joueur qui vient se caler entre les lignes et donne beaucoup de passes décisives. Evanilson s’est révélé comme le monsieur buts. Mais Porto a d’autres bons joueurs. En défense, Pepe n’est plus à présenter, avec son expérience et sa qualité. Son leadership fait aussi la différence. D’autres joueurs sont également en forme, comme Fabio Vieira.

Un rendez-vous manqué avec la L1

FM : vous restez un joueur identifié FC Porto, pour tout ce que vous avez gagné là-bas, mais vous êtes un des rares joueurs à avoir évolué dans les trois grands au Portugal (Benfica, Sporting CP). Qu'est-ce que cela a représenté pour vous ?

M : peu de joueurs ont eu le privilège de jouer dans les trois grands clubs du Portugal. J’en fais partie. C’est un honneur, une fierté. J’en suis heureux. Je donnais tout pour chaque club. Je mouillais chacun des maillots que je portais. C’est un honneur pour moi d’avoir pu défendre ces trois clubs et je crois que je l’ai fait de bonne manière.

FM : pourriez-vous nous dire un mot sur chacune de vos expérience à l'étranger : Dynamo Moscou, Chelsea, Atlético, Inter et Cologne ?

M : le Dynamo, c'était ma première expérience à l’étranger, difficile, je n’étais pas totalement prêt pour un tel changement de dimension entre les deux clubs. Je ne connaissais pas assez bien le Dynamo. Les conditions de travail n’étaient pas les meilleures, j’ai ressenti des difficultés d’adaptation. Puis l’opportunité Chelsea a surgi, en prêt. Mourinho me connaissait bien. Il savait que je n’étais pas heureux au Dinamo Moscou. J’ai été champion d’Angleterre. Une blessure m’a empêché de jouer davantage de matches, mais j’ai le sentiment du devoir accompli. Puis j’ai été à l’Atlético de Madrid. Je m’y suis senti très heureux, les fans m’adoraient. J’y ai passé deux saisons et demie fantastiques. Le club a retrouvé la Ligue des Champions. Je me sens encore très apprécié là-bas. J’ai laissé de bons souvenirs là-bas, dans un grand club. J’ai ensuite rejoint l’Inter, en prêt, parce je ne m’entendais plus avec l’entraîneur. J’ai joué quelques matches avec les Nerazzurri, ce qui m’a permis de devenir champion d’Italie, une énorme fierté pour moi encore aujourd'hui. J’ai ensuite filé à Cologne, en Allemagne. Un club qui végétait en milieu bas de tableau. Avec Podolski et quelques recrues, nous avons essayé de faire un bon travail. Cela m’a permis de jouer en Bundesliga, ce qui était aussi un de mes rêves. Je dirais que j'ai eu une jolie carrière, riche, avec beaucoup de titres, c’est ce qu’on demande à un joueur.

FM : vous avez joué dans beaucoup de clubs et de championnats, avez-vous eu l'opportunité d'évoluer en France ? Si oui, dans quel club ?

M : je n’ai pas joué en France parce que je n’ai pas voulu. Je trouvais le football français, très dur, très physique. J’ai préféré un football plus technique, à ce moment-là de ma carrière, avant d’aller à l’Atlético de Madrid. J’ai eu la possibilité, aussi, après mes saisons au FC Porto, d’aller à Lyon ou au Paris SG. Mais ce sont des choix, en prenant en compte mes caractéristiques de jeu. Ce sont deux grands clubs français et européens, que je me serais fait un honneur de représenter. Mais tout est question de moments et d’opportunités, on fait des choix, on saute sur certaines options, on en refuse d'autres, c’est la vie d’un joueur de football.

FM : en tant que pilier de la sélection portugaise des années 2000-2010, comment avez-vous vécu la victoire du Portugal à l'Euro 2016 ? Un succès qui vous avait par exemple échappé en 2004.

