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Jérémie Bréchet: « Le brassard de capitaine, c’est un peu la cape du super-héros »

Passé par l’Inter Milan, l'Olympique Lyonnais, la Real Sociedad ou encore l’équipe de France, Jérémie Bréchet a longtemps porté le brassard de capitaine à Sochaux et au Gazélec FC Ajaccio. Un rôle complexe et primordial dans une équipe de foot mais dont on ne parle que rarement. Il se confie sur ce statut.

Par Hanif Ben Berkane
6 min.
Jérémie Bréchet, ancien capitaine du Gazélec Ajaccio @Maxppp

Foot Mercato: Dans une équipe de foot est-ce que l’on est forcément content d’avoir le brassard de capitaine ?

Jérémie Bréchet: Tous les joueurs ne le sont pas. Certains n’ont pas vocation à parler devant les autres ou à prendre la parole. Ils le font par obligation. Il faut aimer se mettre en avant. J’ai eu souvenir de joueurs qui étaient des capitaines par l’exemple mais qui ne savaient pas l’être avec les mots.

FM: À l’inverse, est-ce que ça peut être vu comme un fardeau ?

JB: Oui, totalement. Certains ne sont pas prêts, j’ai connu des joueurs qui ont déjà refusé le brassard même s’ils sont rares. Parfois on se perd, on veut être le sauveur de la patrie. C’est pas ce qu’on attend d’un capitaine.

FM: Justement qu’est-ce que l’on attend d’un capitaine ?

JB: Le capitaine, c’est celui qui tire le groupe vers le haut soit parce que c’est un exemple soit parce qu’il a un fort tempérament, un fort caractère. C’est celui qui sait comment gérer les moments difficiles, qui sait montrer le bon chemin, celui sur lequel l’équipe peut se reposer quand ça va mal. Il doit être fiable et savoir toujours faire en sorte que l’effectif soit raisonné.

« Celui qui pense qu’être capitaine, c’est avoir du pouvoir se trompe ! »

FM: Dans ce rôle, on ne risque pas de se voir comme un sergent à l’armée ?

JB: C’est clair qu’il y a des capitaines autoritaires. C’est ceux qui ont un gros caractère. Je pense à Zlatan notamment. Il arrive à tirer les gens vers le haut par son fort caractère, son exigence et son professionnalisme. Celui qui pense qu’être capitaine, c’est avoir du pouvoir se trompe. Être capitaine, c’est avoir des responsabilités.

FM: Être capitaine, c’est forcément avoir un gros caractère ?

JB: Non, du tout. Souvent, on fait un procès à certains capitaines parce qu’ils manquent de charisme, de caractère, parce qu’ils ne gueulent pas assez. Zidane était capitaine pourtant, il n’a jamais levé la voix sur le terrain. C’était un capitaine par son talent. Il y a différent type de capitanat. Celui par le talent comme Zidane qui éblouit et qui force le respect, celui par le caractère comme Zlatan qui sait tirer vers le haut, et celui par ses talents d’orateurs, qui a les bons mots.

FM: Est-ce que l’on peut être mal vu de la part de ses coéquipiers parce qu’on est plus proche de l’entraineur en tant que capitaine ?

JB: Alors parfois, le capitaine n’est pas le messager, ce n’est pas le joueur le plus proche du coach. Le capitaine, c’est celui choisi par l’équipe. Les coachs savent que c’est le joueur vers qui les autres se tourneront toujours, celui qui est le plus respecté. À Sochaux, c’était Teddy Richert qui était le messager du coach pourtant j’étais le capitaine. Mais certains ont toujours peur d’être dans le mauvais camp ou d’être défavorisé.

« J’ai rencontré des joueurs à qui on a enlevé le brassard pour les libérer d’un fardeau »

FM: Peut-on être un capitaine illégitime ?

