Coupe du Monde 2034 : l’Arabie saoudite fait face à un énorme scandale mondial
L’Arabie saoudite se retrouve engluée dans une polémique massive depuis les révélations de plusieurs médias européens, dont le Guardian. Selon les rapports d’Amnesty International et dix autres ONG du consortium Sport & Rights Alliance (SRA), la FIFA pourrait bien être épinglée pour homicide involontaire si l’institution continue de fermer les yeux sur les violations des droits de l’homme sur les chantiers des stades pour la Coupe du Monde 2034.
Seule candidate en lice pour l’organisation 2034, l’Arabie saoudite va accueillir en ses terres la plus grande compétition de football mondial. Le 11 décembre, la FIFA doit annoncer en direct de Zurich les candidatures pour les Coupes du monde 2030 et 2034, dans le cadre d’un congrès virtuel extraordinaire. C’est une suite logique du développement du football saoudien après les arrivées de multiples stars comme Cristiano Ronaldo, Sadio Mané, N’Golo Kanté, Karim Benzema ou encore Neymar. Au-delà de l’aspect purement sportif, le Royaume investit également dans de nouvelles infrastructures pour perfectionner son grand projet footballistique. En ce début de semaine, l’annonce du grand chantier du futur Stade King Salman a fait grand bruit : «la Commission Royale pour la Ville de Riyad et le ministère des Sports ont dévoilé le Stade King Salman qui deviendra le plus grand stade d’Arabie Saoudite et l’un des plus grands sites sportifs au monde. Le stade, dont la construction doit s’achever fin 2029, servira de siège principal pour l’équipe nationale de football d’Arabie Saoudite et accueillera également d’autres événements sportifs et de divertissement, nationaux et internationaux», était-il écrit dans le communiqué officiel.
Le stade principal aura une capacité brute de plus de 92 000 places avec des équipements incluant une loge royale et des salons VIP. Le site comportera des écrans internes, des jardins et un sentier pédestre sur le toit offrant des vues panoramiques sur le Parc King Abdulaziz. Dans ce futur espace sportif moderne, des installations commerciales, des terrains d’entraînement de football, des fanzones, un centre aquatique avec une piscine olympique et un stade d’athlétisme seront aussi présents. Mais derrière cet immense stade novateur et futuriste, un scandale est en train d’éclater après la publication conjointe d’une grande enquête. Derrière les panneaux du site, placardés de slogans optimistes tels que « Destination familiale » et « Connecter les communautés », des centaines de travailleurs migrants vivent l’autre face cachée du rêve saoudien d’accueillir la Coupe du Monde. La candidature du royaume du Golfe promet un «tournoi époustouflant d’excitation et d’innovation», mais les révélations reflètent les conditions choquantes endurées par les travailleurs migrants au Qatar, soulevant la perspective qu’une fois de plus la Coupe du monde soit ternie par des violations généralisées des droits du travail.
«Des gens vont mourir»
Les journaux britanniques The Guardian et Daily Mail ont mené une grande enquête en Arabie saoudite depuis plusieurs mois et ont ainsi révélé pour la première fois des détails troublants sur la préparation de cette Coupe du Monde. Aux côtés de dix autres ONG du consortium Sport & Rights Alliance (SRA), Amnesty International a publié un rapport lundi intitulé «High Stakes Bids», qui conclut que l’organisation par l’Arabie saoudite du tournoi de 2034 devrait être immédiatement suspendue afin d’éviter les abus et les décès qui semblent inévitables au vu des pratiques actuelles. Il y a deux semaines, FairSquare a publié une étude approfondie sur les activités de la FIFA, concluant que l’instance dirigeante du football joue un rôle dans « un large éventail de préjudices sociaux, notamment des violations très graves et systématiques des droits de l’homme ». En d’autres termes, la FIFA n’est pas seulement confuse et induite en erreur, mais est une source active de préjudices, et des gens sont opprimés, réduits en esclavage et tués en son nom. Le récent documentaire Kingdom Uncovered a fourni un chiffre supplémentaire qui vient s’ajouter aux 11 nouveaux stades, aux 185 000 nouvelles chambres d’hôtel et à l’accord de sponsoring estimé à 1 milliard de dollars entre la FIFA et Aramco, la compagnie pétrolière publique saoudienne. Ce chiffre s’élève à 21 000, soit le total des travailleurs népalais, bangladais et indiens qui seraient morts depuis le lancement du programme Vision 2030 en avril 2016. Les passeports sont confisqués, les salaires ne sont pas payés, les contrats se révèlent être factices. Coincés sous les dettes, incapables de changer d’emploi et trop effrayés pour se plaindre, beaucoup se retrouvent dans une sorte d’esclavage des temps modernes. Six Construct, filiale du géant belge du bâtiment BESIX, est l’un des principaux entrepreneurs de stades. Cette entreprise a l’habitude d’être accusée de violations des droits des travailleurs. Selon un rapport d’Amnesty International datée de 2016, les ouvriers travaillant pour l’entreprise dans l’un des stades de la Coupe du monde au Qatar ont été confrontés à des conditions de travail extrêmement abusives, similaires à celles découvertes au stade Aramco en Arabie saoudite.
