Premier League

Argentine : Emiliano "Dibu" Martínez, d’inconnu au bataillon à véritable légende nationale

Encore inconnu du grand public il y a cinq ans, Emiliano Martínez est aujourd’hui une véritable icône en Argentine. Pour sa personnalité décomplexée, bien sûr, mais pas seulement.

Par Jordan Pardon
8 min.
Emiliano Martínez avec l'Argentine @Maxppp

«Résilient», c’est probablement l’adjectif qui qualifierait le plus fidèlement Emiliano Martinez. C’est en tout cas la perception de l’intéressé lorsqu’il est invité à commenter son parcours. «Pour moi, ç'a été plus dur que pour d’autres, mais je savais que j’avais du talent, de la passion et je me suis toujours investi. Lors de la Coupe du Monde 2018, j’étais en tribunes en tant que spectateur. À ce moment-là, j’ai dit à mon frère : 'Dans quatre ans, au Qatar, ce sera moi le gardien de cette équipe’» rembobinait-il dans un entretien à L’Équipe en février. Une réussite qui lui revient de droit et à laquelle personne ne pourra s’attribuer le mentorat. Qui aurait pu fabuler sur une trajectoire aussi effrénée, cinq ans en arrière, lorsqu’il évoluait encore à Reading, modeste club de Championship ? Pas grand monde à part lui. «Il y a quelques années, c’est vrai que je me suis dit que ce n’était peut-être pas fait pour moi (le football). Puis, il y a quatre ans, j’ai commencé à travailler avec un psychologue, qui m’a aidé à ne pas toucher le fond. Je me suis relevé. Mon fils est né à cette période et j’ai décidé de ne plus accepter de partir en prêt.»

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À mesure que les opportunités se sont présentées à lui, le «Dibu» (son sobriquet attribué en raison de sa ressemblance avec le personnage principal d’un dessin animé argentin) a su tisser sa toile avec méthode et application, au point de s’ériger aujourd’hui en véritable icône dans son pays. Depuis cette funeste nuit tricolore de Lusail le 18 décembre dernier, où il aura joint les mains - et le mollet gauche - à l’éternel, le gardien de 31 ans est porté aux nues, sanctifié, et s’apparente à un véritable modèle chez les plus jeunes. En Argentine, voir un enfant reproduire sa coupe de cheveux extravagante, ou arborer un maillot floqué à son nom, est devenu monnaie-courante. Une marque d’affection qui le touche particulièrement, lui qui a désormais pris goût à reproduire son célèbre pas de danse à chaque fois que les supporters l’invitent à le faire pendant les matches. Autre preuve de l’engouement populaire qu’il génère : la montée exponentielle de son nombre d’abonnés sur les réseaux sociaux. Au moment de la finale de Copa América remportée par l’Argentine en juillet 2021, Martínez était suivi par quelques 775 000 fans sur Instagram. Aujourd’hui, l’Argentin en totalise 13 millions.

Emiliano Martínez n’est pas juste un showman

Si son caractère espiègle et ses multiples chambrages ont eu le don d’agacer les supporters français après la Coupe du Monde, le retour de manivelle ne l’a pour l’heure pas frappé. Il y a la raison d’une adversité assez relative depuis (Panama, Curaçao, Indonésie entre autres), soit, mais également la présence d’un gardien fiable, qu’il serait malhonnête de passer sous silence. Forcément attendu au tournant après avoir tutoyé les sommets avec l’Argentine, le «Dibu» s’y est depuis installé. Pas besoin de se plonger dans des comptes d’apothicaire : il n’a pas encaissé le moindre but en 2023. «C’est une bête, cela me fait plaisir pour lui. Le grand mérite lui revient, et à toute l’équipe. Ce n’est pas facile de lui marquer un but, et cela montre l’engagement de chacun lorsqu’il s’agit de défendre. Il le mérite car c’est un phénomène et un personnage», louait Lionel Messi à son sujet ces dernières semaines.

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D’ailleurs, Martínez vient de battre le record d’invincibilité en sélection argentine, auparavant détenu par Germán Burgos, qui avait gardé sa cage inviolée pendant 606 minutes entre 1998 et 1999. Peu inquiété face au Paraguay jeudi, le portier d’Aston Villa a ainsi étendu le record à 622 minutes, inscrivant un peu plus son nom à l’encre d’or dans la légende argentine. «C’est un jour très spécial pour ma famille et moi d’avoir battu ce record d’invincibilité dans l’histoire de l’équipe nationale. Sans cette équipe de lions je n’aurais eu aucune chance, merci à tous», a-t-il posté sur son compte Instagram après l’ajout de cette nouvelle marque à son palmarès. Le quotidien Olé n’a lui, pas fait dans la demi-mesure après ce nouveau record : «Au Monumental, il a une fois de plus expérimenté ce qu’il est : un héros terrestre. Parce que Dibu est l’homme parti de rien, pas le Superman comme Messi. C’est une icône qui était encore anonyme il y a deux ans, mais que les petits embrassent avec tendresse et respect aujourd’hui.»

Son transfert à Aston Villa comme point de bascule

Inutile de se perdre en conjectures quant à la trajectoire qu’aurait emprunté l’Argentin s’il n’avait pas quitté Arsenal en 2020. Aujourd’hui, le gardien formé à l’Independiente fait le beau temps du Aston Villa d’Unai Emery, et tant mieux. «Avant, j’écoutais peut-être un peu trop les avis extérieurs, même lorsque je ne le sentais pas. Mais c’est moi qui ai décidé d’aller à Aston Villa. C’était ma décision. Je savais que ça allait marcher», avait-il confié à France Football après la Coupe du Monde. Après deux premières saisons achevées en deuxième partie de tableau avec les Villans (11e en 2021, 14e en 2022), Martínez et ses coéquipiers ont monté le curseur jusqu’à des hauteurs qui n’avaient plus été atteintes depuis 2010 par le club de Birmingham, avec une 7e place qualificative pour la Ligue Europa Conférence.

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Et en ce début de saison, l’état de grâce flotte toujours au dessus de Villa Park. Invaincus à domicile en championnat (3 victoires en 3 matches), les joueurs d’Unai Emery se sont invités dans le TOP 5 de Premier League aux côtés de Tottenham, d’Arsenal, de Manchester City et de Liverpool. Et même si Emiliano Martínez ne marque pas de buts, il en sauve tellement que c’est tout aussi énorme. Lors de la victoire des Villans contre Chelsea fin septembre à Stamford Bridge (0-1), il a écoeuré Nicolas Jackson, Raheem Sterling et Ben Chilwell, chacun leur tour. Une façon de confirmer qu’il avait bien son rond de serviette à la table des meilleurs portiers du championnat. Si Unai Emery était dubitatif à l’idée de le conserver à son retour de Coupe du Monde il y a 10 mois, l’Argentin a su garder les reins solides et dessiller son regard. En fait, déjouer les pronostics, c’est un peu l’histoire d’Emiliano Martínez.

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