De la D2 allemande aux portes de l’Europe, l’incroyable saison d’Heidenheim !
Grosse surprise de la saison en Bundesliga, Heidenheim a su surprendre son monde pour terminer huitième de Bundesliga. Un promu qui a su déjouer les pronostics et s’offrir une première saison historique au sein de l’élite allemande.
Petite ville de 50 000 âmes du Bade-Wurtemberg, Heidenheim an der Brenz est en train de vivre une année 2024 pour le moins surprenante. Mis à part être le lieu de naissance d’Erwin Rommel, ex-officier allemand de la première et deuxième guerre mondiale connu positivement pour son génie militaire et surtout négativement pour son approbation de l’idéologie nazie, Heidenheim a vu naître quelque chose de bien plus valorisant avec son club de football, le 1. FC Heidenheim 1846. Professionnel pour la première fois de son histoire en 2009, cette petite formation a monté progressivement les échelons pour arriver à l’été 2023 en Bundesliga. Une lente percée dans le paysage du football allemand, mais qui aura permis au club de ne pas brûler les étapes avec 5 saisons en troisième division et 9 saisons en deuxième division. Un succès qui porte le sceau de Frank Schmidt.
La réussite de Frank Schmidt
Technicien allemand de 50 ans arrivé au club en tant que joueur en 2003 alors que ce dernier s’appelait encore le SB Heidenheimer (la sélection football qui donnera Heidenheim quittera l’association en 2007), il aura métamorphosé le club qu’il aura emmené de la quatrième division à la première division. Véritable homme fort du club et misant sur un jeu très vertical, basé sur la contre-attaque, Frank Schmidt a su abaisser les barrières pour mener les siens toujours un peu plus haut. Une arrivée en Bundesliga qui a été fortement appréciée en Allemagne. Les fans de football ont apprécié l’exploit réalisé par le petit Poucet de l’élite allemande comme nous l’explique notre confrère de Fussball Transfers Tobias Feldhoff : «ils étaient heureux qu’un petit club sans investisseur atteigne ce grand objectif. En même temps, tout le monde s’attendait à ce qu’ils soient directement relégués.»
Un véritable tour de force pour Frank Schmidt qui a su trouver une nouvelle fois la formule gagnante. En novembre dernier, Thomas Tuchel avait d’ailleurs tenu à souligner l’importance du coach allemand pour Heidenheim : «félicitations à Heidenheim en tout cas pour tout ce que Frank fait depuis 16 ans. Vous pouvez aller à Heidenheim pour chercher l’entraîneur au cours des prochaines années, vous êtes toujours au bon endroit», a-t-il poursuivi. Homme central du projet d’Heidenheim et nommé personnalité de la saison par Kicker, Frank Schmidt a su surprendre tout le monde. Pas forcément programmé pour se maintenir aussi facilement, Heidenheim a trouvé sa dynamique le 1er septembre dernier contre le Borussia Dortmund avec un match nul 2-2. Galvanisés par ce match, le promu a su vite trouver son rythme de croisière et a remonté au fil des mois au classement pour accrocher une huitième place ce dimanche en écrasant Cologne 4-1. Conséquence, une victoire du Bayer Leverkusen contre Kaiserslautern samedi prochain en Coupe d’Allemagne conduira à la qualification européenne du promu pour la Ligue Europa Conference.
Les 4 fantastiques d’Heidenheim
«Je ne savais pas quelle était la situation sur les autres terrains. Mais bien sûr, c’est tout simplement une fin de saison sensationnelle. Nous avons joué une première mi-temps exceptionnelle, puis nous avons ralenti un peu, mais nous avons ensuite terminé parfaitement le match pour le maîtriser», expliquait ainsi Bernhard Raab, l’entraîneur adjoint après la rencontre. Pour arriver là où ils en sont, Heindenheim a pu s’appuyer sur un quatuor qui a été déterminant tout au long de la saison. Dans l’entrejeu, Kevin Sessa (23 ans) s’est imposé comme le maître à jouer de l’équipe basée à la Voith-Arena. Devant lui, un trio a fait des ravages avec les ailiers rapides et percutants avec Jan-Niklas Beste (8 buts et 13 passes décisives) et Eren Dinkçi (10 buts et 5 passes décisives) tandis que l’avant-centre Tim Kleindienst a fait des ravages (12 buts et 5 offrandes).
Une attaque clinique et des offensives tranchantes qui font d’Heidenheim une équipe redoutable à affronter. «Ils ont un super coach et une vraie équipe. Chaque joueur participe à la défense et à l’offensive. Ils jouent principalement en contre-attaque, Dinkçi et Beste étant des joueurs très rapides. Mais ils ne garent pas le bus, ils jouent aussi au football. L’équipe est ensemble depuis de nombreuses années, donc même l’été dernier, avec plus d’argent, ils n’ont pas recruté beaucoup de joueurs», nous a expliqué Tobias Feldhoff. Des vétérans, des jeunes revanchards et une belle alchimie qui nous ont offert de belles histoires dans la belle histoire Heidenheim. Et celle de Jan-Niklas Beste qui a été sélectionné avec l’Allemagne en mars dernier en est l’une des plus intéressantes.