M : la victoire à l’Euro 2016 était un peu inattendue. La France était favorite, à domicile, avec de grands joueurs. Mais le Portugal, à force de travail, est sorti, difficilement, de sa poule, puis a gravi les marches les unes après les autres. La sélection a eu le bonheur de marquer un but en finale et de remporter un titre qui nous échappait depuis plusieurs années, par manque de chance souvent. Cela nous a rendus heureux et fiers.

La Seleção, CR7 et Mourinho

FM : comment analysez-vous les difficultés actuelles de la sélection portugaise, dont la présence au prochain Mondial est loin d'être assurée ?

M : ce sont des difficultés normales, les joueurs ne sont pas toujours au top. Les joueurs se côtoient rarement et perdent certaines routines de jeu. Mais je crois qu’avec nos individualités, nous pouvons battre la Turquie, puis l’Italie ou la Macédoine. Ce sera dur. Mais ce serait terriblement décevant si nous ne parvenions pas à être présents au Mondial pour y faire une bonne campagne. On attend tous plus de la sélection que ce nous avons vu dernièrement. On y croit, on veut être une fois de plus au Mondial.

FM : vous avez connu Cristiano Ronaldo très jeune et vous avez accompagné de près sa progression. Quel est votre regard sur ce phénomène ? Sa faim et son efficacité vous impressionnent-elles encore vu son âge ?

M : connaissant Cristiano Ronaldo, plus rien ne me surprend. On parle d’un joueur focalisé sur ce qu’il veut. Il a une personnalité énorme et c’est ce qui fait toute la différence. C’est un joueur très ambitieux qui veut toujours beaucoup et plus encore, qui travaille sans relâche pour atteindre ses objectifs. Il a toujours été comme ça, depuis qu’il a commencé très jeune avec moi en sélection. Son parcours parle pour lui et montre qu’il a toujours voulu et cherché le meilleur pour ses clubs et pour lui. Tout ce qu’il a conquis ne me surprend pas. Et ce n’est peut-être pas terminé.

FM : pour en revenir à José Mourinho, comprenez-vous que, malgré sa carrière et son CV immense, les gens le critiquent autant aujourd'hui, au point de douter de ses qualités et de dire qu'il a perdu de sa magie ?

M : il est normal que les gens imaginent que Mourinho doive toujours être au top, parce qu’il a habitué les gens à gagner partout où il est passé. Il a une personnalité qui ne plaît pas toujours aux supporters, mais il est comme ça, naturel, il ne change pas. Il doit s’adapter à une nouvelle réalité, à une nouvelle génération de footballeurs aussi. Il va y arriver et il va gagner à nouveau des titres, j’en suis absolument convaincu. Il se l’exige à lui-même, les clubs qui l’engagent lui demandent cela également. Je suis sûr que nous allons bientôt retrouver un Mourinho très fort et à la lutte pour des titres.

FM : selon vous, qui est aujourd'hui le meilleur joueur de la Liga Bwin ?

M : c’est une question très subjective, car beaucoup de joueurs pourraient être choisis. Mais, personnellement, je dirais Vitinha. C’est un joueur que j’aime beaucoup, un joueur déterminant et prépondérant pour les victoires du FC Porto.

FM : vous êtes aujourd'hui consultant pour la chaîne Canal 11 au Portugal, comment trouvez-vous cette nouvelle vie ? Souhaitez-vous rester dans le milieu du football à l'avenir, dans quelle fonction ?

M : cela me plaît d'essayer de transmettre mon expérience et ma passion du football de mon mieux au micro de Canal 11. Je ne m’attendais pas être commentateur, mais l’opportunité s’est présentée et j’ai trouvé ça bien de transmettre mon vécu, ma vision du football et mon expérience à l’antenne. Je suis par ailleurs producteur de vin et je me concentre aussi sur cette activité. Mais on ne peut jamais dire jamais, alors on va voir ce que nous réserve l’avenir.

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