Le Guardian précise que «dans un pays où des milliers de travailleurs migrants sont morts depuis 2016, un immense chantier de construction se profile. Le couronnement de décembre restera certainement comme l’acte le plus misérable, le plus sanglant et le plus destructeur de l’histoire du sport organisé mondial». Comme le dit Stephen Cockburn d’Amnesty International : « la FIFA sait que les travailleurs risquent de mourir si elle confie la Coupe du monde à l’Arabie saoudite sans mettre en place les protections adéquates. Ils ne pourront jamais dire qu’ils n’ont pas été prévenus, ni qu’ils n’ont pas eu la possibilité de l’empêcher. Alors que les demandes de justice et de responsabilité vont inévitablement en augmentant, peut-être qu’un jour ce fait deviendra important. Étant donné l’ampleur des projets de l’Arabie saoudite pour la Coupe du monde… il est clair que le tournoi de 2034 sera très probablement terni par l’exploitation, la discrimination et la répression ». Les ouvriers travaillent 10 heures par jour dans une chaleur étouffante, installant des tiges d’acier, érigeant des échafaudages et assemblant les structures des piliers géants en béton qui soutiendront le stade. Pendant l’été, les travaux au stade se sont poursuivis en deux équipes, 24 heures sur 24, avec une courte pause en milieu de journée, malgré la chaleur extrême et l’humidité, qui atteignait souvent 45 degrés. Certains d’entre eux disent gagner moins de 2,39 euros de l’heure pour ce travail. D’autres travailleurs affirment que leurs employeurs retiennent les deux ou trois premiers mois de salaire, les laissant ainsi dans une situation difficile : « ce n’est pas facile de quitter ce travail parce qu’ils ont mon argent », explique l’un d’eux au Daily Mail. A voir aussi si l’ONU, qui a refusé l’entrée de l’Arabie saoudite au Conseil des droits de l’Homme, sera alertée par le cri d’alerte de ces onze ONG.
Without reforms, activists will remain in prison and workers will die.
2030 bid by 🇲🇦🇵🇹🇪🇸 also major gaps.
More: https://t.co/CjmsW6thXv https://www.amnesty.org/en/latest/news/2024/11/global-fifa-should-halt-process-for-2034-world-cup-bid-and-demand-credible-human-rights-strategy-for-2030/ Global: FIFA should halt process for 2034 World Cup bid FIFA should halt the process to select Saudi Arabia as host of the 2034 men’s World Cup unless major human rights reforms are announced
Le silence assourdissant de la FIFA
Il a été suggéré que la FIFA avait édulcoré ses exigences en matière de droits de l’homme, une autre mesure qui faciliterait une candidature saoudienne. Ces exigences étaient explicites à toutes les étapes du processus de candidature pour 2026. Les exigences pour 2034 semblent en revanche bien minces. Comme le souligne le rapport d’Amnesty : «la FIFA a affaibli son influence en poursuivant un processus de sélection sans appel d’offres ni votes séparés. Elle a également considérablement limité la portée de l’évaluation des droits humains en Arabie saoudite, en violation de ses propres politiques et responsabilités en matière de droits humains». En amont, Gianni Infantino et son exécutif ont pris des mesures directes largement considérées comme ouvrant la voie à la réussite de l’Arabie saoudite. L’organisation de 2030 sur trois continents signifiait que 2034 était limitée à l’Asie ou à l’Océanie. Les hôtes potentiels n’avaient que 25 jours pour exprimer leur intention. Seule l’Arabie saoudite s’est manifestée. La Fédération norvégienne de football a qualifié cette décision de « non transparente ». En outre, les conditions de candidature ont été adaptées pour que l’Arabie saoudite. Le nombre de stades existants requis est passé de sept à quatre. La FIFA a approuvé une évaluation des droits de l’homme en Arabie saoudite menée par Clifford Chance. Une façade élaborée puisque cette entreprise travaille en étroite collaboration avec les ministères du gouvernement saoudien, le Fonds d’investissement public du pays et la Saudi Pro League.
Désormais, il sera capital de savoir quelle sera la réaction de la FIFA. Même si tout ce qui précède pouvait être établi, le délit d’homicide involontaire d’entreprise nécessiterait autre chose à prouver. Le manque de précaution doit être extrême et évident d’un point de vue non juridique, il n’est pas difficile de faire valoir que la FIFA a un devoir de vigilance envers ceux qui sont touchés par la construction et l’organisation de ses événements. Les règles de la FIFA pour l’édition 2022 décrivent l’obligation de « respecter tous les droits de l’homme internationalement reconnus ». Des règles aussi précisées dans le règlement de candidature pour 2034 : «lorsque les normes internationales des droits de l’homme et les lois et réglementations nationales sont en conflit, la FIFA doit suivre la norme la plus élevée». L’Arabie saoudite restera imperméable à toute pression politique en raison de sa puissance carbonique et de sa structure politique. Mais il est toujours essentiel de se rappeler que la FIFA n’a jamais émis une critique contradictoire et qu’elle n’a aucune justification pour exercer sa main libre et brutale et punitive. Et au-delà de cela, la Coupe du Monde n’est pas seulement une affaire de la FIFA, toutes les fédérations nationales ont des responsabilités en matière de droits de l’homme et chaque vote en faveur de ce résultat est «une croix tracée dans le sang de ceux qui vont le construire» conclut le Guardian.
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