Didier Deschamps, toujours à la recherche de la bonne formule
Doté d'une génération particulièrement talentueuse, Didier Deschamps tâtonne entre différents dispositifs tactiques. À moins d'un an de l'Euro 2021, le sélectionneur est toujours à la recherche de la bonne formule, qui pourrait encore changer au dernier moment.
4-4-2 à plat, 4-3-3 pointe basse, 4-3-2-1, 4-2-3-1, 3-4-1-2, 4-4-2 losange... Depuis son arrivée sur le banc de l'équipe de France en 2012, Didier Deschamps a adopté différents dispositifs tactiques avec plus ou moins de réussite. Depuis la fin d'année 2019, le sélectionneur des Bleus a notamment mis en place un rarissime 3-4-1-2 pour la France et plus récemment un 4-4-2 losange, qui n'ont pas donné entière satisfaction. Alors Didier Deschamps serait-il face à un vrai casse-tête à huit mois de l'Euro ?
Un coutumier du fait
En réalité, c'est loin d'être la première fois que le sélectionneur des Bleus se retrouve dans cette situation. Lorsqu'il avait récupéré les Bleus après le passage de Laurent Blanc, Deschamps avait tout d'abord misé sur un 4-3-3 pointe basse avant de subitement changer ses plans à la mi-temps d'un match qualificatif pour la Coupe du monde 2014, contre l'Espagne.
Mené 0-1 à la pause par la Roja, Deschamps avait restructuré son équipe en 4-2-3-1, avec l'entrée de Sissoko dans un rôle d'ailier hybride (défensif, mais aussi percutant), ce qui lui avait permis de se créer une pléiade d'occasions avant d'égaliser dans le temps d'additionnel grâce à une tête de Giroud, qui avait remplacé Benzema quelques minutes plus tôt.
Derrière, avec l'éclosion de Paul Pogba à la Juventus Turin, le sélectionneur avait une nouvelle fois changé de dispositif en évoluant en 4-4-2 à plat face à la Géorgie. Puis lors du barrage aller contre l'Ukraine, Deschamps avait concocté de nouveau un 4-2-3-1 avec Nasri en 10 derrière Giroud.
Après le fiasco du match aller (0-2), Deschamps avait décidé d'aligner un 4-3-2-1 (le fameux sapin de Noël qui se rapproche d'un 4-3-3 pointe basse) avec Ribéry et Valbuena en soutien de Benzema. Ce soir-là, les Bleus ont enflammé le Stade de France en s'imposant (3-0) et en se qualifiant pour le Mondial brésilien où ils ont joué majoritairement dans un 4-3-3 pointe basse (qui se transformait en 4-1-4-1 sur phase défensive), avec l'intégration de Griezmann sur le côté gauche à la place de Ribéry, blessé.
Après le Brésil, Deschamps a préparé l'Euro 2016 en testant de nombreux joueurs, mais en restant principalement organisé en 4-3-3 pointe basse avec notamment le retour de Lassana Diarra en sentinelle/meneur de jeu reculé. Lors du premier tour de l'Euro, la France a évolué en 4-3-3 avec en sentinelle N'Golo Kanté, qui a remplacé Diarra, et Payet-Griezmann-Giroud devant.
Après une première période délicate contre l'Irlande (0-1) en huitièmes de finale de l'Euro, Deschamps a revu ses plans au retour des vestiaires en adoptant un 4-2-3-1. N'Golo Kanté sortait du 11 et Antoine Griezmann évoluait juste derrière Giroud. C'est dans ce 4-2-3-1 avec Moussa Sissoko en ailier hybride à droite que les Bleus ont atteint la finale, où ils ont été battus par le Portugal (0-1) en prolongations.
Après l'Euro français, Deschamps a misé sur ce système pendant encore deux ans, se permettant une facétie contre l'Espagne en match amical, en mars 2017, avec un 4-4-2 losange. Juste avant la Coupe du monde 2018, il a testé un 4-3-3 contre l'Italie en amical qui lui a plu. Si bien qu'il l'a aligné contre l'Australie en ouverture du Mondial russe, mais la triste prestation des Bleus l'a convaincu de remiser sur son 4-2-3-1 de l'Euro avec une variante non négligeable.
Lors de l'Euro 2016, le 4-2-3-1 de Deschamps se distinguait par la présence d'un meneur de jeu sur le côté gauche, Payet, qui pouvait rentrer à l'intérieur pour créer le danger tandis qu'à droite, on retrouvait Sissoko, dont le profil défensif permettait de verrouiller son côté, mais dont les capacités de percussion balle aux pieds pouvaient aussi créer des opportunités de but. En 2018, le 4-2-3-1 était plus asymétrique puisque l'on retrouvait Mbappé, très haut sur le côté droit, dont le but était d'apporter de la profondeur grâce à sa vitesse, et Matuidi dans un rôle très défensif et moins percutant à gauche.
