Ligue des Champions

La fabuleuse histoire de Junior Messias, sauveur de l'AC Milan en Ligue des Champions

Buteur hier contre l'Atlético de Madrid en Ligue des Champions, Junior Messias a offert aussi bien la victoire à l'AC Milan que des raisons de croire en une hypothétique qualification en 8e de finale. Derrière ce coup de casque décisif se cache l'histoire singulière d'un joueur de 30 ans, seulement passé professionnel il y a 3 ans après avoir enchaîné les petits boulots et les divisions amateurs.

Par Maxime Barbaud
6 min.
Junior Messias prend le meilleur sur la défense de l'Atlético de Madrid @Maxppp

Il s'agit d'un miracle. Sur le point d'être éliminé de cette Ligue des Champions en étant tenu en échec sur la pelouse de l'Atlético de Madrid, l'AC Milan est pourtant toujours vivant aujourd'hui. Car dans les dernières minutes de la rencontre, Junior Messias a inscrit l'unique but du match, celui qui offre une victoire surprise 1-0 aux Italiens. À une journée de la fin de la phase de poules, tout est relancé puisque les Rossoneri, toujours 4es dans ce groupe B, ne sont désormais plus qu'à un petit point de Porto et des Colchoneros avant de recevoir Liverpool, déjà qualifié, dans deux semaines. Un passage en 8e de finale est encore possible.

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Un miracle peut en cacher un autre. Le héros de cette première victoire milanaise en C1 depuis 8 ans a débloqué son compteur but dans cette compétition à l'âge de 30 ans. Un dépucelage tardif qui tient en une explication. Le milieu offensif brésilien n'est professionnel que depuis 3 ans seulement et découvre cette saison la Ligue des Champions. Débarqué à Milan en août dernier sous forme de prêt avec option d'achat en provenance de Crotone, le gaucher n'a même presque pas joué avec sa nouvelle équipe en raison de deux blessures. Hier soir, il ne disputait que son 3e bout de match.

De travailleur sur les chantiers à buteur en Ligue des Champions

«J'avais envie de pleurer. Tout ce que j'ai vécu m'est passé par la tête. C'est de l'émotion pure. J'ai pensé à Dieu, c'est lui qui a écrit toute mon histoire», s'enthousiasmait le pieux Messias après la victoire, rembobinant au passage son exploit. «J'ai vu le ballon et je n'ai pas hésité. Je l'ai envoyé au fond des filets. Je dédie ce but à ma famille et à mes amis au Brésil, ainsi qu'à tous ceux qui, à Milan, ont cru en mes qualités.» Sa rentrée fut déterminante hier soir. Entré à la 65e à la place de Krunic, il a offert une première balle de but à Bakayoko 5 minutes plus tard, simplement du genou par Savic sur sa ligne, et une seconde à Ibrahimovic, mis en échec par Oblak.

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Cette histoire ressemble à un conte de fées. Il y a encore 4 ans, Junior Messias évoluait en Serie D, chez les amateurs de Gozzano avec qui il a arraché la promotion. Repéré par Crotone, qui débourse 400 000 euros pour le recruter définitivement en juin 2019, le Brésilien passe seulement professionnel à 27 ans. Le rêve fou devient réalité alors qu'il avait fait une croix quelques années auparavant, quand il vivait encore de l'autre côté de l'Atlantique. Espoir à Cruzeiro où il ne parvient pas à percer, il frôle la mort après le mariage de son frère. Trop éméché, il s'endort au volant et termine dans le décor. Nouveau miracle.

«Je gagnais 20 centimes pour chaque brique polie»

En 2011, il émigre en Italie pour rejoindre son frère à Turin. Âgé alors de 20 ans, le natif de Belo Horizonte vit dans le quartier difficile, mais cosmopolite de Barriera di Milano. Il doit gagner sa vie et trouve du travail sur les chantiers où il nettoie des briques toute la journée, gagnant «20 centimes pour chaque brique polie», avant de devenir maçon. Il embauche ensuite dans une boîte de transport grâce à la rencontre d'un entrepreneur péruvien du nom d'Oscar Arturo Vargas. Ce dernier lui propose de livrer des produits électroménagers chez les particuliers.

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« Je portais les colis et je faisais les livraisons d’électroménager, surtout les frigos. J’aimais ce travail, surtout quand je livrais chez une personne âgée, et qu’elle me proposait d’entrer pour prendre un café et discuter. Les anciens se sentent souvent seuls, un peu comme moi, car ma famille était loin, et je vivais seul, sans personne pour me serrer dans ses bras le soir. Alors on discutait, je leur parlais du Brésil, et eux me racontaient leurs souvenirs », racontait plus tard celui qui ne se prédestinait pas du tout à une carrière de joueur professionnel.

24h qui ont tout changé

C'est alors que son patron monte son équipe de foot, la Sport Warique, composée de la diaspora péruvienne et fait appel à Junior Messias. Ce dernier est évidemment beaucoup trop fort dans cette sorte de championnat corpo. Le vent tourne définitivement lorsque son équipe affronte celle dirigée par Ezio Rossi, un ancien pro des années 80/90. « À la fin du match, je suis allé sur la pelouse et je lui ai dit qu’un joueur comme lui ne pouvait pas rester là », relatait l'ex-défenseur du Torino dans un entretien à Di Marzio. Il lui dégote même un contrat en 5e division à Fossano, mais moins bien payé que son métier de livreur.

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Contraint de refuser, le Brésilien entend alors la parole christique en quittant l'église : le coup de fil tant espéré depuis des années de la préfecture. Sa situation est enfin régularisée. Le lendemain, un autre coup de téléphone va aussi changer les choses. C'est à nouveau Ezio Rossi de l'autre côté du combiné qui lui a trouvé un essai à Casale toujours au 5e échelon national. «Tu fais quelques jours d’essai, et si ça se passe bien, je parle au président.» Messias abonde. «Pour moi, c’était ça, le message que j’attendais.» Surtout que la paye est cette fois plus intéressante.

En concurrence avec Romain Faivre

Avec 1500 euros par mois, le Brésilien peut commencer son ascension en ne pensant qu'au football. «Il a marqué 21 buts et a été décisif pour la victoire du championnat. Forcément, il s'est fait remarquer. Je lui ai dit de faire attention aux requins, mais il ne m'a pas écouté», regrette le protecteur Rossi. Malgré la présence d'agents véreux, Messias file à 25 ans du côté de Chieri puis de Gozzano où il fait son trou entre la 4e et la 3e division. Crotone vient alors le chercher. Ensemble, ils grimpent en Serie A, le joueur fait alors connaissance avec le plus haut niveau.

La suite est désormais connue de tous. Au mercato, Milan lui préfère un Français, Romain Faivre, mais l'affaire ne se fait pas. Les Rossoneri se rabattent sur un autre choix, un peu par défaut, en se faisant prêter ce milieu offensif de 30 ans déjà et pourtant novice à ce niveau. Le deal est en revanche bon marché. C'est surtout Maldini qui est séduit, aussi bien pour le joueur que par son histoire. La victoire lombarde à Madrid lui a donné raison. « Si c'est la meilleure soirée de ma carrière ? J'espère que non, que d'autres comme celle-là arriveront. Contre Liverpool, ça sera difficile, il faudra jouer notre jeu et rester humble.» Pour ce qui est de l'humilité, on peut faire confiance à ce miraculé du football.

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