La belle histoire Jan-Niklas Beste
Auteur de 8 buts et 14 passes décisives en 32 apparitions toutes compétitions confondues, le natif de Hamm est un des éléments forts de l’effectif de Frank Schmidt. Habile techniquement et doté d’une belle pointe de vitesse, le joueur de 25 ans impressionne surtout par sa polyvalence. Arrière de métier, il a montré au fil des années qu’il était capable d’évoluer un cran plus haut. Mais ce qui contribue également à renforcer sa réputation outre-Rhin, c’est sa précision sur coup de pied arrêté, un secteur qui fait défaut à la National Mannschaft. «Bien sûr, on m’a posé quelques questions à ce sujet, mais c’est toujours absurde d’y penser. Il y a six mois, je jouais encore en deuxième division. Je sais aussi à quel point le monde du football évolue rapidement», déclarait-il récemment lors d’une interview accordée au média allemand ZDF au sujet des rumeurs l’annonçant dans la liste de Julian Nagelsmann en mars dernier.
Appelé, mais finalement forfait et non sélectionné pour l’Euro, il connaît néanmoins une trajectoire inattendue dans une carrière a été semée d’embûches. Originaire de Hamm en Westphalie, Jan-Niklas Beste a fait ses classes au sein des catégories jeunes du Borussia Dortmund. Considéré comme un talent en devenir, il gravit lentement les échelons pour intégrer les sélections jeunes allemandes U16 et U18 avant de connaître sa première apparition chez les pros du BVB à l’occasion d’un match de Coupe d’Allemagne en août 2017. Malgré tout, ses chances de percer avec les Marsupiaux sont rapidement réduites à néant dans la mesure où il ne tarde pas à faire face à une féroce concurrence au poste de latéral gauche, bloqué notamment par Raphaël Guerreiro. Dès lors, l’Allemand prendra la direction du nord de l’Allemagne et s’engagera en faveur du Werder Brême. Un choix qui s’est avéré infructueux puisqu’il n’est pas parvenu à se frayer un chemin au sein de l’équipe première. S’en est suivi un prêt non concluant au FC Emmen, à l’époque modeste formation d’Eredivisie avec laquelle il a débuté sa campagne par une grosse blessure au genou.
C’est finalement en deuxième division allemande que Jan-Niklas Beste a réussi à faire décoller sa carrière. Prêté par le Werder au Jahn Regensburg en juillet 2020, l’Allemand enchaîne les rencontres avec le pensionnaire de Bundesliga 2 et finit par taper dans l’oeil d’Heidenheim, deux saisons plus tard. Débauché à Brême, Jan-Niklas Beste change véritablement de dimension sous la houlette de Frank Schmidt, qui n’hésite pas à faire évoluer le latéral gauche dans un rôle d’ailier. Beaucoup plus tranchant dans son couloir, l’Allemand progresse à vitesse grand V et gagne ses galons de titulaire. Avec 12 buts et 13 passes décisives à son actif, il est l’un des principaux artisans de la montée du club du Bade-Wurtemberg dans l’élite allemande, une première dans l’histoire des Rouge et Bleu. «Je croise les doigts pour Jan-Niklas, car ce serait quelque chose d’énorme pour lui et son club. Je pense qu’il l’a méritée et qu’il servira bien l’équipe nationale allemande. Il a toutes les vertus dont ils ont besoin. C’est une histoire fantastique qui serait un nouveau point culminant pour notre club», concédait Holger Sanwald, le président d’Heidenheim en marge de la convocation de son protégé. De la Bundesliga 2 à une qualification européenne en passant par les Pays-Bas, Jan-Niklas Beste est sur un petit nuage.
L’Europe en ligne de mire
Avec une victoire du Bayer Leverkusen contre Kaiserslautern ce samedi en Coupe d’Allemagne, Heidenheim obtiendrait une première qualification historique pour une Coupe d’Europe. Quelque chose de totalement fou et qui n’empêche pas d’avoir une grosse ferveur autour du club. Outre la sympathie qui s’en dégage et qui plaît aux supporters des autres clubs de l’élite, Heidenheim est situé entre Stuttgart et Augsbourg dans une zone sans très gros club aux alentours. Cela a facilité la création d’un engouement comme le note Tobias Feldhoff : «ils ont une scène de fans très active. Si l’on considère les grandes villes des environs comme Ulm ou Aalen, leurs clubs n’ont pas joué en Bundesliga depuis longtemps. Ainsi, même à l’extérieur, ils partent généralement avec quelques milliers de fans.»
Pour l’année prochaine, la qualification européenne d’Heidenheim ne sera pas perçue comme négativement. Déjà, car l’autre club qui peut y parvenir c’est Kaiserslautern qui évolue en deuxième division et qui dispose d’une équipe moins armée pour évoluer en Europe. Ensuite, car le mérite de cette saison ressort et que les autres grands ont manqué leur saison. «Ils le méritent même si je suis triste en tant que supporter de Brême parce que le Werder a raté sa chance pour seulement deux buts. Bien sûr, des clubs comme Wolfsburg (encore une fois), le Borussia Mönchengladbach ou l’Union Berlin n’ont pas fait une bonne saison. Mais derrière le top 6 (Leverkusen, Stuttgart, Bayern, Leipzig, Dortmund et Francfort) en Allemagne, tout était possible» a ainsi souligné Tobias Feldhoff. L’Europe en ligne de mire, Heidenheim aura quoiqu’il arrive réalisé une saison totalement dingue et historique.
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