Grâce à ce système hybride, la France s'est montrée particulièrement solide en défense et dévastatrice en contre-attaque ainsi que sur coups de pied arrêtés. Auréolé d'un titre de champion du monde en 2018, Deschamps a continué de surfer sur ce dispositif jusqu'au dernier match qualification de l'Euro "2020"(2021) en Albanie.
3-4-1-2 ou 4-4-2 à l'Euro 2021 ? Ou retour inévitable du 4-2-3-1 ?
À Tirana, les hommes de Didier Deschamps ont donc évoluer un 3-5-2 ou 3-4-1-2, que l'on avait décortiqué en longueur, et se sont imposés avec la manière. Le sélectionneur tricolore a également opté pour ce dispositif lors des deux premiers matches de la Ligue des Nations 2020/2021 avec deux victoires entachées de deux prestations décevantes. La raison ? Le manque de forme/confiance de Griezmann depuis la reprise de la saison 2020/2021, le manque d'automatisme et la faiblesse des pistons alignés (surtout sur le plan offensif).
Contre la Suède et la Croatie, la France s'en était remise à ses individualités pour faire la différence. « On a été en difficulté lors de la première demi-heure, on n'était pas trop dans le rythme, les Croates ont eu le mérite d'avoir mis l'agressivité. Mener 2-1 à la mi-temps était plutôt flatteur pour nous. C'est le foot. On doit passer par des périodes difficiles, c'est le moment aussi. J'ai fait beaucoup de changements, ce n'est pas une excuse, mais j'en ai fait plus que ce que je fais d'habitude, cela demande de la répétition pour avoir des automatismes. Comme tous les systèmes, il y a des avantages, des inconvénients. Ça nous servira. Ce n'est pas condamné. Je préfère avoir les difficultés là que pendant la compétition », avait indiqué Deschamps après la victoire (4-2) contre la Croatie, avant de passer en 4-4-2 losange pour ces deux prochains matches.
Contre l'Ukraine, les Bleus ont effectué une belle prestation avec une bonne activité de Tolisso et surtout Camavinga en milieux relayeurs. Contre le Portugal, le losange composé de Kanté, Rabiot, Pogba et Griezmann a affiché de la maîtrise au milieu de terrain, mais trop peu de créativité pour inquiéter l'escouade portugaise. Seuls Pogba et Kanté ont vraiment cherché à percuter pour créer le danger tandis que Griezmann a eu beaucoup de déchets dans le dernier geste.
« On a un bon équilibre, mais on doit être capable d'être plus dangereux offensivement. C'était un match plus statique, plus verrouillé aussi, avec peu d'occasions. Le système nous a permis d'avoir la possession, mais sans créer suffisamment de danger. Mais c'est sans doute aussi dû à cette équipe du Portugal. (...) On était censé pouvoir mieux attaquer, c'est sûr, mais cela passe par là aussi, par des problèmes dus à un adversaire, à une opposition. Heureusement qu'on a des difficultés avant les échéances qui nous attendent l'année prochaine », avait lâché le sélectionneur juste après le match nul contre le Portugal.
Contre la Croatie, ce mercredi 14 octobre, Didier Deschamps pourrait de nouveau expérimenter le 4-4-2 losange pour chercher à avoir de nouvelles indications précieuses en vue de l'Euro. En réalité, il lui restera au moins 5 matches après la Croatie (2 de Ligue des Nations et au moins 3 matches amicaux avant l'Euro entre mars et juin) pour trouver la bonne formule. À moins qu'il se repose une nouvelle fois sur son 4-2-3-1 fétiche lors des matches à élimination directe ?
« Je veux élargir notre palette. On doit garder la base qui était notre force, mais aussi travailler notre variété. Ce n'est pas parce que ça marche bien à un moment donné que ça marchera toujours, même si ça peut continuer à fonctionner. Le système à trois utilisé en septembre n'est pas non plus parti aux oubliettes. Je l'ai dit et le répète. J'ai estimé que les rassemblements de septembre, octobre et novembre étaient le bon moment de faire les choses différemment pour avoir des réponses avant de basculer sur l’Euro en 2021. En mars, ce sera très proche. Il y a toujours des enseignements, des réponses, en tenant compte de l’opposition qu’on a aussi », a confié le sélectionneur en conférence de presse.
Qu'importe le dispositif tactique choisi, ce qui prime pour le sélectionneur tricolore reste d'avoir une équipe équilibrée qui concède peu de choses à l'adversaire. Et une chose est sûre, Didier Deschamps sait ce qu'il fait et a souvent réussi à s'en sortir dans le brouillard. Mais ça, c'est sa formule secrète qu'il continue de préserver.
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