JB: Évidemment. Je ne vais pas citer de noms mais dans ma carrière j’ai vu des capitaines choisis parce qu’ils étaient les chouchous ou l’emblème du club et des supporters. J’en ai vu être le relai du coach et donc croire qu’ils avaient beaucoup de pouvoir, trop même et ça ne passait pas dans le vestiaire. Mais pour que ça marche, le capitaine doit être le « joueur-ressource » du vestiaire. C’est sa responsabilité.

FM: Vous parlez beaucoup de responsabilités, c’est ce qui défini un capitaine ?

JB: Oui, totalement. Il n’a que ça. L'exemplarité dans le travail pour avoir une légitimité. La compétence, la communication, la loyauté. Être fiable et juste avec ses coéquipiers, c’est important. Ce sont des qualités essentielles qui font que tu as une lourde responsabilité.

Jérémy Bréchet

FM: Certains au cours d’une saison perdent leur brassard, est-ce forcément négatif ?

JB: La perte d’un brassard peut être considérée comme un désaveux, oui. Ça veut dire qu’à l’instant T, tu n’es plus capable d’apporter dans ce rôle. Par contre, ça doit être fait de manière honnête pour éviter les incidents. J’ai rencontré des joueurs à qui on a enlevé le brassard pour les libérer d’un fardeau, pour les inciter à jouer libéré, d’être eux mêmes, de jouer leur jeu sans calculer le reste. Mais la plupart du temps, les coachs ne se trompent pas beaucoup.

FM: Quelle relation a t-on avec l’entraineur quand on est capitaine ?

JB: Déjà, l’entraineur n’est pas forcément obligé de bien s’entendre avec son capitaine. C’est une idée reçue. Si l’entraineur cherche à ce que son groupe soit plus autonome, il va avoir tendance à être souvent en contradiction pour que les joueurs se raccrochent à leur capitaine, pour créer autour de lui. Cette tension capitaine-coach permet de créer un groupe. C’est souvent ce que fait José Mourinho d’ailleurs. Il faut juste savoir quel type de management choisir en fonction du caractère de chaque groupe. À l’inverse, certaines équipes vont avoir besoin d’être chouchouter.

« Le brassard, c’est vraiment le symbole de la force »

FM: Le capitaine est-il forcément le joueur le plus important de l’effectif ?

JB: Non, très souvent d’ailleurs ça ne l’est pas. En tout cas pas sur le terrain. Il y a des joueurs plus indispensable que lui. Disons que c’est celui qui coche le plus des qualités humaines.

FM: Dans votre carrière, vous avez été capitaine à Sochaux et au Gazélec, comment c’était pour vous ?

JB: Pour moi, ça n’a pas changé grand chose. On m’a demandé de l’être, je l’ai accepté mais je n’avais pas spécialement l’envie. À Sochaux, on me l’a d’ailleurs enlevé au profit de Teddy Richert. Ce n’est pas quelque chose qui m’a changé. Peut-être que c’était juste un peu plus plaisant parce que j’étais plus mis en lumière devant la presse, on me valorisait. Mais c’est tout.

FM: Devenir capitaine, est ce que ça peut modifier la personnalité d’un joueur ?

JB: Oui bien sûr. Parfois l’habit peut faire le moine. De la même manière, ça peut se ressentir dans la vie de tout les jours. On veut avoir les mêmes valeurs et convictions avec ses joueurs qu’avec sa famille donc on veut être fiable et loyal. Mais parfois, ça peut être dans un sens négatif. On se croit surpuissant et on devient mauvais, on devient un connard. Parfois, les entraineurs donnent le brassard à un joueur pour le forcer à developper d’autres traits de personnalité qui pourrait le faire progresser dans son jeu.

FM: Justement cet habit, ce brassard, il est important ?

JB: C’est un peu une allégorie. Le brassard, c’est vraiment le symbole du capitanat, de la force. Le fait de porter le brassard, de le mettre, c’est comme si tu mettais ton costume. C’est la cape du super-héros. Quand je le mettais je ressentais quelque chose. Tu endosses un nouveau rôle. Tu n’es plus la même personne, tu es différent, tu as une autre fonction que footballeur.

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